Essais littéraire |
Il n'est pas douteux que Corneille ait fait sienne la théorie moliniste et jésuite de la liberté. Pour lui, comme pour Molina, la liberté est la faculté de n'être déterminé que par soi-même. Il n'y a donc de liberté que lorsqu'il y a possibilité à'indifférence, c'est-à-dire un équilibre parfait entre les tendances opposées entre lesquelles il faut choisir, ou entre la possibilité d'agir et celle de n'agir pas. Toutefois la liberté ne consiste pas dans cette indifférence. Elle consiste dans le fait qu'elle est cause première, principe absolu, indépendant à l'égard même de Dieu. Mais il semble que ce qui a d'abord fasciné Corneille, c'est moins la liberté elle-même que la volonté. Il ne faut pas les confondre. Pour Molina, comme pour ses adversaires, il peut très bien y avoir une volonté non libre, une volonté esclave et capable cependant d'une grande énergie, ou, plus exactement, d'une grande efficacité, dans la conduite de ses réalisations. Ce qui a frappé Corneille, c'est le pouvoir effectif de la volonté, s'engageant, ou déjà engagée, dans l'action. Il la peint le plus souvent, non exactement à l'instant où - librement ou non - elle se détermine, mais, très précisément, dans celui où elle devient force déterminante. Il en voit surtout la face prospective, celle qui est orientée en avant, vers le futur, vers l'objet qu'elle s'est donné comme fin. Peu à peu, néanmoins, Corneille semble avoir évolué. Il tendit à peindre l'être, non tant, comme plus haut, dans l'exercice actuel de sa puissance, que dans la source de sa détermination. En deçà de celle-ci, en deçà de l'acte par lequel la volonté se manifeste, dans une primauté qui est non de temps mais de nature, il remonta plus d'une fois dans son théâtre jusqu'à la notion d'une liberté sur le point de se transformer en acte (mais non encore engagée dans celui-cI). Dans ces derniers cas, dans Suréna ou Pulcbêrie, par exemple, il s'agit d'une liberté qui apparaît initialement comme indéterminée, quoique prête à se métamorphoser en détermination. CORNEILLE : TEXTES Et maître de son âme il n'a point d'autre foi Que celle qu'en soi-même il ne donne qu'à soi (Otbon, 5, 1.) Je suis maître de moi comme de l'univers (Cinna, 5. 3.) Tant que vous serez roi, souffrez que je sois reine. Avec la liberté d'aimer et de haïr, Et sans nécessité de craindre ou d'obéir. Voilà quelle je suis et quelle je veux être. (Sophonisbe, 2.4.) Je suis toujours le même et mon cour n'est point autre (Cinna, 3.4.) Et toujours en état de disposer de moi {Place Royale, 1.4.) C'est un grand charme... De n'espérer ni craindre rien, D'être maître de ses pensées A nous D. L. T., 1632.) [...] mon cour se conserve au point où je le veux, Toujours libre. (La Veuve, 1.3.) |
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