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LA PSYCHOLOGIE - l'amour-propre ou l'égocentrisme intéressé






Un nouveau principe : l'amour-propre ou l'égocentrisme intéressé



A partir de 1640, le reflux pessimiste tend à renverser la confiance en l'homme et ravive l'idée d'une nature déchue où le péché originel a « converti l'amour naturel en amour-propre, faisant de la source de tous nos biens l'origine de tous nos maux ». Jésus « n'est mort en la croix que pour faire mourir cet ennemi » et il « veut que la haine de nous-mêmes soit le fondement de sa doctrine » (Senault, 1641). Si les jansénistes insistent là-dessus, ils sont loin d'être les seuls. La nouveauté, c'est que' les moralistes laïques (qui jusque-là employaient très rarement ce mot, même dans des sommes psychologiques comme les Essais ou L'Astre'E) se mettent, à partir de la fin des années quarante, à voir le principe de notre vie psychique dans un amour-propre qui n'est plus un narcissisme auto-idolâtre, stigmatisé pour des motifs spirituels, mais un égocentrisme intéressé, condamné pour des raisons sociales.

Sous Louis XIII, chacun se battait pour un groupe et pour une valeur qui résorbaient les motivations individuelles, sublimées en gloire. La crise de la Régence ébranle les structures sociales et morales, livrant chacun à ses intérêts propres. Le plaisir, « l'utilité et le profit sont les dieux » des temps nouveaux (Machon, vers 1643). < Gloire et vertu ne sont considérées aujourd'hui que comme biens de théâtre ». Les gens « préfèrent le profit à la gloire [...]. Ce malheureux intérêt qui devrait n'être connu que des banquiers de Gênes et d'Amsterdam [...] est maintenant le Dieu de la Cour » (Balzac, 1644). « On n'a ni amitié, ni affection, ni gratitude et le seul intérêt règne » (Mazarin, 1648). Pour les nouveaux politiques (Mazarin, Naudé...), la «raison d'État, qui est celle de l'intérêt » (La Mothe le VayeR), l'emporte sur toute autre.

La fréquence du mot intérêt, qui variait de 1 à 5 dans les tragédies des années 30, augmente chez Mairet et Scudéry en 1640 pour monter à 16 chez Mareschal en 1643, à 17 et 18 chez Rotrou en 1647 et 1648. Chez Corneille la fréquence moyenne des termes désignant l'avidité et le profit passe de 17 entre 1629 et 1637 à 29 de 1640 à 1651, à 36 de 1659 à 1674. Tandis que la littérature de dévouement héroïque et amoureux verse dans un idéalisme invraisemblable, Corneille montre l'avidité égoïste des passions ; après avoir tant exalté Rome, il dénonce son impérialisme dans Nicomède.



2. Frustration, ressentiment et avidité de bonheur



Sous la gaieté superficielle de la Régence, contrebalancée par l'anrihumanisme, les meilleurs témoins perçoivent une frustration, un ressentiment, l'avidité d'un bonheur dont la possibilité s'éloigne. Avec Maxime et Euphorbe dans Cinna, Félix dans Polyeucte, les conseillers du roi dans Pompée, apparaît la frustration jalouse, dont le ressentiment vengeur va se déchaîner dans la Cléopâtre de Rodogune (1644) et la Marcelle de Théodore (1645) puis chez Du Ryer (Nitocris, 1648, Anaxandre, 1653). Naguère, les héros cornéliens étaient prêts à sacrifier l'amour à l'honneur - et y trouvaient un bonheur plus élevé. Mais, en 1651, Pertharite conseille à son épouse d'accepter l'amour d'un heureux rival :



Aimez plutôt, Madame, un vainqueur qui vous aime.

Vous avez assez fait pour moi, pour votre honneur.

Il est temps de tourner du côte' du bonheur. (1420-22)



Aux époques de sagesse, « le bonheur consiste essentiellement à vouloir être ce que l'on est » (ErasmE). Aux époques héroïques, à s'affirmer. Maintenant, on cherche une solution hors de soi : en Dieu ; dans l'amour où l'autre vous reconnaît comme valeur ; dans le sadisme où vous obligez sa haine à reconnaître votre puissance. A défaut, on se fuit dans le divertissement. Bref, « le désir d'être content et heureux est le grand ressort qui remue toute la machine du genre humain » (Bonal, 1655). Ce sont les analyses que reprendra Pascal, annonçant toute une nouvelle génération travaillée par l'avidité d'un inaccessible bonheur.

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