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AMINATA SOW FALL - Le jujubier du patriarche






« Yelli passe. Son esprit est à la tombe du Patriarche et à ce moignon dont on dit qu'il avait jadis été un jujubier-miracle, trouvé un matin au pied d'une tombe qui pourrait être celle de Yellimané ou de Sarebibi, ou de Touradio ou..., alors que, la veille, il n'y avait absolument rien. D'abord ébahis, les habitants avaient vite intégré le phénomène à la logique de leur propre existence fortement marquée par la présence de la lignée des hommes exceptionnels dont le souffle continuait à bruire à chaque appel du muezzin. Les populations avaient vu la manifestation de la grâce divine dans les fruits succulents que donnait le jujubier le quinzième jour du premier mois lunaire. Au fil des ans, la réputation de l'arbre extraordinaire avait passé les frontières et on accourait de partout pour se procurer le fruit porte-bonheur censé attirer la richesse et soigner tous les maux. La demande devenant de plus en plus importante et la production étant tout de même limitée, on s'était attaqué aux feuilles investies des mêmes propriétés. Une fois, en s'acharnant sur les branches dénudées, on en avait cassé une qui s'était détachée en provoquant l'écoulement d'une abondante sève blanchâtre, et plus jamais, le jujubier n'avait donné signe de vie. L'érosion aidant, le tronc sec s'était progressivement réduit en un moignon énigmatique sur la tombe du Patriarche quand tous les arbres et arbustes avaient été vaincus par la sécheresse.



Plus tard, le moignon n'avait plus suscité aucune question dans l'esprit des vieux qui s'étaient relayés à travers les siècles pour entretenir la tombe du Patriarche, s'acquittant ainsi d'un devoir aussi simple que de donner à manger et à boire aux vivants, avec l'espérance d'une prime venue de l'au-delà.



« L'âme du grand Yellimané aurait-elle insufflé la vie dans ce moignon rabougri qui, depuis des siècles, défie insolemment les intempéries qui ont eu raison de la robustesse des ronces et des épineux ?»



Yelli a repris à son compte cette interrogation de

Naani. Plus qu'une interrogation : un souhait, une certitude même. Tl s'est senti heureux comme il ne l'a pas été depuis longtemps. 11 a eu le vague sentiment que tout est voué à la renaissance. Ces bourgeons sur le moignon, il les sent fortement, plus intensément qu'au moment du récit de Naani. »



(Dakar, Khoudia, 1993, p. 86-87)



Née à Saint-Louis (SénégaL) en 1941, dans une famille de la ville, elle fait des études aux lycées Faidbcrbe et Van Vo de Dakar. Elle se rend en France pour préparer une licence de lettres modernes, s'y marie en 1963, rentre au Sénégal et devient enseignante. Elle travaille ensuite dans le cadre de la Commission Nationale de Réforme de l'Enseignement du français. Directrice, de 1979 à 1988, des Lettres et de la propriété intellectuelle au ministère de la Culture, elle est également directrice du Centre d'Etudes et de Civilisations, fondatrice de la maison d'édition Khoudia, du Centre Africain d'Animation d'Échanges Culturelles (CAEC) du Bureau Africain pour la Défense des Libertés de l'Écrivain (BADLE) à Dakar et du Centre International d'Études de Recherches et de Réactivation sur la Littérature, les Arts et la Culture (CIRLAC) à Saint-Louis. Elle est Docteur Honoris Causa du Mont Holyoke Collège, South Hadley (MassachussetS) ainsi que d'autres établissements universitaires.



Ouvres:



Romans



- Le Revenant (1976)

- La grève des Battu (1979) (adapté au cinémA)

- L'appel des arènes (1982)

- Ex-père de la nation (1987)

- Le jujubier du patriarche (1993)

- Douceurs du bercail ( 1998)

- Festin de détresse (2005)

Nouvelle



- Sur le flanc gauche du Belem (2002)



Essai



- Un grain de vie et d'espérance (2002)



Le jujubier du patriarche, roman des castes mêlées dans la dynamique sociale, révèle la tradition, l'accessibilité au mythe, le lien avec la terre, l'importance du personnage féminin qui assume un rôle capital dans leur rejet, leur conservation ou leur continuation. Deux femmes, mère et fille adoptive, en présence, se défient, Tacko et Naarou, la première ayant tranché tous ses liens avec la tradition, la seconde revendiquant «sa part de l'épopée», une «possédée du poème». Le jujubier qui pousse sur la tombe du Patriarche, longtemps sec, se met à bourgeonner et il se transforme en symbole de l'espoir. Aminata Sow Fall est convaincue du rôle capital de la femme: «L'équilibre de notre monde repose sur les épaules de la femme, du marabout et du griot ...» (115), c'est-à-dire sur le principe de la vie, la religion et la tradition (histoirE).



Commentaire suivi



Yelli, l'époux de Tacko, ruiné, réfléchit longuement sur le récit du griot Naani, qui retrace l'histoire eu jujubier -miracle qu'on avait trouvé avec surprise un jour au pied d'une tombe qui est attribuée au Patriarche. Ce nom générique peut renvoyer à des personnages fameux, appartenant aux légendes, comme Sarebibi le grand Almany qui, ayant entrepris un voyage aux enfers, en est revenu. À présent, le jujubier n'est qu'un moignon.



Habitués aux mythes qu'ils intègrent sans hésitation à la logique de leur propre existence, les habitants chassent vite leur ébahissement, car leur vie a connu de ces lignées des hommes exceptionnels qui revivent au son de chaque appel du muezzin. Là où il n'y avait rien auparavant ils ont vu une abondance (sûrement une manifestation de la grâce divine, de fruits succulentS) que donnait, (à un moment précis de l'année, le quinzième jour du premier mois lunairE) le jujubier. La réputation de l'arbre extraordinaire, comme c'est toujours le cas, se répand au-delà des frontières du pays et, comme un lieu de pèlerinage, attire une foule croissante qui s'y rue, poussée par le besoin de se procurer ce fruit porte-bonheur aux vertus miraculeuses (censé attirer la richesse et soigner tous les mauX): que désirer d'ailleurs, sinon la richesse et la santé ? Comme la récolte est insuffisante (production ... limitéE), le rapport offre/demande marquant un très net déséquilibre, on s'attaque aux feuilles investies des mêmes attributs. La frénésie des attaques cause la fin de l'arbre qui, lorsqu'une de ses branches se casse et tombe, se vide de sa substance nourricière (abondante sève blanchâtrE) et cesse de vivre (plus jamais ... signe de viE). Les vents et les intempéries s'acharnent sur le tronc sec et le convertissent, l'érosion aidant, en un moignon ènigmatique, sur la tombe du Patriarche, entouré d'arbres et d'arbustes vaincus aussi par la sécheresse.

Le moignon a perdu la force de susciter des questions, les vieux pourtant entretiennent la tombe du Patriarche, à travers les siècles, devoir sacré et simple (comme on donne à manger et à boire aux vivantS), qu'ils accomplissent aussi avec l'arrière-pensée d'une prime, d'une récompense que l'au-delà leur accorderait.



Il doit y avoir une explication à la survie de ce moignon rabougri qui refuse de mourir, en défiant insolemment les intempéries qui avaient détruit jusqu'à la dernière végétation spécifique du désert (ronces, épineuX). Non une explication rationnelle, elle serait insuffisante; une explication mythique, oui, car dans ce moignon semble s'abritrer une vie que l'âme du grand Yellimané (ProphètE) aurait insufflée.



La question sur le miracle de cette survie, énoncée par le griot Naani, qui, comme tout griot est le conservateur de l'histoire du peuple, le rhapsode de faits héroïques et mythiques, est reprise par Yelli. Il va plus loin dans la réflexion: la question devient souhait, dans un premier temps (on a toujours besoin de l'espoiR), et certitude même, conviction qu'un avenir meilleur se prépare. La paix et le bonheur descendent dans son âme, car il ressent, bien que vaguement seulement, que tout est voué à la renaissance. Il sent en lui-même, fortement, intensément, ce que ces bourgeons sur le moignon symbolisent. Le jujubier va reverdir. La parole a accompli son devoir (le récit de NaanI), a relié le passé au présent et a semé la confiance.



A consulter



1. Jaccard, Annie-Claire, «Les visages de l'Islam chez

Mariama Bâ et Aminata Sow Fall», dans Nouvelles duSud,no.6, 1986-1987, p. 171-182.

2. Kiba Simon, «Le 5e livre à" Aminata Sow Fall: Le jujubier du Patriarche», interview dans Amina, no. 276, avril 1993.

3. Stringer, Susan, «Cultural Conflict in the Novcls of two African Writers, Mariama Bâ and Aminata Sow Fall», dans Violence, Silence and Anger: Women's Writing as Transgression (éd. Deirdre LashgarI), Charlottesville, University Press of Virginia, 1995, p. 158-171.

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