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AMADOU HAMPÂTÉ BÂ - Amkoullel, l'enfant peut






«La première classe.



Il n'existait pas de bâtiment spécial pour l'école. Les cours se donnaient dans un hangar de l'ancienne écurie royale aménagé en préau. À notre arrivée, le maître d'école était en train de donner son cours aux vingt-trois élèves de sa classe. C'était un «moniteur de l'enseignement primaire indigène», c'est-à-dire issu de l'École professionnelle de Bamako (seuls les diplômés de l'École normale de Goréc avaient droit au titre d'instituteuR). Il s'appelait M. Moulaye Haïdara. C'était un métis maure d'une famille chrétienne du Sokolo (MalI). En nous voyant approcher, il interrompit sa leçon et se tourna vers nous. Koniba Kondala lui remit la note du commandant et nous présenta, puis il partit sans attendre, comme s'il redoutait que ma langue trop bien pendue ne lui attire, môme en ce lieu,

quelque nouveau désagrément.

Madani et moi nous tenions debout devant le maître. Celui-ci ouvrit un grand registre, plus haut que large, et y inscrivit soigneusement nos noms. Puis il nous demanda, dans notre langue, quel était le métier de nos parents. Madani répondit que son père était chef. Moi, ne sachant que dire, je donnai comme métier de mon père celui qu'exerçait Beydari Hampâté, c'est-à-dire boucher. M. Moulaye Haïdara se tourna vers ses élèves et dit à haute voix en français, en me montrant du doigt :

«Amadou est un boucher. Répétez !»

Les élèves reprirent en chour :

«Amadou est un boucher.

- Encore, dit le maître.»



Les élèves répétèrent, ensemble puis chacun à son tour :

«Amadou est un boucher.»

Cette phrase fut la première que j'appris et retins de la langue française.

Le maître se leva et nous conduisit au dernier rang de la classe. Il me fît asseoir à l'avant-dernière place et Madani à la dernière, en nous demandant de tenir nos bras sagement croisés sur la table. Je me perdis en réflexions. Pourquoi m'avait-on placé avant Madani, fils du chef du pays, et pourquoi Daye Konaré, l'un de ses captifs, était-il assis au premier rang? Peut-être était-ce une erreur? Après un moment, je me levai pour céder ma place à Madani et m 'installai à la sienne.

«Qui vous a permis de changer de place ?» s'écria le maître en bambara. Je me levai et répondis dans la même langue, que parlaient d'ailleurs la plupart des enfants :

«Madani est mon prince, monsieur. Je ne peux pas me mettre devant lui.

- Ici, c'est moi qui désigne les places, on ne les choisit pas. Tu entends ?

- J'entends, monsieur.

- Reprenez les places que je vous ai données. Ici, il n'y a ni princes ni sujets. Il faut laisser tout cela chez vous, derrière la rivière. »

Ces paroles me marquèrent profondément. »

(Paris, Actes Sud - Labor - L'Aire, 1992, p. 330-331) e considérée comme une des plus importantes de la littérature negro-africaine: essai historique, édition de textes dans les langues africaines, récit, autobiographie.

Né en 1900 à Bandiagara (MalI), fils d'Hampâte-Bâ, descendant d'une famille noble peule, et de Kadidja Pâté, fille d'un maître d'initiation pastorale peul, lié à El Hadj Omar, Amadou Hampaté Bâ sera adopté, à la mort de son père (1903) par Tidjani Thiam, noble toucoulcur, chef de province qui deviendra son père adoptif. Destitué, celui-ci est exilé en pays Bambara, à Bougouni où Amadou découvre le monde bambara. Il fait l'école coranique auprès de Ticrno Bokar, son maître spirituel. Élève de l'école des Blancs à Bandiagara, de l'école régionale et de l'école professionnelle de Bamako, il est admis par concours à l'Ecole normale William-Ponty en 1921. Il y renonce devant le refus formel de sa mère. Entre 1922 et 1923 il fait une carrière administrative en Haute-Volta et dans des postes successifs. En 1942, Théodor Monod, directeur de 1TFAN à Dakar réussit à l'y affecter en qualité de chercheur. Entre 1942 et 1958, il fait carrière à l'IFAN, au Sénégal, en Guinée, au Mali et des tournées de conférences au Sénégal, en Guinée, au Niger, en Haute-Volta, au Mali, en Mauritanie, en Côte d'Ivoire. En 1951 il reçoit une bourse UNESCO à Paris. Administrateur de la SOFRAROM (Société de radio-diffusion de la France d'Outre-MeR), président du conseil de rédaction du mensuel Afrique en marche, il fonde et dirige, à l'indépendance, l'Institut des Sciences humaines à Bamako. Membre du Conseil exécutif de l'UNESCO, ambassadeur du Mali en Côte d'Ivoire, il se consacre depuis 1970, année de la fin de son mandat à l'UNESCO, à ses travaux personnels et à ses tournées de conférences.



De l'ouvre très vaste d'Amadou Hampâté Bâ nous ne donnons que quelques titres:



1. Contes, mythes, textes historiques, textes sacrés ;

- L'Empirepeu! du Macina ( 1955) ;

- Vie et Enseignement de Tierno Bokar, le sage de Bandiagara (1957) ;

- Kaydara, récit initiatique peu! (1969) ;

- Aspects de la civilisation africaine (1972) ;

- Jésus vu par un musulman ( 1977) ;

- La poignée de poussière, contes et récits du Mali (1987) ;





2. Poésie, récits romanesques ou autobiographiques :

- «Poésie peulc du Macina» dans Présence Africaine, nos 8-9, 1950;

- L'Étrange destin de Wangrin ou les roueries d'un interprète africain (1973) ;

-Amkoullel, l'enfant peu! (1991) ;



Amkoullel, l'enfant peu/, dont est tiré le fragment ci-dessus, est le dernier livre, mis en chantier et confié à l'édition, du vivant de l'auteur, et s'adresse surtout au lecteur occidental. L'auteur y multiplie «les informations complémentaires susceptibles de faciliter l'entrée de celui-ci dans un monde africain révolu». «Si ce livre de souvenirs est, au premier chef, un ouvrage d'information, pour ne pas dire de vulgarisation, là ne se limite pas son rôle : on peut également le lire comme un livre de sagesse, une introduction à des aspects fondamentaux de l'éthique africaine, mais aussi, et ce n'est pas son moindre mérite, comme l'ouvre d'un écrivain conscient de toutes les ressources de son art et habile à en tirer parti» (Robert JouannY).



Commentaire suivi



L'auteur nous présente sou premier jour à l'école: le bâtiment tout d'abord qui n'était pas "exactement" celui d'une école, mais un hangar de l'ancienne écurie royale qu'on avait pris la peine d'aménager en préau; le maître et les élèves ensuite (vingt-troiS). Ce n'est pas un instituteur puisqu'il n'a pas un diplôme de l'École normale de Goréc, mais un «moniteur de l'enseignement primaire indigène» (issu de l'École professionnelle de BamakO) qui s'appelait M. Moulayc Haïdara. Des le début nous avons des détails importants : c'est un métis maure, d'une famille chrétienne du Sokolo (MalI).

Le "moniteur" s'interrompt pour accueillir ses nouveaux élèves, présentés dans une note du commandant. L'auteur, en effet, a été enrôle dans l'école primaire en tant que "fils de chef : les chefs des tribus étaient obligés par l'administration coloniale d'envoyer leurs enfants à l'école des Blancs. Après une première époque où les chefs envoyaient à l'école leurs serfs à la place de leurs fils, se rendant compte des opportunités futures qui s'ouvraient à ceux qui la fréquentaient, ils s'y soumettent. Le petit Amadou avait la réputation de causer des désagréments à cause de sa langue trop bien pendue.



Les deux nouveaux élèves (Madani et AmadoU) sont présentés à la classe, sont inscrits dans un grand registre et on leur demande, dans leur langue, quel était le métier de leurs parents. Madani répond que son père était chef. Plus intelligent, Amadou qui sait ce que signifie le mot "métier", et ne sachant que dire, donne celui de Beydari Hampâté, boucher. Le maître répète, et fait répéter à la classe, en français, plusieurs fois : "Amadou est un boucher" (et non "le père d'Amadou...").



C'est la première phrase en français que le petit Amadou apprend et retient. Le placement, lui à l'avant-dernière place et Madani à la dernière, les bras sagement croisés sur la table, suscite de nombreuses réflexions d'Amadou. En effet, pourquoi Madani, fils du chef du pays, est-il assis derrière lui et pourquoi Daye Konaré, l'un de ses captifs l'était-il au premier rang ? Était-ce une erreur ? Il se lève et change de place avec Madani. Réaction immédiate du maître assurant son autorité à la réponse d'Amadou (Ici, c'est moi qui désigne /es-placeS) et infligeant une leçon étonnante au petit Amadou et aux autres aussi : l'égalité de tous devant l'étude : Ici, il n'y a ni princes ni sujets. Il faut laisser tout cela chez vous, derrière la rivière. La rivière se convertit ainsi en frontière délimitant deux mondes : celui du progrès et de la civilisation que suppose l'enseignement, et celui des codes, rites et coutumes du monde de la brousse.



A consulter:



1. Aggarwal, Kusum, Amadou Hampâté Bâ. De la recherche anthropologique à l'exercice de la fonction auctoriale, Paris-Montréal, L'Harmattan, 1999.

2. Amsclle, J.-L., "L'autobiographie d'Amadou

Wangrin", dans La Quinzaine littéraire, 1-15 oct. 1991.

3. Florenne, Y., "Hampâté Bâ homme de mémoire", dans Le Monde diplomatique, oct. 1991.

4. Giuliani, M., "Feuilletés", dans Po/ités, 12 sept. 1991.

5. Hampâté Bâ, aujourd'hui. Lecture de l'ouvre d'Hampâté Bâ, Paris, L'Harmattan, 1992.

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