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ABBÉ DE LIGNAC






Mettant à part Rousseau qui est unique, mais dont les intuitions se trouvent en quelque sorte éparpillées dans une ouvre immense, et qui n'a d'ailleurs jamais eu la prétention de faire une analyse proprement philosophique de son expérience intime, le penseur du XVIIIe siècle qui est allé le plus loin (ou le plus profonD) dans l'exploration de son être intérieur, c'est assurément l'abbé de Lignac. Il est, de ce point de vue, le grand précurseur de Maine de Biran. Ce qui rend d'ailleurs plus surprenante cette ressemblance, c'est que l'itinéraire mental suivi par l'abbé de Lignac semble assez différent de celui de Biran qui, lui-même, se rattache non à Lignac, mais aux leibniziens du xviiie siècle. Lignac apparaît donc dans la France de son époque comme assez isolé. On l'imagine volontiers comme un solitaire qui, absorbé de plus en plus par le caractère intime et presque secret des expériences de sa vie intérieure, en a entrepris l'étude de son propre chef, sans soutien dans le monde externe et sans l'aide des découvertes réalisées par ses contemporains. Ce qu'il y a d'ailleurs de plus frappant, chez lui, c'est que ces découvertes, il les a rapportées en termes généraux et impersonnels, alors qu'elles ont dû être toutes vécues personnellement, du moins on le soupçonne ou le devine. On se prend à regretter qu'il n'ait pas tenu un journal intime de ces expériences, ou que, s'il en a tenu un, il est, hélas, sans doute perdu.



ABBÉ DE LIGNAC : TEXTES



Ce qui pense en moi se trouve quelquefois réduit au pur sens intime de l'existence. (Lettres à un matérialiste, I753)



Sentiment d'inertie qui renferme pourtant celui de l'existence actuelle et numérique. (Ibid.)



Dans le profond sommeil, dans la préparation même au sommeil, où à la méditation, mon âme n'a(vaiT) ni pensée, ni souvenir, ni sensation... Qui ne s'est pas surpris dans ce dénuement de tout ce qui est accidentel à l'âme, lorsqu'il rêvait à la Suisse ou qu'il était dans une distraction complète sur tout objet extérieur à son être ? (Témoignage du sens intime, 1.1, p. 394.)



Réduit à la conscience seule de l'existence, quand notre âme, dégagée de toute impression venue du dehors se laisse tomber dans un état de rêverie où il ne lui reste plus que le sentiment de son être... (Lettre à un matérialiste.)

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