Essais littéraire |
La première semaine de Du Bartas commence par les vers suivants, qui reproduisent presque textuellement le début de la Genèse : Le premier jour était une forme sans forme Une pile confuse, un mélange difforme... Ce premier aspect des choses est presque entièrement négatif. Il y a d'abord une masse confuse qui ne mérite pas qu'on lui confère le nom de forme, sorte d'obscur conglomérat sans caractéristique aucune, difforme en ce sens qu'il diffère de toute forme déterminée et n'a pas de structure. Masse donc absolument indéterminée, puisqu'elle n'est faite que d'éléments disparates, sans liens entre eux, sans harmonie, sans cohérence aucune, mais aussi sans limites précises, et dont on ne saurait distinguer même les parties qui la composent, puisque ensemble elles ne sont qu'une « forme sans forme », selon l'expression du poète. Tel est pour celui-ci l'état du monde avant que sa création ne soit achevée, ou, plus exactement, avant que cette création n'implique encore aucune réalité formelle et n'existe donc qu'à l'état d'ébauche. Et même le mot d'ébauche ne peut, à strictement parler, lui être appliqué, car cette première version est quasi nulle, radicalement informe, et ce serait même trop dire de prétendre qu'il n'y a pas là, initialement, le moindre indice d'une formation. On comparerait plus exactement cette masse confuse à un entassement de matières hétéroclites en quelque lieu totalement non localisable, et qui attendraient pêle-mêle le moment où quelque ouvrier viendrait leur donner la forme qui pour l'instant leur manque. Il est donc évident que nous ne sommes pas ici les spectateurs d'une vraie genèse. Celle-ci, si elle vient, viendra plus tard. Il n'y a là encore, nous le comprenons, qu'un simple état préalable, marqué par quelques désordres, mais sans aucune signification. Plus tard, mais plus tard seulement, ces choses entassées au petit bonheur, pourront être disposées en vue de quelque fin. Alors elles trouveront la place qui leur est sans doute, dès à présent, destinée. Alors elles prendront forme ! Mais pour l'instant, au seuil de la création, prises toutes ensemble, elles ne sont, comme dit le poète, qu'une masse informe, ou, dans ses propres termes, une « forme sans forme ». DU BARTAS : TEXTES Le premier jour était une forme sans forme, Une pile confuse, un mélange difforme, D'abîmes un abîme, un corps mal compassé, Un chaos de chaos, un tas mal entassé Où tous les éléments se logeaient pêle-mêle, Tout était sans beauté, sans règlement, sans flamme; Tout était sans façon, sans mouvement, sans âme Tout était en brouillis, et ce tas mutiné Se fut, séditieux, soi-même ruiné Tout soudain qu'il naquit, si la vertu divine Eparse dans le corps de toute la machine, N'eût servi de mastic, pour ensemble coller Le vagueux océan, le ciel, la terre et l'air... |
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