Emile Verhaeren |
Quand tu marches, le pas rythmé, le long des champs, Aime à nommer pour te plaire à toi-même Le sud, l'ouest, l'est, le nord, Mots clairs et doux, mots terribles et forts, Qui décorent les beaux poèmes. Qu'ils t'évoquent les bois, les monts et le soleil ; Qu'ils t'évoquent la mer et le grand port vermeil Illuminant là-bas les confins de la terre ; Qu'ils t'évoquent la brousse et les déserts de feu Et le minaret blanc sur le ciel rouge et bleu Ou le gel coruscant des montagnes polaires. Au mois d'avril, au mois de mai, Le bras ballant, le pas rythmé. Aime à dire et à redire, pour t'y complaire, Leurs syllabes autoritaires. Aux jours d'été, quand midi bout, Ils sont pareils à quatre aigles qui, tout à coup Battent l'espace avec de grands vols fous Et voyagent dans les nuages. Aux jours d'été, ils sont pareils encor A des boules d'argent et d'or Qui dessinent des monts et des vallées, Immensément, dans les moissons bariolées. Ils sont aussi les cavaliers du vieil hiver Qui chevauchent l'averse et fouettent la bourrasque Le givre les habille et le brouillard les masque. Qu'ils s'élancent soit de la plaine ou de la mer, Dieu sait vers quelle immense et formidable joute, Ils ravagent les carrefours Et les villages et les bourgs, Et les arbres qui font le tour De l'infini, le long des routes. Quand tu t'en vas le long d'un champ, Scande pour toi leurs noms puissants. Ainsi, la marche alerte et la chanson rapide Qui célèbrent l'Est, l'Ouest et le Sud et le Nord Les feront comme entrer dans la chair de ton corps, Avec leur souffle ardent et leur vol intrépide. Peut-être ils te diront l'astre qu'ils ont frôlé Au delà de l'éther où vivent d'autres mondes, Et Persée et Vénus palpitante et féconde, Et la Lyre debout sur l'abîme étoile, Et la Vierge et Véga et le Lion et l'Ourse, Tu sentiras alors ton être impétueux Trouver sa loi dans l'ordre et la splendeur des deux Et ton rêve régler son élan et sa course Sur le cortège d'or des étoiles, là-haut, Et ta force grandir et tes pensers sans nombre Laisser choir peu à peu et leur poids et leur ombre Et l'immensité claire entrer en ton cerveau. |
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Emile Verhaeren (1855 - 1916) |
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Portrait de Emile Verhaeren | |||||||||
Biographie / OuvresEmile Verhaeren est né à Saint-Amand le 21 mai 1855. Fils d'une famille commerçante aisée, il appartient à la classe bourgeoise de ce village sur l'Escaut. Au sein de la famille, la langue véhiculaire est le français, mais avec ses camarades de classe de l'école communale et les habitants de Saint-Amand, il recourt au dialecte local. A onze ans, Verhaeren se voit envoyé au pensionn BibliographieChronologie |
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