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Le roman français: 2 ou 3 choses que je sais






Il en est de la mort du roman français contemporain comme de l'idée de crise. Crise commerciale, crise des valeurs, crise économique, crise des idées... Combien de phrases dites ou écrites commencent ainsi : « en cette période de crise... ». De même, dans le milieu intellectuel et littéraire, spécialement parisien, aime-t-on répéter que, depuis trente, vingt-cinq ou pour le moins quinze ans, le roman français traverse une crise à coup sûr fatale. Pauvre roman français qui aurait été à son apogée plus ou moins jusqu'à la mort de Camus, Malraux et Céline (remarquons au passage que Camus nous a quitté en 1960, Malraux en 76, et Céline en 61) et qui n'aurait depuis cessé de décliner. D'autres commentateurs de l'infortune du roman, plus pessimistes encore, arrêtent tout à Proust, voire au XIX' siècle où la France faisait acclamer dans le monde entier les splendeurs de sa fiction romanesque.

Au delà ou en deçà de ce chour de pleureuses qui croient à l'âge d'or d'un passé révolu, interrogeons nous sans a priori défaitiste sur ce roman français si décrié qui, comme le remarquait Michel Butor dans une interview accordée à Télérama, « joue aujourd'hui en France le rôle de la poésie lyrique au XVIIIe siècle. Il y avait alors la même surabondance, le même flux médiocre dont émergeait des ouvres extraordinaires. Ouvres que la postérité retient et retiendra ».

Le nombre des romans parus ces trente dernières années est en effet impressionnant, et nous tenterons de ne garder dans le flot des livres publiés que ceux qui, sans être forcément immortels, font l'histoire de notre littérature contemporaine.



Années 60 : derniers éclats, premiers feux



Pour éclairer cette époque quelques repères chronologiques : En ce début de décennie paraissent deux romans qui par leur divergence même indiquent la diversité des sensibilités littéraires d'alors. 1960 : Roger Vailland qui mourait quelques cinq ans plus tard publie La Fête.

Claude Simon fait paraître dans un même temps La Route des Flandres, le roman par lequel il accède à la notoriété. 1961 : Après un premier roman « classique » : Une curieuse solitude, paru en 1958, Philippe Sollers, qui aime provoquer, publie Le Parc, le premier d'une série de livres proches du Nouveau Roman. 1963, Jean Paul Sartre nous donne Les Mots, Nathalie Sarraute, Les Fruits d'or, tandis qu'un nouveau venu de vingt-deux ans : JMG Le Clézio reçoit le prix Renaudot qui lui vaut la reconnaissance d'un large public pour son premier roman Le Procès verbal. André Pieyre de Mandiargues poursuit son chemin littéraire avec La Motocyclette. 1965, Georges Perec, à ce jour inconnu, tend un miroir à sa génération consommatrice avec Les Choses tandis que la même année, Françoise Sagan persiste dans la voie du récit psychologique « new look » et signe La Chamade.

Dans le même temps, Louis Aragon retrouve le roman et publie La Mise à mort. Deux ans plus tard, il fera paraître Blanche ou l'oubli. Raymond Queneau, lui, nous offre ses Fleurs bleues. 1967 : Michel Tournier obtient le grand prix de l'Académie française pour Vendredi. Trois ans plus tard, en 1970, il recevra le Goncourt à l'unanimité pour son livre le plus abouti : Le Roi des Aulnes. 1968 : Albert Cohen boucle le cycle des Solal avec son chef-d'ouvre : Belle du seigneur, Marguerite Yourcenar écrit un roman historique d'une austère beauté : L'Ouvre au noir. Que déduire de ces quelques titres qui, mis bout à bout dessinent un étrange paysage fait d'ouvres d'auteurs confirmés, de révoltes littéraires, de nouvelles voix ? Peut-être pourrait-on, sans tirer de conclusions aussi partielles, partiales que périssables, se borner à dégager quelques tendances du roman français : la voie classique d'un roman à personnages et intrigue bouleversée par Proust mais cependant fidèle à une certaine tradition. Le roman social. Le retour littéraire sur soi et sur l'enfance. L'apogée d'un Nouveau Roman qui finit par s'imposer. Le jeu littéraire sur l'écriture et le langage, et enfin une nouvelle forme de rupture avec la tradition romanesque française : un véritable procès du verbe et de l'écriture. Mais plutôt que de nous lancer dans une étude de ces familles romanesques dont les filiations apparaissent assez clairement dans ce premier, bref et sommaire tour d'horizon, regardons de plus près les véritables partis-pris littéraires. Avec ou sans personnage, avec ou sans intrigue pour le Nouveau Roman qui, Nathalie Sarraute mise à part, préconise l'extériorité et le regard et revendique l'éclatement du récit. En jouant sur le langage jusqu'à en dégager la trame vive, le nerf, pour Queneau et son émule Georges Perec. Les jeux de langue n'excluent en rien le récit mais font éclater la notion même de psychologie des personnages. En multipliant les points de vue, les regards, les fractures, les récits pour remettre en question le concept même de l'écriture romanesque, JMG Le Clézio décape le récit, l'anecdote jusqu'à une certaine forme de néant sur lequel il reconstruira un roman qui tend vers le mythe. Parallèlement à cette création fertile, qui caractérise les années 60, on peut noter une certaine forme de fermeture aux influences extérieures. On traduit peu, essentiellement des Américains du Nord qui déploient une inspiration romanesque aux dimensions de leur pays. Michel Butor dira plus tard que l'Amérique est la terre par excellence du roman qui trouve là sa dimension épique. Paradoxalement, les États-Unis seront les premiers à accueillir avec chaleur le Nouveau Roman si éloigné de leurs propres préoccupations. A tel point que la seule image du roman français qui passera nos frontières sera celle colportée par Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Michel Butor et dans une moindre mesure Claude Simon et Robert Pinget.



Les années 70 : une certaine traversée du désert



On a accusé, assez injustement du reste, le Nouveau Roman d'avoir coulé l'inspiration et le souffle romanesque français. On lui a aussi attribué la fermeture des maisons d'édition étrangères à la production française. Il reste qu'en dynamitant la structure romanesque classique, en marginalisant le roman psychologique, en le rendant caduc, le Nouveau Roman a joué pour la fiction le rôle d'un Mallarmé pour la poésie. Les romanciers se trouvaient contraints de réinventer de nouvelles formes. Un autre événement, extérieur au milieu littéraire a favorisé ce désintérêt à l'égard du roman : Mai 68. Les intellectuels et autres écrivains se sont mis à regarder le roman comme la forme bourgeoise et désuète par excellence. On ne pouvait plus écrire de romans, on se tournerait donc vers les sciences humaines, à leur apogée dans les années 70, vers le cinéma, l'analyse du texte, des processus de création, vers la réflexion épistémologique, et même vers le journalisme. Deux figures dominent la période : Roland Barthes et Michel Foucault, tous deux professeurs, tous deux rétifs à la fiction, même si en acceptant d'écrire un Roland Barthes par lui même, celui-ci avouait n'avoir jamais été aussi près de l'écriture romanesque. Quoi qu'il en soit, on préfère s'intéresser au Plaisir du texte, à l'Empire des signes (BartheS), à l'Ordre du discours (FoucaulT), militer contre l'enfermement (Surveiller et punirde M. FoucaulT), participer à la création d'un nouveau journal (LibératioN), lire et écrire avec et sur les préoccupations de son temps. Dans un article paru dans le Nouvel Observateur, Michel Foucault s'adresse aux écrivains, aux intellectuels, aux universitaires en les invitant à prendre la parole, une parole vive, à écrire dans la presse. On est très loin de l'image de l'écrivain solitaire, du romancier qui réinvente le monde. L'université prend le pas sur la littérature. Est-ce à dire qu'on ne lit plus de roman en France ? Ou tout simplement qu'on ne lit presque plus de romans français ? Des romans paraissent, bien entendu, qui n'attirent plus le même public, qui ne sont plus au cour de la création littéraire. Nathalie Sarraute publie : Disent les imbéciles. Georges Perec : La Disparition, Antoine Blondin : Monsieur Jadis. Claude Simon : Histoire. Robbe-Grillet et Butor se tournent l'un vers le cinéma, l'autre vers des récits de voyage, des textes théoriques. JMG Le Clézio publie des récits d'inquiétude : Les Géants, La Guerre, des essais : Voyage de l'Autre côté, une traduction Les prophéties du Chilam Balam, Queneau s'adonne à la poésie. Michel del Castillo qui avait publié dans la fin des années 50 des récits autobiographiques sur le sort des enfants de la guerre (Tanguy, La GuitarE) alterne roman (Le vent de la nuiT) et texte d'engagement contre les absurdités d'une société qui avait poussé un jeune professeur (Gabriclle RussieR) au suicide (Les écrous de la hainE). Aux marges de la poésie et du roman, un jeune écrivain marocain, Tahar Ben Jelloun, publie chez Maurice Nadeau son premier texte de fiction : Harouda.



Pendant ce temps d'austérité et de questionnement romanesque, il est toute une production de récits psychologiques dans la grande tradition française qui captent toujours l'attention d'un public nombreux qui attend du roman qu'il le divertisse, le passionne, lui fasse oublier le présent ou qu'il soit simplement l'écho de ses propres tourments. Henri Troyat, Hervé Bazin, Françoise Sagan, Armand Lanoux et quelques autres sont là, fidèles aux rendez-vous de leurs lecteurs amateurs de récits bien écrits, bien montés. Pendant ce temps, avec le retard des traductions, déferlent dans nos librairies des romans latino-américains qui par l'ampleur des thèmes abordés, l'originalité de l'écriture, le curieux et fascinant mélange du réel et de la magie bouleversent l'idée que la France se faisait désormais de la fiction. Ce fameux « boom » latino-américain nous révèle Garcia Marquez, Vargas Llosa, Juan Rulfo, Alejo Carpentier, Carlos Fuentes dont certains (Fuentes et Carpentier en particulieR) étaient déjà publiés en France depuis quelques années, mais qui n'acquièrent cette notoriété dont nous parlons qu'au terme d'une accumulation de titres et d'oeuvres à l'heure où, chez nous, on s'inquiète de plus en plus du tarissement romanesque. On s'interroge : l'invention romanesque ne serait-elle pas proportionnelle aux problèmes politiques et sociaux que rencontrent les écrivains ? Mais, dans un même temps^ on néglige totalement la production espagnole sous prétexte que le franquisme censeur entraverait les écrivains.

Le roman latino-américain fait la preuve de son inventivité, de sa diversité, de sa modernité. Fondé sur le récit, voire la nouvelle ou le conte, il brasse l'histoire et la fiction, les personnages et les mythes et fait triompher l'épopée. Autant de concepts littéraires qui n'ont plus cours en France.

Parallèlement apparaît en marge du roman traditionnel, dans la très célèbre collection policière : la série noire, un genre romanesque dont Jean-Patrick Manchette est l'initiateur incontesté. Se réclamant de Chandler et Hammet, Manchette et tous ceux qui le suivront sur cette voie, s'attachent à rendre la violence des affrontements politiques et sociaux les plus contemporains et brûlants. L'Affaire N'Gustro (1971), qui romance l'Affaire Ben Barka, est en ce sens exemplaire. Jean Vautrin qui vient, lui, du cinéma, va rejoindre Manchette en 73 dans la Série noire. Il aborde le problème des campagnes politiques et des banlieues dans A Bulletins rouges. Joseph Bialot, Hervé Prudon, plus tard encore Didier Daeninckx s'inscriront à leur manière dans cette famille littéraire qui trouve dans le genre policier le lieu d'expression de préoccupations littéraires, politiques et sociales dont le roman traditionnel ne pouvait plus rendre compte.



Années 80 : le retour à soi, le retour au récit



Il y avait eu Les Mots de Sartre, récit de l'enfance d'un homme qui n'avait jusqu'alors privilégié ni l'enfance, ni le retour à soi, ni la nostalgie d'un quelconque passé. II y avait eu aussi les autobiographies de facture classique de Marguerite Yourcenar. Vingt ans plus tard, autre surprise, il y aurait Enfance de Nathalie Sarraute. Quelques années après, Alain Robbe-Grillet se tournerait lui aussi vers sa jeunesse avec un récit : Le Miroir qui revient ( 1985).



Parallèlement à cette tentation d'un retour à soi qui passe par l'autobiographie ou le récit d'histoires complexes de famille : amour, haine, inceste, regards sur l'enfance, etc. ce que pour plus de commodité nous appellerons la tendance proustienne du roman contemporain, parallèlement donc à cette vague intimiste qui opère une sorte de recentre-ment, le roman se déchaîne à la marge, sur toutes ses marges. Régénéré dès les années 70, le roman policier retrouve un second souffle et contamine sainement le roman traditionnel. Désormais le clivage, blanc pour la grande littéra- « ture, noir pour la littérature de divertissement, n'existe plus vraiment. Le lecteur retrouve avec plaisir, semble-t-il, le fameux suspense des livres noirs au cour même des romans classiques. La Nuit du décret de Michel del Castillo qui reçoit le prix Renaudot 1982, illustre parfaitement cette tendance là. René Belletto, écrivain de l'écurie plutôt avant-gardiste de Paul Otchakovsky Laurens, l'éditeur heureux de Georges Perec qui avait lui aussi été couronné en 1978 pour La Vie, mode d'emploi, n'écrit désormais plus que des romans de type policier (Le revenant. Sur la terre comme au cieL) ou fantastique (La MachinE). Il est à remarquer cependant que ce choix de genre fait monter le polar ou le fantastique dans la littérature haut de gamme et pas le contraire. En choisissant sa marge l'écrivain Belletto conserve son cap d'exigence, de recherche, d'écriture, d'avant-garde. Même chose pour Jean Echenoz auteur des éditions de Minuit, qui flirte lui aussi avec les genres dits mineurs : roman d'espionnage et polar. Cherokee, prix Médicis 83, Lac, sont des livres d'une totale modernité et de grande qualité littéraire qui jouent avec le suspense, l'intrigue dont ils utilisent ressorts et ficelles pour s'ouvrir des voies nouvelles d'écriture. Emmanuel Carrère, jeune auteur des éditions POL, rencontre un important lectorat avec son troisième livre : La Moustache d'inspiration fantastique et d'une facture proche de ses précédentes ouvres. Jacques Roubaud, mathématicien, poète et membre de l'Oulipo (Ouvroir de Littérature PotentiellE) s'amuse avec sa série des Hortense à faire communiquer l'écriture la plus ludique, son goût pour les chiffres et la poésie et une certaine forme romanesque qui doit sa structure même au roman policier. Et que dire de Daniel Pennac, l'écrivain d'aujourd'hui le plus lu par les jeunes, qui fait triompher la série noire en collection blanche et crève tous les plafonds de popularité littéraire avec son Benjamin Malaucène aux multiples aventures. Patrick Modiano, l'un des plus célèbres écrivains d'aujourd'hui, désormais un classique, n'a jamais cessé depuis la déjà lointaine Place de l'étoile (1968) de flirter avec le suspense. Pour lui le roman, toujours suspendu au-dessus du vide, n'a de cohérence que dans cette quête incertaine d'une vérité trouble, quête tout droit sortie du roman policier et de Georges Simenon.

Vers la fin des années 80, un romancier venu de la collection de Science fiction Présence du futur, chez Denoël, Antoine Volodine, publie des livres empreints de ces premières amours, aux éditions de Minuit.



Autre frontière sur laquelle le roman s'installe ou du moins qu'il frôle : celle de l'image et du mot. Pierre Michon écrit des récits sur la peinture et les peintres, Philippe Djian s'essaye à une écriture sensuellement cinématographique qui épouse les contours de la vie, Anne Marie Garât joue sur la photographie, Marie Redonner installe ses récits dans des univers proches de la BD. D'autres auteurs, comme Christian Giudicelli, font communiquer écriture de théâtre et écrirure romanesque, en privilégiant l'art du dialogue et en gommant toutes les descriptions (Double expresS). L'histoire, la mythologie, le fait divers, continuent par ailleurs à nourrir le roman, mais cela n'est bien sûr pas une nouveauté littéraire. Alain Nadaud, François Salvaing, et certaines ouvres d'Alain Gerber nourrissent leur inspiration à ces sources-là. Dans ce secteur généralisé au récit, un certain réalisme social réinventé trouve sa place : Daniel Zimcrmann, François Bon, Christiane Rochefort, Gérard Mordillât, Béatrice Beck, Yves Gibeau conjuguent une vieille tradition littéraire et leurs soucis très actuels d'écriture, de violence et de poésie.



Pour parodier le vers célèbre d'Aragon : « La femme est l'avenir de l'homme », on pourrait écrire que dans ces années 80 à la recherche de voies à découvrir, la nouvelle est l'avenir du roman. En tous cas la nouvelle, si longtemps méprisée, rejetée, oubliée revient au premier plan des préoccupations littéraires. Nouvelles étrangères traduites (on redécouvre en force Borges et les nouvellistes latino-américainS), nouvelles sollicitées par des éditeurs qui créent pour les accueillir des collections diverses. On saluera au passage le rôle important joué par Paul Fournel (Ramsay d'abord puis Seghers jusqu'en 92) qui fait travailler des auteurs autour d'un type de nouvelles directement issues des jeux oulipiens (Jacques JoueT) et accueille aussi des nouvelles plus libres, à l'américaine (Annie SaumonT), cousues ensembles comme un roman (Gilbert LascaulT). On saluera aussi le rôle important joué par les revues de nouvelles qui ont permis à des auteurs inconnus ou peu connus d'accéder à la publication et de donner des couleurs fraîches à ce genre dans le fond très français. Les revues : Roman, Nouvelles nouvelles, Brèves, Nyx (au sort le plus souvent éphémèrE) ont permis que s'ouvre le débat autour du genre court et de son articulation avec le roman. Au seuil des années 90, 'Atelier Julliard, collection de nouvelles, créé et dirigé par Jean Vautrin, un des maîtres incontesté du genre, dit bien par son seul titre que l'écriture nouvellistique multiple et variée est à la base d'une réflexion plus globale sur la littérature. L'atelier comme laboratoire, comme lieu d'échange, point de rencontre des styles, genres et inspirations. Lieu d'amitié aussi. Il est à souligner que, contrairement aux romanciers qui se lisent assez peu les uns les autres, les nouvellistes se connaissent, se rencontrent, se lisent. Le débat ouvert il y a quelques années autour de la nouvelle débouche sur un débat plus large et modifie les rapports des écrivains, rapports plus proches des traditions anciennes des groupes littéraires que de la solitude, et de l'individualisme des romanciers de cette deuxième moitié du siècle.



Parmi les nouvellistes d'aujourd'hui nous citerons outre ceux que nous avons déjà mentionnés : Daniel Boulanger, Christiane Baroche, Claude Pujade Renaud, Hugo Marsan, Maurice Pons et Georges-Olivier Châteaureynaud qui flirtent avec le romantisme allemand et le fantastique, JMG Le Clézio, Paul Fournel, Alain Gerber, Jacques Tournier, Danielle Sallenave, Claude Gutman, par ailleurs auteur de récits pour adolescents, Alain Absire. Pratiquement tous écrivent aussi des romans dont la structure et l'écriture doivent beaucoup à cette pratique du genre court.

Autre marge, plus subtile, plus étonnante aussi et qui contamine positivement l'écriture et la langue romanesque : la francophonie. II n'est pas plus combattante, plus dynamique que cette langue française nourrie de la proximité d'une autte. Langue « bouturée de créole », comme la désignent les écrivains caraïbes Rafaël Confiant, Patrick Chamoiseau ; langue ceinturée d'anglais et qui veut échapper à la domination américaine, matinée d'ancien français, de langage populaire comme chez Réjean Ducharme. Langue qui se doit d'être plus pure, plus classique, plus française que le français de France et qu'écrit merveilleusement le Belge Pierre Mertens. Langue nourrie de poésie, de parfums d'Afrique, de mythes et d'images issues d'un autre monde. Tahar Ben Jelloun a envoûté le roman en lui injectant le conte oriental. Rachid Boujedra, Rachid Mimouni, pour le Maghreb, Tchicaya U'Tamsi pour l'Afrique noire ont ouvert le roman à d'autres poésies, d'autres voix, d'autres révoltes.



Non, le roman n'est pas mort !



Comment dire encore après ce rapide tour d'horizon que le roman français qui ne cesse de se diversifier, de s'enrichir de tous côtés, de se décentrer, de multiplier les approches et les genres, comment dire encore que le roman français est mort il y a trente ans dans un accident d'écriture consécutif à une rupture d'inspiration ? Il est vrai que la proximité des ouvres ne permet pas toujours d'en mesurer le poids, la qualité, la postérité. Mais l'on pourrait parier sans grand risque que ces trente dernières années laisseront autant de livres importants que les trente précédentes.



Sans entrer dans le détail de leurs ouvres, sans analyser vraiment leur démarche, nous citerons rapidement ici quelques auteurs que nous n'avons pas abordés à travers les différentes approches de cette brève analyse mais qui, par leur singularité même ouvrent de nouveaux horizons : Annie Ernaux, Hervé Guibert, ou la traque d'une vérité arrachée au vécu. François Weyergans ou l'exigence de l'écriture et la fantaisie de l'érudition. Dan Frank ou la solitude des origines. Michel Rio, ou la fascination du conte philosophique. Marie N'Diaye ou la tentation d'une synthèse afro-européenne. Jean Noël Pancrazi ou les méandres du temps retrouvé, Charles Juliet, François-Olivier Rousseau, Hector Bianciotti, Roger Vrigny ou le renouveau d'une quêre proustienne, Tony Cartano ou la quête d'une impossible synthèse entre les racines d'Europe et l'immensité américaine. Bertrand Visage, Sylvie Germain ou la tentation de la démesure, Sébastien Japrisot ou l'art de raconter en images et suspense, Pascal Quignard ou les échos de l'oubli, Erik Orsenna, Marie Nimier, ou l'humour à fleur de verbes, Marguerite Duras et les fascinations du moi, Julien Gracq, Jean Rouaud entre surréalisme et mémoire...



Il est impossible de clore une telle liste sans risquer d'être injuste, aussi la laisserons-nous volontairement ouverte, prête à accueillir tous ceux qui au fil des saisons littéraires font notre bonheur de lecteur. A l'aube de ces années 90, le roman français qui a fait craquer tous ses corsets déborde de tous côtés. Parallèlement, mais c'est déjà une vieille tendance, les historiens de chez nous, plus célèbres hors de nos frontières que la plupart des écrivains ici cités, puisent dans l'écriture romanesque revivifiée leur propre écriture, désormais très éloignée de la raideur et de l'austérité universitaire. Comble du compliment : ce livre d'histoire signé, au choix, Georges Duby, Emmanuel Le Roy-Ladurie, Jacques Le Goff, Ariette Farge, Michel Pastoureau, se lit... comme un roman français, bien entendu.



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