Essais littéraire |
Comme on l'a vu, le rétablissement de l'ordre, du sens, au moment même où sont publiées les ouvres de Sponde et Chassignet, sape la raison d'être de cette poétique d'angoisse salutaire, dont la vogue ne se prolonge guère. Matthieu, qui rédige ses Tablettes de la vie et de la mort en 1605-1611, enseigne que : La vie est un éclair, une fable, un mensonge La vie n'est qu'une ombre, un souffle, une vapeur. Mais il ne peint plus l'horreur de la mort. Sponde occupe une place importante dans les recueils collectifs, mais seulement jusqu'en 1611. Les Tragiques, commencés en 1577, n'ont qu'un succès mitigé à leur parution en 1616 (2e édition en 1620). Des sonnets franc-comtois, écrits en 1612-1615, probablement par Chassignet, sur les thèmes de la mort, de la misère et des vices de l'homme, de Dieu, ne seront pas publiés. La Ceppède, qui avait cinquante ans en 1598, continue ses Théorèmes sur le sacré mystère de notre Rédemption, commencés vers 1593. Publiée en 1613 et 1621, c'est la seule grande ouvre de lyrisme tragique postérieure à 1598. Encore La Ceppède est-il moins ardent, moins rude, moins imagé que Chassignet, Sponde ou d'Aubigné. Uangoisse tend à ne plus être que le ressort d'une solide pédagogie qui juxtapose « les plus justes et pitoyables lamentations [...] et les plus joyeuses et plus agréables chansons [...] ; celles-là très utiles pour abattre l'orgueil de notre présomption [...], celles-ci très fortes pour relever notre penchante espérance » d'être reçus par le Christ « parmi les éternelles délices de son éternel Éden ». Une sereine certitude maîtrise ces sonnets. La Ceppède se rapproche de l'harmonieuse clarté de son ami Malherbe, bien qu'il reste fidèle à la poétique de la Pléiade. De leur côté, les poésies spirituelles de Lazare de Selve (1607, 1614, 1618, 1620) sont d'un optimisme nouveau. La dénonciation morale de notre prétention et de notre néant résiste mieux que la ferveur religieuse, et pas seulement dans les paraphrases de psaumes : Homme, Hercule en désirs et Pigmée en puissance s'écrie Ménard (1613), dont la passion et le style sont toutefois plus sereins que ceux de Sponde. Un poème d'Aggripa d'Aubigné, qu'on appelait : « l'Ode pleine de présomption et d'outrecuidance », aura du succès jusque vers 1630 (4). I/inquiétude de l'instable précarité n'a pas disparu : elle frémira jusque chez Théophile. Mais elle s'apprivoise et cherche solution dans le plaisir plutôt qu'en Dieu. Et comme la pensée analogique recule, le verbe allégorique et métaphorique descend vers les jeux du langage. Esthétique de la merveille et non plus de l'angoisse. Chez Durand (1585-1618), la passion parle un style ferme et régulier. Il écrit des Stances à l'Inconstance (1611), se promettant d'être son «... prêtre fidèle/Qui passera ses jours en un change immortel ». L'image, où éclatait la tension de l'âme, tend vers l'ornement, tout comme dans l'éloquence hyperbolique, affective et imagée des prédicateurs mondains. Aux ardentes angoisses succèdent les émois du cour, avec un Jean de Lingendes, apprécié de 1605 à 1625 ou 1630. Le lyrisme tragique se dissout peu à peu dans la poésie amoureuse de tradition pétrarquiste, mélancolique et recherchée, que va renouveler l'influence de Marino, à Paris de 1615 à 1623. |
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