Essais littéraire |
Antoine Furetière (1619-1688), fils d'un secrétaire de la chambre du Roi, est un officier* parisien à l'esprit vigoureusement critique. Il publie des Satires (1655) et une Nouvelle allégorique, ou Histoire des derniers troubles arrivés au Royaume d'Éloquence (1658) où il caricature les romans héroïques et raconte la victoire du général Bon Sens sur Galimatias, roi de Pédanterie. Le Roman bourgeois est une intrigue matrir oniale intéressée, dans une bourgeoisie d'offices décrite avec une précision documentaire, et une parodie du roman idéaliste, jusqu'au refus de la fiction et des structures romanesques. Le vaniteux avocat Nicodème, après avoir promis le mariage à Lucrèce, courtise Javotte, fille du fourbe procureur Vollichon. Celui-ci préfère Bedout, avare et inhibé. Les romans ont tourné la tête à Javotte' : le jour des noces elle refuse le mariage. On la jette au couvent. Un troisième amant l'enlève. On ne sait ce qu'ils deviennent. Lucrèce est enceinte et ses deux amants refusent le mariage promis. Elle se retire au couvent, fait la prude, épouse le naïf Bedout. La deuxième partie, moins bonne, sans rapport avec la première, juxtapose « de petites histoires [...] qui n'ont rien de commun ensemble » (Au lecteuR) : le salon de la précieuse Angélique, les aventures peu reluisantes de l'écrivain Charroselles (Charles SoreL), de la plaideuse Collantine et du prévôt Belastue, enfin divers documents fictifs. C'est une description intéressante et une satire sans gaieté de la vie familiale et mentale de la bourgeoisie de judicature (23) et accessoirement du monde pédant. Un vrai sottisier de la petite bourgeoisie d'offices. A un moment où triomphaient les normes, cette ouvre déconcertante ne pouvait plaire : aucune réédition au XVII' siècle. Mais elle intéresse des époques de remise en question : le XVIII' siècle (cinq éditions de 1704 à 1715) et le XX' siècle. Passant constamment du vérisme à l'ironie, Furetière ne veut décrire ni son héroïne (24) ni telle église (25), refuse son statut de démiurge, multiplie les aveux d'ignorance, demande au lecteur d'imaginer à sa place, perd ses protagonistes en chemin, ne compose pas son ouvre et l'achève par une juxtaposition de documents burlesques. « Ne l'appelez plus roman et il ne vous choquera point » (p. 1026). Pas si simple. Car c'est une parodie du roman héroïque (déjà morT) dont on retrouve les procédés, amorcés et inversés : « Je chante les amours et les aventures »... mais « je ne sais pas la musique » (première phrasE). Le romanesque fonctionne par prétention : « Un autre auteur moins sincère [...] ne manquerait jamais de faire ici une description magnifique »... Suit une page et demie où alternent les deux descriptions (p. 904-905). Il fonctionne aussi au deuxième degré : l'écrivain invente ses ignorances, calcule ses oublis, crée l'illusion romanesque pour la détruire ; il occupe sans cesse le terrain, délègue rarement sa parole, ne laisse guère d'autonomie à ses personnages. Cet ouvrage est sous-tendu par toute une réflexion sur l'écriture de fiction. Mais l'entreprise est trop négative : Furetière ne croit pas vraiment aux voies nouvelles qu'il esquisse. Le résultat est un peu lourd : invention laborieuse, parodie appuyée, longueurs, commentaires fastidieux qui sabordent l'action et l'intérêt. On pense à Rabelais ou Diderot. Mais Furetière n'a pas leur verve généreuse ; sa rancour est trop perceptible et il sombre parfois dans le règlement de comptes anecdotique. |
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