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JEAN-PAUL RICHTER






On ne saurait décrire exactement le spectacle offert par les ouvres de Jean-Paul Richter. On y rencontre des êtres vagues, engagés dans des occupations vagues, perdus dans leurs pensées vagues. Jamais aucun auteur n'a reflété avec autant de persévérance un univers qui, en dépit des détails accumulés pour nous le rendre vivant, s'avère avoir aussi peu de consistance. Ou bien l'auteur semble avoir commis inconsciemment la faute de réduire chaque fois ce monde, en dépit de tous ses efforts, à une sorte de conglomérat insubstantiel de formes en désordre, qui enlève au lecteur tout espoir d'y jamais rien trouver de déterminé. Ce n'est ni l'univers grandiose du chaos premier, décrit par Du Bartas, ni celui de la pensée divine, encore virtuelle, que Maurice Scève nous évoque, avant que s'y imprime le dessein de la création. C'est un monde primitif sans grandeur, mais non sans une certaine fraîcheur rustique, comme s'il avait su préserver quelque chose de la naïveté pastorale, et qui paraît voué à présenter toujours les mêmes aspects inoffensifs, les mêmes sentiments, les mêmes comportements, cependant que s'y déroulent des scènes champêtres improbables.

Pourtant une sorte de courant traverse ces régions. Il est lent, parfois presque inexistant, rendu d'autre part plus difficilement discernable par l'intervention de multiples autres courants venus on ne sait d'où : le tout étant alourdi par une foule confuse de figures qui, trop faibles pour se démarquer les unes des autres, perdent inévitablement au bout de quelques pages le caractère distinctif qu'elles s'efforçaient d'avoir.



En dépit donc de la constance avec laquelle certaines images viennent apporter leur tribut à l'ensemble, rien ne peut empêcher l'inévitable désagrégation, ou peut-être uniformisation, de l'ouvre prise dans son entier. Par un phénomène assez bizarre, mais dont il n'est pas impossible de fournir une explication satisfaisante, la variété des effets qui est ici considérable a le même résultat qu'une persévérante monotonie. La confusion aboutit à une fusion. La multiplicité se fond en unité. Le changement se mue en permanence. Il n'est pas difficile d'en voir la cause. Un glissement continu se fait, qui va généralement de la lumière à l'ombre, de la discernabilité relative des images à une apparence de plus en plus floue, du caractère plus ou moins précis des situations à un flottement général. A cela ajoutons l'immobilisation graduelle de l'intrigue, constamment ralentie par l'encombrement des images à la dérive. Tel paysage, présenté d'abord sous un aspect hivernal, reparaît, sans qu'il en soit donné de claires raisons, sous une forme estivale; mais rendu plus trouble encore par le fait qu'il semble être entrevu dans un demi-sommeil par un rêveur mal réveillé. Puis brusquement surgit dans les yeux jie celui-ci un jet de lumière qui l'induit à songer aux premiers moments de la création. Tout cela se croise, se presse, se confond. Tout cela se trouve doucement mais irrésistiblement charrié dans le même courant indécis de pensée. Le poète compare ce qui lui arrive aux changements multiples qui se font jour dans le courant d'un fleuve. Il reconnaît en celui-ci le fleuve de la vie. Celui-ci, à son tour, dans son esprit, se transforme en un océan sans bornes. A cette vue il s'évanouit de plaisir.

Cet évanouissement final, où le moi apparaît à lui-même comme le lieu, à la fois cosmique et mental, où le phénomène se manifeste, est fréquent chez Jean-Paul Richter. Souvent ce qu'il évoque est une image déjà presque indéfinissable en elle-même, mais qui se trouve condamnée à perdre bientôt ce qui lui restait de forme. Elle finit par devenir, en raison de sa vacuité bientôt presque totale, la représentation, non, sans doute, du néant lui-même, mais d'un affaiblissement graduel de la netteté des formes, aboutissant à un semi-anéantissement. Ailleurs, l'existence se révèle au poète sous l'aspect d'un royaume d'ombres, où tout se dégrade, où les contours deviennent flottants, où les formes perdent toute distinction dans une agitation confuse.

Partout se marque donc, chez Jean-Paul, la préférence qu'il a pour ce qu'on pourrait appeler les formes déclinantes, celles qui, incapables de garder longtemps leur apparence, se trouvent bientôt condamnées à renoncer même à la fragile substantialité qu'initialement elles pouvaient avoir. Rien ne plaît plus à l'auteur que de suivre pas à pas ce processus de désagrégation. H ne s'arrête qu'au moment où plus aucune trace de ces formes ne survit, sinon dans là pensée du spectateur, la place vide laissée par elles en disparaissant.



On pourrait supposer, en présence de ce phénomène tant de fois décrit par le poète, une certaine propension au pessimisme; car la dissolution des formes a souvent en elle-même quelque chose de mélancolique. Mais ce qui se trouve représenté ici ne se rattache pas nécessairement à une vision pessimiste de l'existence. Peut-être faut-il y voir tout simplement une expression d'un certain type de pensée, que nous pouvons appeler la pensée incertaine, la pensée naturellement tâtonnante. Cette pensée se manifeste de préférence dans certains cas, ceux de grande fatigue ou de somnolence invétérée, peut-être aussi dans la détente profonde qui suit parfois certaines activités organiques. Ils ont pour effet de faire perdre au patient une partie de sa lucidité. De tels états se retrouvent souvent chez Jean-Paul. Rappelons l'un des plus connus, celui qu'on trouve dans le conte intitulé Lo Runenberg. On y voit le héros arriver par degrés dans la confusion et l'imprécision de toutes formes à percevoir son existence antérieure, sur toute son étendue, non comme ravivée par la force du souvenir, mais au contraire comme reposant à une distance infinie, dans le fond de sa mémoire, où elle semble s'être retirée hors d'atteinte, comme dans un lieu appartenant à une autre réalité.



Rapprochons de ces passages de Richter certains autres, très similaires, d'un de ses contemporains, Ludwig Tieck :

« Surpris et troublé, il voulut reprendre ses esprits et renouer les fils de ses souvenirs, mais sa mémoire était comme remplie d'un brouillard confus dans lequel des formes imprécises s'agitaient et se mélangeaient frénétiquement... Toute son existence antérieure était derrière lui comme dans les profondeurs du lointain; les choses les plus étranges et les plus banales étaient confondues. »



Ou bien :



« Brusquement éveillés, tous ces fantômes incertains réapparaissaient sans forme précise, volant dans les airs. »

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