Essais littéraire |
La crise Il appartient au Romantisme d'avoir fait du « symbole» une catégorie majeure de la pensée de l'art: il s'agissait alors de remettre en question le principe classique de «l'imitation de la nature», en recentrant la poésie vers l'intériorité créatrice, et en la vouant à l'expression de l'indicible. Trois quarts de siècle plus tard, le Symbolisme reprend la notion. Entre le Romantisme allemand et le Symbolisme, l'héritage est sans doute très direct : en témoigne par exemple, par-delà même la vogue de «Pallemandisme» qui sous-tend l'élaboration des doctrines symbolistes, la traduction des Fragments de Novalis par Maeterlinck. Toutefois, à soixante-quinze ans de distance, ce retour au Romantisme se complique d'autres influences, tout aussi importantes, quoique contradictoires : il passe par les relais de Baudelaire, de Rimbaud ou de Mallarmé, où la pensée du «symbole», si elle est maintenue, est cependant inséparable d'une crise majeure dans la confiance accordée au verbe poétique, qui caractérise la «modernité». Le Symbolisme s'inscrit dans cette crise, qu'il approfondit jusque dans le geste qui semble le reconduire au Romantisme. Baudelaire : du symbole à l'allégorie La remontée à Baudelaire des origines du Symbolisme est ici particulièrement significative parce que fondamentalement ambiguë : d'un côté en effet, l'ouvre de Baudelaire semble récapituler l'héritage romantique dont se chargent les doctrines du symbole, - de l'autre, sa «modernité» tient dans la façon dont elle pressent l'effondrement de l'ancien univers analogique, et inaugure une nouvelle pensée du signe. Sur le versant «romantique» de l'ouvre, le sonnet des « Correspondances » apparaît comme un art poétique caractéristique d'une conception «symbolique», sinon «symboliste», de la poésie. Les thèses principales en sont connues. La première concerne la « texture » du monde, tout entier régi par un vaste réseau de « correspondances ». Les correspondances «horizontales », qui unissent les choses entre elles à la faveur des synesthésies - « les parfums, les couleurs et les sons se répondent» -, sont doublées de correspondances «verticales», qui, par analogies, rapportent toute réalité matérielle à une réalité spirituelle. «Tout, forme, mouvement, nombre, couleur, parfum, dans le spirituel comme dans le naturel, est significatif, réciproque, converse, correspondant», écrit Baudelaire à propos de Victor Hugo (1861). La même certitude est également affirmée à propos de Wagner : [...] Ce qui serait vraiment surprenant, c'est que le son ne pût pas suggérer la couleur, que les couleurs ne pussent pas donner l'idée d'une mélodie, et que le son et la couleur fussent impropres à traduire des idées ; les choses s'étant toujours exprimées par une analogie réciproque, depuis le jour où Dieu a proféré le monde comme une complexe et indivisible totalité (« Richard Wagner et Tannhaiiser à Paris », 1861). Le réseau des correspondances dispose le monde comme un vaste « hiéroglyphe » : « tout est hiéroglyphique », écrit Baudelaire dans son étude sur Victor Hugo; et ce «hiéroglyphe» est dépositaire d'un sens secret qu'il appartient au poète de «déchiffrer». La seconde thèse concerne précisément la « fonction du poète», et plus particulièrement le rôle dévolu à l'imagination. Si le monde est un «hiéroglyphe», ce « hiéroglyphe » est fondamentalement obscur, en sorte que «les confuses paroles» de la Nature assignent au poète la tâche d'un «traducteur» ou d'un « déchiffreur». Toute une mythologie poétique est alors ravivée par Baudelaire: elle fait du poète un «Mage», un «Prophète» ou un «Voyant», connaissant «le langage des fleurs et des choses muettes», comme il est dit dans «Élévation»; et elle confère à l'imagination un pouvoir de dévoilement de la vérité cachée des choses : c'est par l'imagination que les correspondances peuvent se déployer et révéler la « ténébreuse et profonde unité » qui les sous-tend, c'est par elle que le monde peut faire l'objet d'une connaissance poétique. En ce sens, Baudelaire distingue nettement l'imagination qui n'est que «fantaisie», de celle qui est en réalité «la plus scientifique des facultés, parce que seule elle comprend / 'analogie universelle, ou ce qu'une religion mystique appelle la correspondance», selon les termes d'une lettre à Alphonse Toussenel (21 janvier 1856). Baudelaire revient sur ce point dans son étude sur Edgar Poe, qui fait de l'imagination «la reine des facultés»: L'imagination n'est pas la fantaisie; elle n'est pas non plus la sensibilité, bien qu'il soit difficile de concevoir un homme imaginatif qui ne serait pas sensible. L'imagination est une faculté quasi divine qui perçoit tout d'abord, en dehors des méthodes philosophiques, les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies {Notes nouvelles sur Edgar Poe, 1857). La troisième thèse concerne enfin les pouvoirs du verbe poétique. Si le monde lui-même est un texte dont le sens se révèle à travers l'imagination du poète, le Grand Livre du Monde confère au langage poétique, et à ses figures, une garantie ontologique. Les figures poétiques - tels les « comme » que le sonnet des « Correspondances » égrène notamment dans le sizain - ne sont pas gratuites ; elles ont une motivation profonde qui les relie à leur «correspondant» naturel : Chez les excellents poètes, il n'y a pas de métaphore, de comparaison ou d'épithète qui ne soit d'une adaptation mathématiquement exacte dans la circonstance actuelle, parce que ces comparaisons, ces métaphores, et ces épi-thètes sont puisées dans l'inépuisable fonds de l'universelle analogie, et qu'elles ne peuvent être puisées ailleurs (« Victor Hugo»). «La correspondance et le symbolisme universels», écrit encore Baudelaire à propos de Théophile Gautier, sont « le répertoire immense de toute métaphore ». Il est une vérité figurale de l'écriture poétique, qui se trouve gagée sur l'Être. C'est en ce sens que le maniement savant de la langue peut accomplir «une espèce de sorcellerie évocatoire». C'est en ce sens que l'obscurité poétique, en reproduisant «les confuses paroles» du Monde, peut prétendre élucider, dans le «microcosme» du poème, la «forêt de symboles» qui compose le «macrocosme» de la Création divine. Cet art poétique est sans doute mis en pratique dans un certain nombre de poèmes des Fleurs du Mal, -notamment ceux qui jouent de la transposition des sensations ou qui mêlent les registres de la sensualité et de la spiritualité. Toutefois, à partir de l'édition de 1861, le recueil développe une thématique nouvelle, plus spécifiquement « moderne », qui prend en défaut la métaphysique poétique contenue dans la doctrine des correspondances. L'image du poète change. Autrefois inspiré par les voix de la Nature, le voici désormais «un faux accord / Dans la divine symphonie» (« Heautonti-moroumenos ») ; jadis «Mage» ou «Prophète», il est maintenant, tels «les Aveugles», livré à une forme «d'hébétude», et c'est vers un ciel vide qu'il tourne ses regards (« Et plus qu'eux hébété, / Je dis : Que cherchent-ils au ciel tous ces aveugles»). Parallèlement, la Nature, autrefois «Temple», a fait place à l'espace profane de la ville, - qui a sans doute encore les dimensions d'un monde («fourmillantes cités, cités pleines de rêves»), mais n'en a plus la «ténébreuse et profonde unité». Vouée aux forces de dispersion de l'histoire, la ville implique un statut nouveau pour le sujet poétique : le voici seul parmi «les foules», livré à la «rue assourdissante » (« A une passante »). Là, les rencontres revêtent un caractère fantastique ou hallucinatoire, qui, au lieu de révéler un Sens, renvoie le sujet à lui-même, sans plus faire signe vers quelque au-delà transcendant. Ainsi dans «Les Sept Vieillards», où le poète se dit «Blessé par le mystère et par l'absurdité», selon un presque oxymore symptomatique de la dégradation de l'ancien univers symbolique. L'imagination, autrefois investie d'un pouvoir de révélation et d'actualisation ontologique, a fait place à l'imaginaire, qui mure le sujet en lui-même, le livre à ses désirs et à ses angoisses, à ses fantasmes et ses fantasmagories. La poésie elle-même se dégrade dans la prose, - car, mieux encore que Les Fleurs du Mal, c'est Le Spleen de Paris qui achève de rompre avec l'ancien univers symbolique hérité du Romantisme : il en résulte une thématique plus désenchantée encore, mais aussi une forme de prose qui, par son indéfinition même, brise l'illusion de totalité qui est attachée au vers. En définitive, dans ce tournant du Romantisme à la modernité qu'opère l'ouvre de Baudelaire, le symbole a été progressivement remplacé par l'allégorie. «Tout pour moi devient allégorie» est-il écrit dans «Le Cygne». Alors que le Romantisme avait institué l'opposition du symbole et de l'allégorie au détriment de l'allégorie, la réévaluation baudelairienne de celle-ci, promue en figure majeure de la modernité poétique, implique une tout autre pensée du signe. A la différence du symbole, l'allégorie ne suppose plus cette confiance dans le langage qu'autorisait l'ancrage du symbole dans une ontologie; dans l'allégorie, le signe, sans relève métaphysique, n'a plus d'autre signification qu'historique : ainsi est-ce dans un Paris ravagé par l'histoire (celle, en l'occurrence, de juin 1848, avec ses «vaincus», ses «captifs», «bien d'autres encore») que la vision allégorique opère ; ainsi est-ce vers un « ciel ironique et cruellement bleu », dépourvu de toute transcendance, que se tourne le cygne du poème, - figure d'un texte lui-même pensif, lui-même voué à la mélancolie d'un sens perdu. Rimbaud: le «dérèglement» De Baudelaire à Rimbaud, un degré supplémentaire est franchi, qui approfondit le divorce entre la Nature, l'Imagination et le Verbe, autrefois réunis dans les théories romantiques du symbole. Sans doute les lettres dites du «Voyant» - adressées à Georges Izambard et à Paul Demeny le 13 et 15 mai 1871 -sont-elles encore fortement imprégnées de Romantisme; mais le «dérèglement» qu'elles appellent de leurs voux - « le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens» - change du tout au tout la nature de «l'illumination » poétique. Alors que, pour le premier Baudelaire, et avant lui pour toute la tradition romantique, l'Imagination restait dans la continuité de l'Être dont elle devait révéler, dans le langage poétique, la vérité profonde, la «voyance» rimbaldienne au contraire produit des mondes inouïs qui n'ont cours que dans la réalité du délire, elle disloque l'unité du sujet - «car Je est un autre » -, et rompt finalement les liens qui rattachaient le langage aux « anciens parapets » de l'Être. La nouvelle langue poétique qui doit résulter d'un tel «dérèglement» est encore décrite dans le langage des correspondances et des synesthésies : elle sera, écrit Rimbaud, «de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant». Le sonnet des «Voyelles» apparaît comme l'abécédaire de ce nouveau langage, et il a lui-même été lu comme un manifeste de « l'audition colorée», expérimentant les théories d'époque sur les synesthésies et annonçant directement les spéculations symbolistes sur les correspondances. De fait, à chaque voyelle, à la fois phonème et graphème, est associée une couleur, et à chaque couleur, un affect particulier. Mais, à la différence des correspondances bau-delairiennes, ces associations ne sont pas fondées sur un ordre naturel : elles procèdent de la seule décision du sujet, et sont le fruit d'un investissement pulsionnel qui opère à partir d'unités en elles-mêmes insignifiantes. Le langage fait ainsi l'objet d'une recharge imaginaire, qui sans doute rend au signe une forme de motivation, mais de telle sorte que celle-ci ne dispose d'aucune garantie transcendante, ne découle d'aucune «harmonie» préexistante. Le sens du sonnet devient alors lui-même problématique : d'abord simplement «réservé» (« Je réservais la traduction», écrit Rimbaud dans «Alchimie du verbe»), il peut se gonfler de tous les sens possibles - comme en témoigne la multiplicité des interprétations que le poème a suscitées -, ou, à l'inverse, s'abîmer dans le non-sens, - et c'est explicitement à la folie qu'Une saison en enfer renverra finalement tout le projet poétique du « Voyant ». Le «dérèglement» de l'ancienne poétique du symbole donne lieu à l'expérimentation d'un autre mode d'écriture, particulièrement sensible dans les Illuminations. Là, le texte poétique semble se vouer à l'évocation de mondes qui «n'existent pas», comme il est dit explicitement dans « Barbare » : Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques (elles n'existent paS). En chacune de ses phrases, le poème fait l'épreuve de sa propre « liberté », - conférant au signifiant une autonomie nouvelle par rapport au réfèrent, désormais incertain ou absent, comme par rapport au signifié, qui n'est plus cautionné par aucune garantie extérieure, mais qui est désormais seulement fonction du travail immanent du texte. Mallarmé: du «Démon de l'analogie» au «Mystère dans les Lettres » Avec Mallarmé, la crise des doctrines romantiques du Symbole se dénoue dans une théorie nouvelle du langage poétique, qui va directement inspirer, au prix de certains malentendus, la jeune génération symboliste. Nul n'a poussé aussi loin que Mallarmé les conséquences, sur la pensée de la poésie, de la mort de Dieu, - ce «vieux et méchant plumage», comme il est dit dans la lettre à Cazalis du 14 mai 1867. La découverte du «Néant», au cours de la crise métaphysique des années 1864-1867, fait s'effondrer les anciennes doctrines du symbole qui reposaient toutes sur une croyance, diversement formulée, en une transcendance du sens. Un poème en prose (publié en 1874, mais dont la rédaction semble contemporaine de la crisE) témoigne plus particulièrement d'un tel effondrement: il s'agit du texte intitulé «Le Démon de l'Analogie», qui met en scène une nouvelle sorte de «dérèglement» de l'opération symbolique. Une phrase - la pénultième est morte - s'impose au narrateur, insiste, sans que celui-ci puisse cependant la rapporter ni à une instance d'énonciation assignable ni à un sens particulier. Venue de nulle part, elle fascine, dans la mesure exacte où elle ne peut que renvoyer indéfiniment à elle-même, - insistant sur le son «nul », qui, situé à la pénultième du mot «pénultième», met en abyme dans le mot le négatif qui habite le langage tout entier. La « nullité », ainsi installée au cour des mots, peut cependant devenir le principe d'un déploiement nouveau de l'opération symbolique, fondée cette fois, non plus sur une ontologie idéaliste, mais sur une philosophie matérialiste du langage. Pour Mallarmé en effet - à la différence de bien des symbolistes qui pourtant se réclameront de lui -, il n'y a pas d'au-delà du langage : toute transcendance supposée est rapportée à la «fiction» qui en fait un pur effet de discours. Son « démontage impie », comme il est dit dans La Musique et les Lettres, est assuré par la capacité critique du poème, qui révèle alors, dans «le mécanisme littéraire », « la pièce principale ou rien ». Ce nihilisme toutefois confère paradoxalement au verbe poétique un pouvoir accru : dans les rapports nouveaux que le vers instaure entre les mots, peut se manifester l'Idée, non pas tombée du ciel et seulement réfléchie dans le poème, mais véritablement créée dans l'immanence du langage, par toutes les capacités de suggestion que le texte poétique est susceptible de réveiller dans les mots dont il est fait. S'il y a bien un «Mystère dans les Lettres», celui-ci, sans garantie extérieure, est tout entier l'ouvre du poème. L'ancien idéalisme poétique est retourné de fond en comble : aucune voix de la Nature ne parle plus au poète; au ciel, l'alphabet des astres ne compose aucun texte intelligible ; le sens, s'il en est un, est l'apanage du seul alphabet humain - qui s'indique, écrit Mallarmé dans Quant au livre, non plus « lumineusement sur champ d'ombre », mais « noir sur blanc » -, avec la tâche « d'élever enfin une page à la puissance d'un ciel étoile », comme le dira plus tard Paul Valéry en évoquant le Coup de dés. Théorie et pratique du symbole La génération symboliste hérite très directement de la crise qui, à travers Baudelaire, Rimbaud ou Mallarmé, a fait s'effondrer la doctrine romantique du symbole. Les poétiques qu'elle élabore sont celles d'un âge où les signes sont devenus incertains et précaires. La pratique des textes en témoigne, - et cela malgré un discours sur le symbole qui reste le plus souvent idéaliste, comme s'il tentait d'occulter la crise dans laquelle il est pourtant lui-même situé. Le « credo » symboliste De fait, tout semble rapporter le discours symboliste sur le symbole, moins à une théorie de la modernité poétique, qu'à une forme de Néo-romantisme. Tout se passe comme si, par-delà la crise, les doctrines symbolistes tendaient à restaurer l'ancien univers analogique, et postulaient à nouveau l'existence de «correspondances» entre le sensible et l'intelligible, entre l'homme et l'univers, comme entre le poème et le cosmos. L'ancien ordre de la mimèsis se remet ainsi en place, et l'idéalisme philosophique qui sous-tend le discours symboliste permet de réaffirmer l'existence d'un monde idéal, lui-même réfléchi dans le monde sensible, et « représenté » dans l'oeuvre d'art. Ainsi par exemple chez Georges Vanor, qui, dans L'Art symboliste (1889), fait découler le symbole poétique du symbole mystique : L'ouvre du poète symboliste serait de découvrir l'idée à travers sa représentation figurée ; de saisir les rapports des choses visibles, sensibles et tangibles du monde avec l'essence intelligible dont elles participent. Les mêmes présupposés philosophiques se retrouvent chez Teodor de Wyzewa, Charles Morice ou René Ghil. Tous réaffirment la préexistence d'un sens caché des choses, qui garantit ontologiquement le symbole poétique et fonde l'ordre de la représentation. On notera en particulier l'insistance, dans le discours symboliste, de la très ancienne métaphore du «Livre du monde» qui souligne bien l'absence de solution de continuité entre le modèle idéal de la Création et son reflet dans le livre poétique : pour Georges Vanor, la création est «le livre de Dieu, devant lequel l'homme placé ne connaît pas les mots », et dont le poète doit « déchiffrer et expliquer les hiéroglyphes » ; pour André Gide -le Gide du Traité du Narcisse (1891) -, le poète a la tâche de recueillir « les feuillets du Livre immémorial où se lisait la vérité » ; pour Camille Mauclair, dans Eleusis, «livre de foi idéaliste», sous-titré Causeries sur la cité intérieure et « filialement dédié à Stéphane Mallarmé» (1894), la recherche du sens de l'univers est comparée au déchiffrement d'une phrase dans une langue inconnue ; pour le jeune Valéry, dans une lettre qu'il adresse à Mallarmé le 16 août 1891, l'art poétique consiste à considérer l'Univers «vêtu de syllabes» et «organisé en phrases1 ». Toute l'époque est ainsi hantée par le rêve d'un livre qui s'égalerait au Livre, et reproduirait symboliquement dans les signes du langage humain le Verbe de quelque Création divine et mystérieuse. Cette esthétique idéaliste trouvera, par-delà la période symboliste, une interprétation chrétienne dans l'ouvre de Paul Claudel, qui affirme un dépassement possible de la tentative mallarméenne en fondant le symbole, non plus sur le seul langage humain comme c'est le cas chez Mallarmé, mais sur «l'Écriture par excellence» que constitue la Bible. La restauration de l'ancien univers analogique s'accompagne d'une restauration des plus antiques « fonctions du poète » : si le monde est un Livre, il appartient au poète seul de le déchiffrer et d'en reproduire les arcanes dans sa propre écriture. A une époque qui n'est pas avare en « Sârs» divers ou «Nabis» de toutes sortes, les diverses doctrines du symbole -qu'elles passent ou non par les doctrines occultistes - réactualisent l'image du Poète-Mage. Celle-ci apparaît notamment chez Charles Morice, qui fait du poète «le Servant de l'Évangile des Correspondances et de la Loi de l'Analogie», capable de donner «en de vastes synthèses une explication mélodieuse et lumineuse des mystères ». Partout ailleurs, la fonction du poète est celle d'un «passeur» entre le sensible et l'intelligible, entre le monde des apparences et celui des « Vérités primordiales » qui « demeurent derrière les Formes symboles», écrit Gide dans le Traité du Narcisse. Le credo poétique que Stuart Merrill compose en 1893 est très explicite : « Le poète doit être celui qui rappelle aux hommes l'idée éternelle de la Beauté dissimulée sous les formes transitoires de la Vie imparfaite. » Que les doctrines du symbole se nourrissent de néoplatonisme ou d'hégélianisme, qu'elles empruntent à l'occultisme, ou qu'elle se fondent, comme chez Mallarmé ou Valéry, sur une stricte philosophie matérialiste du langage, elles ont toutes en commun d'instituer une sorte de religion de l'art. C'est le cas chez Charles Morice, pour qui « les poètes sont les ordonnateurs des fêtes sacrées et de la juste joie». Mais c'est aussi le cas chez Mallarmé, pour qui cette religion de l'art est d'autant plus «glorieuse» qu'elle est en réalité sans illusion et qu'elle ne postule aucune transcendance extérieure au langage. Paul Valéry soulignera plus tard la religiosité diffuse qui a fait l'atmosphère particulière des cercles symbolistes, lorsqu'il évoquera cette époque où «nous avons eu [...] la sensation qu'une manière de religion eût pu naître, dont l'émotion poétique eût été l'essence» (Existence du Symbolisme, 1939). Il existe ainsi une métaphysique du symbole qui est tout entière soutenue par une forme de croyance en un ordre mystérieux de l'Univers. Cet idéalisme se double d'une réflexion sur la possibilité d'une connaissance poétique du monde, qui, elle-même, introduit à une théorie nouvelle de la subjectivité créatrice. Si le Symbole fait affleurer une Vérité, en elle-même fondamentalement obscure, la forme de connaissance poétique qu'il procure n'est pas rationnelle ou analytique, mais intuitive et « synthétique ». Le mot de « synthèse » est alors un mot à la mode ; il en sera de même du terme d' « intuition », lorsque la vogue du bergsonisme accompagnera la constitution d'un Néo-symbolisme dans la première décennie du XXe siècle. Mais l'exigence d'un mode de connaissance du monde qui ne se réduise pas à la conscience claire est déjà présente dans le discours des premiers théoriciens du Symbolisme. Ainsi, pour Georges Vanor, l'état poétique requiert-il une forme de «divination des correspondances des choses avec nos idées et nos rêves », et la vision qui en résulte n'est pas sans ressemblance avec l'attitude mystique. En deçà de la conscience claire, un mode de compréhension du monde opère, qui a sa source dans les tréfonds de l'âme humaine. Contre la connaissance purement intellectuelle, la sensation est également sollicitée, - notamment chez Emile Verhaeren dans la définition que celui-ci propose de l'activité symbolique : On part de la chose vue, ouïe, sentie, tâtée, goûtée, pour en faire naître l'évocation et la somme par l'idée. Et le symbole est alors compris comme «un sublimé de perceptions et de sensations ». Claudel, quant à lui, parlera, dans son Art poétique (1907), de «co-nais-sance» du monde et de soi. La distinction de la connaissance rationnelle et de la connaissance intuitive a des conséquences rhétoriques: elle fonde la distinction entre l'allégorie, purement abstraite, dans laquelle les signes sont conventionnels, et le symbole proprement dit, qui est ressenti comme «vivant», et dont les signes sont censés conserver un lien «naturel» avec l'objet évoqué. Cette distinction est particulièrement affirmée chez Albert Mockel : Je voudrais appeler allégorie, l'ouvre de l'esprit humain où l'analogie est artificielle et extrinsèque, et j'appellerai symbole celle où l'analogie apparaît naturelle et intrinsèque. L'allégorie serait la représentation explicite ou analytique, par une image, d'une idée préconçue; elle serait aussi la représentation convenue - et par cela même explicite - de cette idée [...]. Au contraire, le symbole suppose la recherche intuitive de divers éléments idéaux épars dans les Formes. La même distinction apparaît chez Maeterlinck, qui oppose à la logique rationnelle une capacité de sym-bolisation qui trouve sa source dans P« inconscient » : [...] Il y a deux sortes de symboles, écrit Maeterlinck dans sa réponse à l'Enquête de Jules Huret : l'un qu'on pourrait appeler le symbole a priori ; le symbole, de propos délibéré ; il part d'abstraction et tâche de revêtir d'humanité ces abstractions. [...] L'autre espèce de symbole serait plutôt inconscient, aurait lieu à F insu du poète et souvent malgré lui, et irait, presque toujours, bien au-delà de sa pensée : c'est le symbole qui naît de toute création géniale d'humanité [...]. Le « symbole inconscient » requiert de la part du poète une forme de «passivité», qui semble annoncer celle qui préside au développement de l'image dans l'écriture surréaliste : Le poète doit [...] être passif dans le symbole, et le symbole le plus pur est peut-être celui qui a eu lieu à son insu et même à rencontre de ses intentions. Toutefois, l'inconscient invoqué par Maeterlinck ne se confond pas avec l'inconscient freudien qu'il précède de peu. S'il désigne en effet les espaces intérieurs du moi, où Maeterlinck voit la source de la poésie véritable, il consonne en réalité avec l'Univers entier et entre en résonance avec «l'ordre mystérieux et éternel et la force occulte des choses» : [le poète], ajoute Maeterlinck, doit se mettre en position où l'Éternité appuie ses paroles, et chaque mouvement de sa pensée doit être approuvé et multiplié par la force de gravitation de la pensée unique et éternelle. Juste avant Freud, et à partir de présupposés philosophiques différents mais convergents, se trouve ainsi désigné le foyer le plus secret de l'activité symbolique : la mare tenebrarum de la subjectivité profonde, - que le Symbolisme identifie comme la source véritable de l'art. Poétique de la suggestion Les doctrines symbolistes du symbole comportent donc à la fois une métaphysique (idéalistE), et, pourrait-on dire, une métapsychologie avant l'heure. Toutes deux confrontent l'expérience poétique à un «mystère» fondamental. En sorte que la tâche des poétiques symbolistes consiste à tenter de faire dire au langage plus qu'il ne semble pouvoir comporter, de façon à lui permettre d'accueillir l'indicible auquel il est constamment confronté et qui le déborde infiniment. C'est en ce sens qu'est élaborée la notion de « suggestion». Le terme vient de l'enseignement de Mallarmé: Nommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. C'est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d'âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d'âme, par une série de déchiffrements» (Réponse à Y Enquête sur l'évolution littéraire de Jules HureT). On le retrouve chez Charles Morice : La Suggestion peut ce que ne pourrait l'expression. La Suggestion est le langage des correspondances. [...] C'est le caché, l'inexpliqué et l'inexprimable des choses qu'elle dit {La Littérature de tout à l'heure, 1889). Mais aussi chez Teodor de Wyzewa, René Ghil, ou encore Stuart Merrill chez qui l'idée de «suggestion » est intimement liée à la recherche de la musicalité : Exprimer l'idée à l'aide de mots, suggérer l'émotion par la musique de ces mots, tel est, je pense, l'alpha et l'oméga de notre doctrine (Lettre à Francis Vielé-Griffïn, 1887). La notion de «suggestion» invite tout d'abord à considérer que le symbole, dans le poème, n'est pas une figure isolée et isolable, mais qu'il procède de l'ouvre tout entière. Contrairement à l'allégorie qui part d'une symbolique préétablie, le symbole, s'il est authentique, résulte du seul travail du texte, qu'il mobilise tout entier. Maeterlinck insiste clairement sur ce point : Je ne crois pas que l'ouvre puisse naître viablement du symbole; mais le symbole naît toujours de l'ouvre si celle-ci est viable'. L'ouvre qui naît du symbole n'est qu'une froide allégorie; alors que le symbole qui naît de l'ouvre, qui en est la « fleur de vitalité », écrit encore Maeterlinck, condense en lui tout l'imaginaire qui porte le poème, engage la totalité de la signijïance du texte, et se confond avec le procès même de l'écriture selon lequel le sens ne cesse de se déployer sans jamais se figer, toujours en quête, toujours inconnu de soi. On notera que l'ancrage du déploiement symbolique dans le travail même du texte est un point théorique qui sépare René Ghil de Mallarmé : pour René Ghil, dans le Traité du verbe, il existe a priori un système de correspondances entre les sons, les couleurs, les affects et les idées, et ce système est en quelque sorte le clavier, préétabli, dont doit jouer « l'instrumentation verbale » ; au contraire pour Mallarmé, «l'éclosion, en nous, d'aperçus et de correspondances», comme il est dit dans La Musique et les Lettres, est exclusivement fonction du travail immanent du texte et ne découle d'aucune clé symbolique préexistante. Ainsi soutenue par tout le travail sous-jacent du texte, la suggestion met en avant deux caractéristiques majeures de ce que l'on peut appeler une tex-tualité « moderne » : d'une part la polysémie, d'autre part la dimension proprement créatrice de la réception. A l'opposé des arts poétiques classiques, le Symbolisme promeut en valeurs artistiques l'imprécision et l'indétermination, l'indéfini ou l'inachèvement. Il s'agit, par le poème, de délier les mots du sens uni-voque et conventionnel qu'ils revêtent dans le langage ordinaire de la communication. Il s'agit d'éveiller dans chaque terme une pluralité sémantique insoupçonnée : Suggérer au lieu de dire, écrit Alfred Jarry dans le «Linteau » des Minutes de sable mémorable ( 1894), - faire dans la route des phrases un carrefour de tous les mots. L'attention portée à la musicalité du poème, parce qu'elle sort les mots de la neutralité signifiante qui est la leur dans le langage de la communication, vient catalyser, en quelque sorte, la polysémie du poème. Mais celle-ci est chaque fois fonction de poétiques singulières, - et l'éventail est grand entre, par exemple, Mallarmé et Maeterlinck. Pour Mallarmé, l'écriture poétique est conçue de telle façon que les mots, traités comme les éléments d'une gamme sonore, tirent leurs sens, non de leur emploi dans le langage ordinaire, mais du « reflet » qu' ils reçoivent des autres mots auxquels ils sont liés dans la structure interne du vers et du poème : l'écriture mallarméenne travaille ainsi à saturer le sens jusqu'à rêver de faire du sonnet une sorte de « carré magique » où les mots s'engendreraient les uns les autres en faisant jaillir, de leurs multiples combinaisons, des émissions de sens inédites. Le «Mystère dans les Lettres» emprunte d'autres voies dans l'écriture théâtrale de Maeterlinck : il s'agit cette fois, à l'inverse, d'alléger le plus possible la parole, de manière à faire entendre en elle une autre parole, au-delà de ce qui est dit et représenté. La répétition des mots, dans le phrasé des personnages de Maeterlinck, est à cet égard particulièrement «parlante», et Mallarmé a bien relevé la sorte d'étrangeté qu'elle confère aux vocables les plus simples : Peut-être que si tacite atmosphère inspire à l'angoisse qu'en ressent l'auteur ce besoin de proférer deux fois les choses, pour une certitude qu'elles l'aient été et leur assurer, à défaut de tout, la conscience de l'écho {Crayonné au théâtre, «Planches et feuillets»). Dans «la conscience de l'écho», c'est l'inconscient de la parole qui affleure, mettant au jour, à travers les sous-entendus et les associations qui tissent les répliques des personnages, « les efforts insaisissables et incessants des âmes vers leur beauté et vers leur vérité », comme il est dit dans Le Trésor des humbles^. La polysémie constitutive du symbole est ainsi tout entière construite par certains modes d'écriture spécifiques ; mais elle est encore actualisée par le mode de lecture particulier que les textes symbolistes prévoient d'eux-mêmes. Une ouvre qui vise à la « suggestion » requiert de la part du lecteur une participation particulièrement active : il s'agit, pour celui-ci, de laisser retentir en lui-même l'image, de façon à compléter, par son imagination, ce que le texte a délibérément laissé inachevé, de façon à combler mentalement les vides, - afin de recréer en lui-même le déploiement inédit du sens que le symbole a tracé dans la langue. A propos d'Igitur, Mallarmé prévient que « ce conte s'adresse à l'Intelligence du lecteur, qui met les choses en scène, elle-même ». Cette sorte de délégation du sens de l'ouvre au lecteur est la conséquence de l'obscurité - si souvent moquée - des textes symbolistes : en déjouant la «vaine couche suffisante d'intelligibilité », écrit Mallarmé dans Le Mystère dans les Lettres, il s'agit de contraindre «le lisant à autant d'initiative que l'écrivain», écrit Jean Royère dans la Préface à Eurythmies (1904). De là, la double «modernité» des écritures symbolistes : au nom du symbole et de la suggestion, elles supposent d'une part une théorie du langage qui met en avant le glissement indéfini du signifié sous le signifiant, et d'autre part une pensée de l'ouvre qui rend l'ouvre solidaire de «l'ouverture» de sa réception. Dérive des signes : le «moment» Saint-Pol-Roux Le Symbolisme apparaît ainsi comme ce moment historique où un certain équilibre, précaire, s'instaure entre une métaphysique de la poésie, essentiellement idéaliste, et une pratique d'écriture qui prend en compte la matérialité du langage poétique, et qui, en « cédant l'initiative aux mots», finit en réalité par excéder sa propre théorie. Le déplacement progressif de cet équilibre, jusqu'à sa rupture, rend compte, nous semblet-il, du mouvement qui conduit du Symbolisme au Surréalisme. Un auteur, plus particulièrement, fait la transition : il s'agit de Saint-Pol-Roux, qui est à la fois l'un des fondateurs du Symbolisme, et un «précurseur» du Surréalisme, - puisque c'est à ce titre qu'il est salué par André Breton. Les liens de Saint-Pol-Roux avec le Symbolisme sont très profonds. Il est l'un des fondateurs en 1886 de la revue La Pléiade dont procédera Le Mercure de France. Sa théorie de « l'art magnifique » (1892) participe de l'idéalisme symboliste : elle proclame que « la forme est le rayonnement de l'essence », que « les Magnifiques» ont pour office «d'évoquer l'excellence captive au sein du Mystère », et que les « idées sont des enterrées-vives que l'Art révélera par évocation». Dans le «Liminaire» des Reposoirs de la procession (1893), il affirme que « le poète continue Dieu», et que «la poésie n'est que le renouveau de l'archaïque pensée divine». Quant au monde des choses, il lui semble «l'enseigne inadéquate du monde des idées » : [...] L'homme me paraît n'habiter qu'une féerie d'indices vagues, de légers prétextes, de provocations timides d'affinités lointaines, d'énigmes. Sa pensée se nourrit d'ésotérisme, et, en 1891, il est l'un des signataires du premier «Mandement de la Rose + Croix Esthétique », qui proclame, par la plume de Joséphin Péladan et sur une sonnerie de trompettes d'Erik Satie : Artiste, tu es prêtre : l' Art est le grand mystère et lorsque ton effort aboutit au chef-d'ouvre, un rayon divin descend comme sur un autel. Au tournant des années 1900, alors que Les Reposoirs de la procession essaiment en trois volumes -La Rose et les épines du chemin ( 1901 ), De la colombe au corbeau par le paon ( 1904), et Les Féeries intérieures (1907) -, ce que Saint-Pol-Roux nomme souvent « l'idéoréalisme » se traduit par la recherche d'une union toujours plus étroite entre l'idée et le réel le plus quotidien. Alors que les premiers poèmes, très caractéristiques de l'inspiration symboliste - tel le très beau texte intitulé La Magdeleine au parfum -, sont rejetés en arrière dans le recueil intitulé Anciennetés (1903), l'ouvre s'ouvre davantage à la vie et participe à ce grand élan vitaliste qui, au début du xxe siècle, cherche la sortie du Symbolisme. Mais c'est surtout par une certaine pratique des images poétiques que l'ouvre de Saint-Pol-Roux excède les théories symbolistes du symbole, et entre déjà dans le cercle du Surréalisme. L'invention verbale est poussée à un tel degré de virtuosité, qu'elle finit par valoir pour elle-même. Il ne s'agit plus tout à fait de suggérer un monde, d'évoquer quelque ordre secret de l'Univers, - mais d'imposer l'image comme «une création libre de l'esprit», sans autre motivation, en définitive, que sa propre « merveille » verbale : ainsi les alouettes apparaissent-elles comme des « coups de ciseaux qui gravissent l'air» ; les chauves-souris sont «les éteignoirs» des étoiles manipulés par des «bras maigres » ; l'onde est « l'argenterie des tiroirs du valIon », « la rosée des étoiles qui clignent » ou « la jouissance du soleil-en-roue-de-paon». Les images semblent procéder de l'association libre; et, avant les expériences surréalistes de l'écriture automatique, l'ouvre de Saint-Pol-Roux s'en remet aux puissances obscures du sommeil : L'inspiration, écrit Saint-Pol-Roux, m'apparaît comme une dictée intérieure - dictée soumise en vérité aux amendements et aux apports personnels du poète à la merci de l'heure, - et si absolue est quelquefois ma surprise de collaborateur effacé devant le mandataire responsable que tel poème mien me semble un emprunt (De la colombe au corbeau par le paoN). En 1936, lors du cinquantenaire du Symbolisme, Saint-Pol-Roux salue encore le «miracle de 1886», auquel il veut rester fidèle1. Mais les surréalistes l'ont déjà fait l'un des leurs : André Breton lui dédie Clair de terre (1923) ; un hommage lui est rendu dans Les Nouvelles littéraires du 9 mai 1925 ; et les définitions de l'image surréaliste se souviennent de sa propre pratique poétique. Entre le moment du Symbolisme et celui du Surréalisme, en passant aussi par le relais d'Apollinaire, la dérive des signes s'est accentuée ; le « mystère » a fait place à la « merveille » ; un autre équilibre s'est instauré entre les mots, le monde, et le moi. |
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