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Le roman français






On a eu trop tendance à parler, ces dernières années, d'un déclin du roman français. Cette dévaluation pernicieuse, cet excès de relativisation de sa place dans le monde n'ont pas de raison d'être et donnent, plus que jamais, l'envie de le défendre. Certes, il n'y a pas eu, depuis trente ans, de créations insurrectionnelles ; on n'a pas vu apparaître de grands barbares illuminés, tels Céline et Bataille, qui ont, en brûlant autour d'eux les lois et les certitudes romanesques, créé des lignes de fracture irréversibles, et changé le regard du lecteur sur le texte et le monde. Cette absence de vision révolutionnaire de l'écriture ne doit pas faire oublier que des ouvres majeures continuent à voir le jour - « classique » avec Marguerite Yourcenar, Julien Gracq ou, plus récemment, François Nourissier, ou « modernes » avec Claude Simon. Le seul problème n'est donc pas la qualité intrinsèque des ouvres mais le territoire que le roman peut encore investir, les armes qu'il lui faudrait employer pour cela. Alors que se sont éteintes les idéologies des grands soirs, le roman semble, dans l'ombre du « blues des projets » évoqué par Michel Butor, rechercher une nouvelle utopie, un rapport plus euphorique avec le temps.

Ce temps, beaucoup d'écrivains continuent à le remonter comme si chacun, à sa manière, essayait de répondre à la question : peut-on écrire après Proust ? Oui répondent-ils. Pas, bien sûr, en essayant de rivaliser avec lui mais simplement en explorant sans fin le canton de leur mémoire propre, dans une liturgie des souvenirs magnifiés. L'exil est souvent, pour eux, le moyen idéal de célébrer la nostalgie. Depuis la Maison des Atlantes, Angelo Rinaldi accomplit, de livre en livre, de sublimes retours rêvés vers sa Corse natale. Hector Bianciotti décline superbement les saisons de son passé argentin, recueillant ce que la nuit racontait au jour dans la pampa de son enfance.



Toute l'ouvre de Dominique Fernandez, comme tenue dans la main d'un ange, ressuscite l'enchantement d'une lumière perdue du côté de Naples et de la Sicile.



Pascal Quignard part à la recherche d'une musique ancienne, d'une note perdue, de l'écho assourdi des mouvements du cour de femmes jadis aimées dans l'ombre du Salon du Wurtemberg ou des Escaliers de Chambord. Quant à François-Olivier Rousseau - ce maître du futur antérieur -, il nous offre les chroniques crépusculaires de tout un siècle que contemple, à la fin de sa vie, un peintre dans La gare de Wannsee ou un musicien virtuose dans Sebastien Doré. De son Balcon d'Angelo, Hugo Marsan surplombe son enfance, en s'interrogeant sur ce qui, de toute éternité, l'a poussé à écrire : sans doute le renoncement au bonheur que lui a insidieusement inculqué la mère ; cette nostalgie maternelle se conjuguant avec le regret rageur du père dans toute l'ouvre de Michel del Castillo. Dans ses Cerisaies sans adieux, Nicolas Bréhal réussit à cerner la crainte éblouie que l'on ressent à chaque passage de la vie. Tous semblent, dans les vagues des sensations qu'ils exhument, vouloir atteindre cette douceur dans laquelle Bergotte voyait, dans La Recherche, la qualité suprême du style. Cette prospection du temps perdu peut être plus improbable ou rêveuse encore : Patrick Modiano arpente les mêmes boulevards imaginaires à la recherche d'une étoile originelle. Ou plus mutine, avec Erik Orsenna qui chasse le souvenir comme d'autres le papillon dans un vent d'humour délicat.



Ce grand fleuve calme de la littérature française, où chacun, habitant au plus profond de lui-même, se « distrait avec des morts » (selon l'expression de Pascal QuignarD) s'écoule en dehors du présent et de l'Histoire. Des écrivains, au contraire, affrontent un présent qui est le leur. Comme libérés du culte du remords et de toute intention morale, ils ne se perdent pas dans les méandres, même fastueux, de l'analyse psychologique. Ils renoncent à tout détour lyrique, se refusent à justifier ou à expliquer les comportements de leurs personnages, se bornent à constater leurs faits et gestes. Dans La vie fantôme, Danièle Sallenave dresse une sorte de procès-verbal de l'adultère. Après avoir retracé, de la manière la plus dépouillée, le destin de sa mère dans Une femme, Annie Emaux nous offre, avec Passion simple, un tableau sobre, presque clinique, de la souffrance d'une femme qui, toute une année, emploie ses jours à attendre l'homme qu'elle aime. Cette nudité de la matière et du traitement romanesque, accentuée par la sécheresse voulue de l'écriture, atteint une sorte de cruauté chez Hervé Guibert.



Dans ses premiers livres, il l'exerce à l'égard du milieu parental puis il la retourne sur lui-même. Pour lui, le temps presse, il scrute la mort à l'ouvre dans son propre corps, dans une enquête hallucinée sur les étapes de sa maladie. A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie et Le protocole compassionnel resteront de grands livres sur une épreuve de vérité qu'au-delà du bien et du mal un écrivain s'impose à lui-même.

Cette violence mise à achever de se détruire pour mieux aller vers la beauté n'est, au fond, pas très éloignée de celle de Pierre Guyotat. Même si, dans Tombeau pour cinq cent mille soldats., la splendeur meurtrière ne se borne pas à un individu et concerne l'Histoire - en l'occurrence, la guerre d'Algérie - que l'auteur harcèle et morcelle dans l'emportement d'un saccage cosmique. On retrouve cette scansion barbare et raffinée dans Paysage de fantaisie de Tony Duvert et Paradis de Philippe Sollers. En essayant de retrouver une langue d'avant l'écriture, le souffle d'une « parole automatique », ils ont composé de grandes odes sauvages, vibrantes d'un paganisme survolté.



Ce paganisme, on le retrouve sous d'autres formes, beaucoup plus classiques, dans les mytiies déployés par Marguerite Yourcenar qui, après avoir exploré le monde antique, s'est aventurée, avec l'euphorie du passé qui la caractérise, dans l'univers de l'alchimie médiévale avec l'Ouvre au noir. Dans Vendredi ou les limbes du Pacifique, Michel Tournier ressuscite un mythe universel et, avec le Roi des Aulnes, nous offre un chef-d'ouvre dont la mythologie germanique est la clef de voûte. Après des ouvres distanciées comme Le ravissement de Loi V. Stein, Marguerite Duras emprunte, à son tour, la voie du mythe. Elle en propose une version intime en recréant, sur le mode de la légende, sa propre existence et en poétisant à l'extrême son passé centré sur L'amant de la Chine du Nord.



Cette poétique du miroir, les grands représentants du Nouveau Roman l'ont rejointe dans un mouvement de retour sur leur propre vie, à l'exemple d'Alain Robbe Grillet qui, après Manifeste pour un nouveau roman et Les gommes qui proscrivaient l'exaltation de la sensibilité, renoue avec l'autobiographie avec Le miroir qui revient et de Nathalie Sarraute qui va de L "ère du soupçon à Enfance, cette sublime et très sereine méditation sur ses premières années.

Philippe Sollers qui Rit le grand théoricien d'une littérature nouvelle rêvant d'intégrer - notamment avec l'aventure de Tel Quel - la politique et la science, nous donne vingt ans après Logiques et //la fiction éminemment sensuelle de Femmes.

Et Barthes lui-même, partisan avec le Degré zéro de l'écriture, d'une littérature théoricienne qui abolissait l'imaginaire et la projection innocente, aveugle dans un personnage n'a-t-il pas prôné ensuite le retour au plaisir du texte, offrant avec les Fragments d'un discours amoureux - où « les carences elles-mêmes se font caresses » - le négatif d'un roman qu'il rêvait peut-être d'écrire un jour ?



Ce retour à la fiction, cet appel à l'imaginaire de la part de ceux qui lui étaient de plus réfractaires est-il un reniement ? Non. L'intimisme s'est seulement nourri de la magnifique liberté qu'a accordée à la littérature le Nouveau Roman - dont de très grandes ouvres continuent d'ailleurs à apparaître, que ce soient celles de Robert Pinget qui promène toujours son Monsieur Songe ou l'Acacia et les Géorgiques de Claude Simon qui atteignent l'absolu d'une immense partition musicale.

Une nouvelle légèreté est née de cette liberté moqueuse prise avec les règles traditionnelles et étouffantes du roman naturaliste. Le jeu est devenu un mode du récit. La jubilation du lecteur vient alors de l'effet des combina-toires de la narration, de la dialectique interne de ses éléments, de la variation ludique des algèbres discrètes, comme l'a illustré Jacques Roubaud dans Hortense et L'enlèvement d'Hortense.

Georges Perec reste le plus important de ces écrivains qui, dans leurs architectures mobiles, s'amusent avec les fondations mêmes du récit : tel un Balzac à l'envers, il déconstruit dans La vie, mode d'emploi la comédie humaine pour mieux en faire l'inventaire.



Le temps n'est plus à la scission exaltée, mais à la subversion en douceur, à l'effritement insidieux des vieux clichés, à la contestation tranquillement ironique des formes, qui vient des banlieues du roman. C'est surtout dans le genre policier que sont minés les stéréotypes. Plutôt que de nouer un véritable suspense, un ensemble d'écrivains - allant de René Belletto à Didier Daeninckx - préfère filer des énigmes dans un climat de nonchalance narquoise et de dérive désabusée : on est plutôt du côté de la balade policière que du thriller. Dans un Paris d'arrière saison, François Bott lance un détective - le dévoué F. B. - à la poursuite de lui-même ; il aime que soient sans cesse différées les révélations qu'il en attend. Quant au roman d'aventure, il a été délesté de ses parcours obligés par Michel Chaillou ou Bruno Bontem-pelli : ils ne parlent plus de conquête, ne succombent plus aux péripéties et choisissent de jouer avec le sentiment géographique. Sur les ponts des bateaux de Michel Rio se déroulent des vaudevilles sophistiqués au large d'archipels où on oublie d'aborder...

Aussi les frontières entre les genres n'en finissent pas de s'effacer ; y-a-t-il, d'ailleurs, encore des genres ? Depuis Le Méridien de Greenwich jusqu'à Nous trois, Jean Echenoz nous entraîne dans "des équipées de l'incertitude, vers des ronds-points mouvants où se rencontrent, s'allient ou se heurtent des mini-anecdotes, des impressions, des éclats de culture, des bribes de parodies. Autour de lui gravitent des écrivains qui, tels Patrick Deville ou Eric Chevillard, tentent de capter tous les signes de la société contemporaine dans un feu d'artifice de références modernistes.

Mais n'y-a-t-il pas un risque qu'un nouveau formalisme naisse de ces traités de la vitesse ? N'est-ce pas plutôt en conquérant d'autres espaces, plus authentiques, que le roman français peut retrouver une ferveur, absente de ces boîtes noires qui enregistrent tous les accidents d'un présent accéléré et déjà évanoui ? La rigueur exaltée de François Augiéras a ouvert la voie à des quêtes épiques de la pureté - telle que la mène Le Clézio, avec une exigence de plus en plus fluide. Après avoir dénoncé l'aliénation et le totalitarisme des métropoles géantes, il inaugure une phase de bonheur et de réconciliation avec le monde par Voyages de l'autre côté. Qu'il s'aventure du côté des hommes bleus du Sahara ou des rivages mexicains, il nous fait entrer en communion avec l'univers dans des livres conçus comme des chansons de geste à la gloire des premiers matins. Alain Blottière, emporté par son rêve de transparence, revient toujours vers le même point d'eau, à l'extrémité de l'âme.

Ces nouveaux espaces sont aussi culturels : Tahar Ben Jelloun a su magnifiquement opérer la greffe du conte oriental sur le roman français. Son enfant de sable est devenu le symbole de toutes les transgressions magiques. Mais tout en nous envoûtant par le mystère capiteux de ses nuits sacrées, il ne tient pas les yeux baissés et continue à dénoncer, avec un courage vigilant, les intolérances de son époque comme si rien ne lui importait davantage que d'établir une fraternité ardente avec les hommes.

A sa manière baroque, Patrick Grainville, grâce à son lyrisme charnel et à son art de transcrire les métamorphoses de la nature et des peuples, trouve des terres - l'Afrique, le Brésil - accordées à la démesure de son inspiration et de son style : il devient, à son tour, un amant du monde. Ce qu'a toujours été René Depestre avec ses hymnes au plaisir et à la femme-jardin confondue à la chair végétale des forêts tropicales. Depuis Solibo Magnifique, Patrick Chamoiseau ne cesse d'affiner la notion de créolité, non pas pour s'enfermer dans des clivages locaux mais au contraire pour illuminer le roman français de toutes les couleurs de sa langue natale. Il se définit comme un « marqueur de la parole » et, en truffant le texte de Texaco d'expressions créoles, invente une nouvelle langue : le français « chamoisisé ».



Ce métissage littéraire, ce cosmopolitisme romanesque est peut-être le moyen de revenir à l'euphorie et de briser la conformité fade d'un « européocentrisme ». Michel Butor qui a su, dans les années 60, aller vers un « langage de son temps », poursuit ses « génies du lieu ». Ils synthétisent les divagations planétaires du grand voyageur qu'il est resté et comportent de nombreux fuseaux horaires... Se voulant, en particulier « l'intercesseur » entre la France et le Japon, il nous invite à nous apercevoir que la terre est ronde, que les influences culturelles sont en train de se distribuer beaucoup plus sur l'ensemble de la planète. Avec lui, le roman devient le meilleur agent de la concordance des temps.

S'agit-il, pour autant, de s'abandonner, par le roman, à un rêve de transmission et de pacification universelles ? Non, car il est, plus que jamais, menacé par toutes les valeurs marchandes. Dans ses derniers livres, Philippe Sollers dénonce les impérialismes moraux, sociaux et culturels qui tendent, surtout par le biais de l'argent, à corrompre l'art et la beauté.

Appliquant à la littérature les règles que von Clausewitz préconisait pour la guerre, il combat, dans la Fête à Venise, les « censeurs analphabètes » et les « surinformés incultes », et, dans le Secret, abat le leurre de la démocratie radieuse et les artifices d'un unanimisme de parade. Délivré de toutes les illusions idéologiques, sexuelles et romantiques, seul, sans doute, à entretenir avec notre époque un rapport immédiat, témoin ironique de la réalité, il appelle chaque écrivain à la résistance mentale. Il sera écouté et peut faire longtemps confiance aux écrivains : qu'ils forent en eux-mêmes pour atteindre les régions les plus obscures du cour ou reflètent dans leurs ouvres toutes les lumières, les drames et les croyances du monde, rien ne saurait les détourner de leur devoir d'intranquillité.

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