Essais littéraire |
Ces deux mystiques, on peut les conj oindre ici, non pas parce qu'ils se ressemblent beaucoup, mais parce que leur dissemblance très évidente se présente comme la disparité finale très nette de deux attitudes d'esprit pourtant à l'origine très semblables. Chez l'un comme chez l'autre ce qu'il y a en effet de similaire, c'est le principe de l'identification des contraires. Il y a l'obscurité et il y a la clarté : mais en Dieu, comme en moi (moi, Claude Hopil, moi, LabadiE), ces deux réalités contraires se confondent. L'un parle d'obscurité claire, et pour l'autre, la foi est en même temps lumière et nuit; l'un « voit le néant simple en la nature belle, l'autre perçoit à la fois sa pensée comme obscure et claire, comme une Lune et comme un Soleil ». Mais chez Hopil cette fusion des contraires apparaît comme la chose la plus simple et la plus naturelle. Le triomphe de la foi s'accomplit, non par un effort surhumain, mais dans la sérénité. Chez Labadie, à l'inverse, l'union mystique a quelque chose de tumultueux et de tragique. Le cour devient « un vrai désert où l'âme s'enfonce et se perd ». Cela ressemble non à une extase ineffable, mais presque à une catastrophe : « C'est Dieu qui me fait disparaître - et me réduit jusqu'au non-être - où je ne suis que pâtissant. » Il est frappant ainsi de voir ces deux êtres, animés de la même foi, aboutir, non à des conclusions intellectuelles différentes, mais à des façons de sentir qui sont presque à l'opposé l'une de l'autre. Cela nous incite à croire que la pensée indéterminée faisant en quelque sorte, chez tous ceux qui la pratiquent, la même table rase, n'élimine nullement chez ceux-ci les tendances affectives les plus diverses et même les plus contraires. CLAUDE HOPIL : TEXTES Au rayon ténébreux où se cache l'Essence, Dans l'obscurité claire où loge le silence, J'entrevois ces beaux Trois... Ces ténèbres ne sont qu'une extrême lumière Qui dérobe à nos yeux le divin trône d'or De l'Essence première... O brouillard lumineux ! Lumière inaccessible ! (Divins élancements d'amour, 1629.) JEAN DE LABADIE : TEXTES Le Dieu des Dieux... Son cour est comme un vrai désert Où l'âme s'enfonce et se perd. Ne voit rien, demeure en silence, Sentant simplement que le lieu Auquel elle se trouve est Dieu, Et que son air est son Essence. (Cantique sur le sujet de l'Union avec Dieu de l'âme purgée et anéantie mystiquement.) |
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