Essais littéraire |
RUSSO, Alecu (1819-1859), écrivain roumain. Il a fait ses études en Suisse, dans un institut près de Genève, et à Vienne. Revenu dans son pays, il s'engage activement dans le combat antiféodal, aux côtés de M. Kogâlniceanu, V. Alecsandri et C. Negri. Il considérait la mise en valeur du passé comme un moyen très efficient de diffusion des idées avancées. Accusé d'avoir "troublé l'ordre établi" , par le message de ses pièces "Bâcâlia ambitioasâ" et "Jignicerul Vadrâ" (toutes les deux perdueS), il est exilé pour un mois au monastère de Soveja. A cette occasion il découvre la ballade "Miorita", qui, grâce à lui, deviendra célèbre. Après l'échec de la révolution de 1848 il s'exile. Il participe à l'impressionnante réunion de Blaj (Câmpia LibertàtiI), signe à Brasov le programme des révolutionnaires moldaves. Il est emprisonné par les autorités hongroises à Cluj. A Paris il rallie la lutte politique de l'émigration roumaine, dirigée par N. Bâlcesco. De retour à Jassy en 1851, il devient collaborateur des journaux "Zimbrul", "România literarâ", "Steaua Dunârii". Il s'affirme comme un militant intransigeant pour l'union. Très pauvre et accablé de dettes, il meurt à Jassy, quelques jours après la proclamation de l'union. Ses premiers écrits, rédigés en français, probablement vers 1840, publiés après sa mort dans la traduction de V. Alecsandri, A I. Odobescu, M. Sadoveanu, se présentent sous la forme de mémoires. Ce sont des notes de voyage, romantiques par atmosphère, trahissant un remarquable sentiment de la nature ("Piatra teiului", "Piatra corbului"), ou des descriptions réalistes de la capitale de la Moldavie ("Iasii si locuitorii lui în 1840"). "Soveja", écrite en français, comprend "le journal d'un exilé politique en 1846". La série de "Souvenirs" publiée dans "România literarâ" (1855) évoque, dans des pages remarquables par la tendresse et l'humour du commentaire les années de son enfance et de son adolescence. Alecu Russo a été l'un des pionniers de la critique littéraire roumaine et l'un des premiers écrivains passionnés par le folklore. Parmi ses écrits, grâce à sa signification patriotique et révolutionnaire, le poème en prose 'Chant de la Roumanie» (attribué par certains à N. Bàlcescu et publié d'abord à Paris dans "România viitoare" et puis traduit par Russo dans "România literarâ" (1855), a joui d'un grand Prestige à l'époque. Le poème se présente sous la forme de 65 versets (influence bibliquE), certains de ces versets ne dépassant pas quelques lignes. Ce poème est une évocation de la patrie, vue (sous l'influence de Vico et MicheleT), comme une succession cyclique des époques d'esclavage et de liberté. Le poète y affirme l'idée de la dignité nationale, protestant violemment contre l'oppression et la trahison des "boïards", tout en voulant exalter le sentiment national de ses contemporains. L'idée centrale en est l'amour du pays. Le poète évoque d'une manière enthousiaste et tendre des scènes du passé du pays, comme les luttes entre les Roumains et les barbares, ou met, l'une en face de l'autre, sa richessse spirituelle et sa richesse matérielle. Par rapport à celles-ci, le présent est dépourvu de toute forme d'enthousiasme, les habitants sont Pauvres et privés de liberté. Les versets en sont imprégnés parfois d'une charge folklorique, le style en est rhétorique, aux puissants accents prophétiques. Le poème en impose également par ses qualités mélodiques, par l'art subtil de l'emploi des antithèses romantiques, par la phrase parfois brève, parfois longue, vibrant d'une véritable tension intérieure, par l'ironie mordante, incisive, par les accents solennels de l'ode, par les suggestions de la "do'fna" et de la ballade. Enthousiasmé par le passé héroïque, enchanté par les beautés naturelles de son pays, Russo voudrait rallumer dans l'âme de sa génération la flamme sacrée de l'amour du pays, transformer son ouvre en un véritable Évangile, se transformer lui même en un véritable prophète. À ces nobles idéaux correspondent également la langue et la forme de l'ouvre: style plastique, biblique, rhétorique, la langue paysanne, gardant ses particularités linguistiques et en même temps toute sa poésie et son charme. Écrivain militant, ayant lui aussi pris part à la révolution de 1848 en Moldavie, Alecu RUSSO a composé le poème en prose CHANT DE LA ROUMANIE qui reflétait les idéees révolutionnaires du grand patriote Nicolae Bàlcesco et de toute sa génération et qui devait rallier tous les patriotes roumains à la lutte pour l'indépendance de notre pays, pour la liberté nationale et sociale. Le poème a paru d'abord à Paris en 1850, en version française. CHANT DE LA ROUMANIE a également attiré l'attention des milieux intellectuels progressistes français de l'époque sur la situation tragique, douloureuse, et les convulsions qui agitaient les Principautés Roumaines. En effet, c'est après la lecture du CHANT DE LA ROUMANIE que le professeur français Storhas dédiait, tout ému, une poésie à Alecu Russo y faisant l'éloge de son ardent patriotisme. Il y affirmait ausssi sa solidarité avec tous ceux qui luttaient pour la liberté des Principautés Roumaines En 1855 la revue România Literarâ publiait la version roumaine de cette ouvre magistrale d'Alecu Russo qui était destinée à stimuler le patriotisme du peuple roumain engagé dans son magnifique combat révolutionnaire. Oeuvre lyrique émouvante et troublante par l'intensité du sentiment patriotique, le CHANT DE LA ROUMANIE est traversé aussi par de nombreuses idées généreuses et nobles, des idées très avancées pour l'époque. L'idéal d'Alecu Russo, qui était ausssi celui de toute cette génération de 1848, perce dans chacun des versets de ce CHANT où l'unité et l'indépendance nationale s'allient aux idées de liberté sociale. Si le poème d'Alecu Russo devient parfois une mélopée, une modulation lyrique, qui retrace les souffrances du peuple roumain le long des siècles, il n'en est pas moins empreint d'optimisme et d'espoir dans l'avenir lumineux de la Roumanie. Le message du CHANT DE LA ROUMANIE a retenti dans la conscience de tous ceux qui étaient animés par le noble idéal de la liberté et dont le cour vibrait d'un ardent patriotisme, de tous ceux qui ont mis leurs forces et leur talent au service de cette noble cause révolutionnaire. CHANT DE LA ROUMANIE Texte De tous les pays répandus sur la terre [...], en est-il un de plus beau que toi? Quel autre pays se pare, l'été, de fleurs plus jolies, de moissons plus riches? Vertes sont tes collines, belles tes forêts et tes chênaies qui grimpent sur tes coteaux, pur et clair est ton ciel; tes monts s'élèvent vers les nues... Tes nuits enchantent l'ouïe, tes jours charment la vue. La patrie c'est la première et la toute dernière parole que l'homme prononce; elle est la source de toutes les joies; l'amour pour la patrie naît en même temps que nous et cet amour est infini, éternel... La patrie c'est le souvenir de notre enfance, la demeure paternelle avec son grand arbre au seuil de la porte, c'est l'amour maternel et les rêves innocents qui s'éveillent dans nos cours... c'est le lieu où nous avons aimé, où l'on nous a aimés... Cest le chien avec lequel on jouait... c'est la cloche de l'église du village qui sonne lors des beaux jours de fête... c'est le bêlement des troupeaux qui rentraient des pâturages à la tombée du soir... c'est la fumée du foyer qui nous a réchauffés au berceau puis s'est envolée dans les airs... c'est la cigogne perchée sur le toit qui promène tendrement ses regards sur la plaine... c'est l'air qui nulle part n'est plus doux! Et sous la tente de l'exil, les vieux disaient aux jeunes: là-bas, dans la vallée, là-bas au loin où le soleil est si beau, là où les plaines scintillent et les ruisseaux sont frais, là où le ciel est doux, où la terre est fertile et les génisses . sont blanches, c'est là. mes enfants, le pays! À ces mots, les braves prenaient les armes, les nouveaux-nés tressaillaient dans leurs berceaux, les femmes chanlaicni la patrie lointaine et la douleur des exiles, les faibles s'enhardissaient" La lutte encourage le faible et le danger enhardit la vaillant... tout bien a ses revers. Telle l'épine qui se cache sous la fleur, les ennemis en veulent à la liberté car celle-ci est la plus féconde des richesses de l'héritage paternel. L'or ne fait pas la richesse des peuples de même que la pauvreté ne fait pas l'indigence des gens. Les trésors sont périssables tandis que la pauvreté laborieuse est une fortune que l'on ne perd jamais. Le travail, voilà la richesse éternelle. 54 De tous les pays répandus sur la terre, en est-il un de plus beau que toi? Quel autre pays se pare, l'été, de fleurs plus jolies, de moissons plus riches? Adaptation française d'après Alecu RUSSO |
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