Essais littéraire |
Les chroniqueurs bourguignons du XV siècle Le succès immense des Chroniques de Froissart leur a valu de trouver des émules, surtout bourguignons. Une version remaniée et modernisée du Livre I verra même le jour à la cour de Philippe le Bon près de cinquante ans après sa mort. Peut-être les amitiés anglaises de Froissart l'ont-elles fait particulièrement apprécier du parti bourguignon, bien que sa gloire ait vite été universelle. Peut-être le rêve chevaleresque qu'affectait d'entretenir la cour de Bourgogne trouvait-il dans son ouvre un aliment séduisant. Enguerrand de Monstrelct (t 1453), un familier du comte de Saint-Pol, originaire de Cambrai, dont la chronique couvre en deux livres la période 1400-1444, se veut explicitement son continuateur : Et commencera cette présente chronique au jour de Pâques communiaux l'an de grâce 1400, auquel an finit le dernier volume de ce que lit et composa en son temps ce prudent et très renommé historien, maître Jean Froissait, natif de Valencicnncs, en Hainaut, duquel, par ses nobles ouvres, la renommée durera par longtemps. La chronique de Monstrelet est poursuivie pour les années 1444 à 1461 par celle de Mathieu d'Escouchy (1420-1482). Elle est utilisée par Jean Lefèvre de Saint-Rémy et par Georges Chastellain. Le premier (ca 1396-1468) fut à partir de 1431, sous le nom de Toison d'Or, roi d'armes de l'ordre créé en 1429 par Philippe le Bon, dont il était un proche conseiller. A ce double titre, il fut chargé de nombreuses missions diplomatiques et protocolaires. A côté de plusieurs traités d'héraldique (Traité des hérauts d'armes, Traité des brisureS), il a laissé une chronique très inspirée de celle de Monstrelct, d'un esprit bourguignon très partisan, qui couvre les années 1408-1436 et mérite plus que celle de Froissart les reproches traditionnellement adressés à ce dernier. Georges Chastellain (1415-1475), lui aussi Flamand, lui aussi officier de la cour de Bourgogne, écrivain fécond et très renommé en son temps, est d'une tout autre envergure. Historiographe officiel du duc de Bourgogne à partir de 1455, il écrit une longue Chronique, dont il ne nous reste que le dernier tiers, correspondant à la période 1419 (assassinat de Jean sans PeuR)-1475. Favorable, bien entendu, à la Bourgogne mais protestant de sa fidélité à la couronne de France et de plus en plus sévère pour Charles le Téméraire, il est sensible aux fastes et à l'idéal chevaleresques sans être dupe de leur vanité ni aveugle sur les réalités moins glorieuses. Il est d'ailleurs l'auteur de plusieurs traités et poèmes politiques. Chastellain, que nous avons déjà mentionné comme poète, écrit dans une prose emphatique et déclamatoire, soucieuse de rythme et de périodes, riche en discours et en portraits, caractéristique en un mot de l'art des rhétoriqueurs. Un autre rhétoriqueur, son disciple Jean Molinct, lui succède comme chroniqueur officiel de la cour de Bourgogne. Il couvre les années 1474-1506. Olivier de La Marche, enfin (1425 ou 1420-1502), soldat, homme de cour et diplomate, occupe de très hautes fonctions auprès des ducs de Bourgogne auxquels il voue une fidélité et un dévouement absolus, bien que lucides, et qui le chargent volontiers des missions de confiance les plus délicates. Il a laissé des poèmes, des traités relatifs à la vie de cour et aux fêtes qu'il était chargé d'organiser, mais surtout une Chronique écrite à l'intention de son élève, l'archiduc Philippe le Beau, qui va de 1435 à 1488 et est particulièrement remarquable par l'abondance et l'enthousiasme avec lesquels elle relate les manifestations de la vie chevaleresque. Elle paraît à cet égard, comme celle du héraut Toison d'Or, une sorte de caricature des Chroniques de Froissait, une imitation outrée, plus marquée par l'admiration que par le discernement. Elle est à cet égard caractéristique de l'éclat flamboyant et nostalgique du rêve bourguignon que son auteur a vécu et dont il a vu l'écroulement. Philippe de Commynes C'est dans une perspective toute différente que se situent les Mémoires de Philippe de Commynes. Né en 1447, écuyer du comte de Charolais, le futur duc de Bourgogne Charles le Téméraire, en 1464, il est secrètement acheté par Louis XI lors de l'entrevue de Péronnc en 1468. Après avoir continué à remplir des missions de confiance pour le duc Charles pendant quelques années, il l'abandonne et gagne le camp français dans la nuit du 7 au 8 août 1472. Comblé de faveurs par Louis XI, qui lui octroie une pension de six mille livres tournois, les titres de chambellan et de conseiller, lui donne la principauté de Talmont, lui ménage un mariage avantageux, il joue auprès du roi un rôle politique de premier plan jusqu'en 1477. Il tombe alors dans une demi-disgrâce dont il ne sortira plus malgré quelques missions en Bourgogne et auprès de Laurent de Médicis, dont il se fait à la cour le soutien intéressé. Sa situation devient pire encore après la mort de Louis XI en 1483, sous la régence d'Anne de Beaujeu. Mêlé à divers complots, il est dépossédé de sa principauté de Talmont, emprisonné (janvier 1487), condamné en mars 1489 à l'exil et à la confiscation d'un quart de ses biens. Durant l'expédition d'Italie de 1494-1495, il est chargé auprès des villes italiennes de missions diplomatiques dont le mauvais succès entraîne sa disgrâce définitive. Malgré ses efforts, il ne reviendra plus aux affaires jusqu'à sa mort en 1511. Les huit livres de ses Mémoires, entrepris à la demande de l'archevêque de Vienne, Angelo Cato, ont été composés pour l'essentiel en 1489-1490, et complétés entre 1493 et 1498. C'est l'ouvrage d'un témoin, soucieux de démêler les causes profondes des événements auxquels il a été mêlé. C'est aussi, de façon dissimulée, le plaidoyer pro domo d'un homme marqué par la trahison. C'est enfin une sorte de traité de gouvernement à l'usage des princes, à travers la leçon des faits, les portraits des souverains, les caractères des peuples, la nature des différents systèmes politiques, le destin des princes et des Etats. A l'inverse des chroniqueurs bourguignons, Commynes ne se laisse pas fasciner par l'éclat extérieur. Son premier souci est de n'être pas dupe. Il dédaigne ce qui est superficiel et anecdotique, démasque les apparences, détruit les illusions, cherche les causes secrètes et profondes. Le prince idéal à ses yeux, dont Louis XI est à quelques faiblesses près le modèle, tandis que Charles le Téméraire fait figure de repoussoir, ne se laisse pas dominer par ses passions. Il calcule sans cesse, s'entoure de bons conseillers et les écoute, tout en se réservant toujours la décision. Il cherche à l'emporter par la négociation, la ruse, la mauvaise foi s'il le faut, et ne se résout à la guerre que lorsqu'il ne peut l'éviter et qu'il est sûr d'être le plus fort. Il sait frapper fort, mais évite toute cruauté inutile qui éveillerait des ressentiments. En un mot, une position proche de celle de Machiavel, mais tempérée par le souci de discerner la main de Dieu qui punit les excès de l'orgueil et de la violence. Le style de Commynes est à l'image de son caractère : sec, sans souci de l'élégance, parfois embarrassé, mais relevé de formules assassines. Commynes est le fossoyeur des idéaux et des illusions chevaleresques. Selon la formule de Jean Dufournet, ses mémoires sont une entreprise de « destruction des mythes ». Les « journaux » Tous les témoignages personnels sur cette époque n'ont pas autant d'ambition ni de recul. Mais il est intéressant, précisément, d'en voir apparaître qui ne prétendent, en principe du moins, à aucune mise en forme littéraire. Dès la fin du XIV siècle, l'évêque Jean Le Fcvrc, chancelier du duc Louis Ier d'Anjou, tient un journal qui a retenu l'attention des historiens, en particulier pour ce qu'il dit des événements du Grand Schisme. Entre 1405 et 1449, le Journal d'un bourgeois de Paris (le chanoine Jean Chuffart ?) offre, dans un style alerte et efficace, d'où le souci littéraire n'est pas absent, une mine de renseignements sur la vie quotidienne et les opinions moyennes dans la capitale à la fin de la guerre de Cent ans. Il parle pêle-mêle du temps qu'il fait, de la qualité du vin de l'année, du prix des denrées, des grands événements, des rumeurs, du spectacle de la rue - entrées royales, émeutes, exécutions capitales. Les « journaux » tenus en marge de leurs registres par des greffiers du Parlement de Paris, Nicolas de Baye pour les années 1400 à 1417, Clément de Fauquembergue de 1417 à 1435 n'ont ni cette verve ni celte richesse et se bornent à signaler des événements publics. Toutefois, le véritable intérêt au regard de la littérature de tous ces ouvrages à caractère historique est peut-être moins dans leur contenu que dans leurs marges. Il est dans la conscience nouvelle de soi et de son ouvre qui est celle du chroniqueur ou du mémorialiste. Il est pour une part dans l'envahissement des diverses formes littéraires par l'actualité et par des préoccupa-dons politiques au sens large, conséquence de l'importance croissante que revêt l'écriture de l'histoire du temps présent. Il est aussi, on le verra plus loin, dans la relation, mentionnée à propos de Froissart, entre récriture de l'histoire et celle de la fiction romanesque. Certaines compilations à caractère encyclopédique d'origine bourguignonne hésitent, selon les critères qui sont aujourd'hui les nôtres, entre les deux domaines. La Fleur des histoires de Jean Marne! (1401-1474) relève plutôt du domaine de l'histoire à coloration religieuse. C'est une compilation d'histoire universelle dans une perspective qui est celle de l'histoire de l'Eglise : le prologue montre le Christ s'appretant à aller attaquer le péché, entouré de l'armée des patriarches, des prophètes, des apôtres, des saints et des anges. L'histoire sainte, celle de l'Antiquité, celle des papes, celle de France jusqu'au règne de Charles VI, puis de Charles VTI dans la dernière version de l'ouvrage, sont enrichies d'exemples, d'anecdotes, mais aussi de récits romanesques empruntés à des sources diverses. Les Chroniques et conquêtes de Charlemagne de David Aubert sont une compilation de la matière épique qui se veut un ouvrage historique. L'effort didactique La réflexion politique La nouvelle catégorie d'écrivains constituée par des serviteurs du prince et de l'Etat ne manifeste pas seulement son intérêt pour la chose publique en relatant l'histoire de son temps. Elle le fait aussi de façon plus directe et plus nouvelle en se livrant à une réflexion politique et morale, souvent enrobée sous les formes de la littérature. Cette ambition est particulièrement sensible à la cour de France parmi les conseillers de Charles V, puis du jeune Charles VI. Charles V, porté, semble-t-il, sur ces questions par goût et par tempérament, est également amené à s'y intéresser par les circonstances mêmes de son règne. La querelle dynastique franco-anglaise, le besoin d'affirmer en droit la légitimité du pouvoir royal sur les provinces reconquises, les conflits toujours latents d'autorité et de compétence avec la papauté d'Avignon, plus tard les problèmes posés par le retour du siège pontifical à Rome et par le schisme : tout cela invitait à une réflexion juridique et politique. Le Songe du Vergier est très caractéristique de ces préoccupations comme de ce genre de littérature. Dans le cadre conventionnel du songe, c'est un long dialogue en prose sur les rapports de la puissance ecclésiastique et de la puissance séculière, et plus particulièrement sur les pouvoirs du pape et du roi de France, défendus respectivement par un clerc et un chevalier. L'ouvrage, écrit immédiatement après les trêves de Bruges de 1375, qui consacrent les résultats de la reconquête de la France par Charles V, aborde de nombreux sujets d'actualité : la question bretonne, la question anglaise, celle du retour du pape à Rome, celle de la succession des femmes, celle de la souveraineté du roi de France, qui fondait juridiquement la position de Charles V dans les négociations de Bruges. Mais, utilisant et compilant des sources nombreuses, il traite aussi de questions plus générales : la tyrannie, le bon gouvernement, l'éducation des princes, le choix de leurs conseillers, les impôts, les guerres, les duels, l'usure et la situation des Juifs, etc. Les conditions dans lesquelles l'ouvrage a été composé comme son attribution la plus vraisemblable sont également significatives. Il en existe une rédaction latine, achevée le 16 mai 1376 et une version française de très peu postérieure, puisque Charles V y a porté de sa main la date de 1378. L'Expli-cit du texte latin précise que c'est le roi lui-même qui, le 16 mai 1374, a appelé l'auteur à certaines fonctions officielles en liaison, semble-t-il, avec la commande qu'il lui avait faite de l'ouvrage, qui est donc en lui-même une sorte d'acte politique émanant de la volonté royale et reflétant la position du souverain. Cet auteur, selon Marion Schnerb-Lièvre, pourrait être un juriste, conseiller de Charles V, Evrard de Trémaugon, frère d'un capitaine de Du Guesclin, docteur en droit civil et canon, professeur à la Faculté de Décret (de DroiT) de Paris, puis éveque de Dol. Un autre proche conseiller de Charles V, Philippe de Mézières (1327-1405), qui avait été auparavant le chancelier du roi de Chypre Pierre Ier de Lusignan, écrit en 1389 à l'usage de Charles VI, dont il avait été le précepteur, le Songe du Vieux Pèlerin, ouvrage de bonne policie, dont l'enseignement est à la fois religieux et politique. Il s'agit de préparer l'âme à la conquête du Royaume de Dieu, représenté, pour l'ancien chancelier de Chypre, par le passage d'outremer et la croisade. Guidée par l'auteur sous le nom d'Ardent Désir, la reine Vérité, entourée de Justice, Paix et Miséricorde, parcourt l'Orient et l'Occident en jugeant les mours et les institutions. A la fin, elle arrive en France où elle passe en revue les divers états de la société, jusqu'au roi. Des réformes sont proposées, et la dernière partie de l'ouvrage est un véritable manuel de gouvernement. De façon moins directe et plus spéculative, le grand Nicole Oresme, traducteur d'Aristotc en français, dont le Songe du Vergier utilise le Livre de divinations, propose, à travers Aristote, une éthique de l'Etat et réfléchit sur les conséquences perverses de la sophistication des monnaies dans son Traité des monnaies (De monetA). D'autres ouvrages revêtent une forme plus littéraire, parfois plus proche de l'éloquence politique qui connaît un certain essor depuis le milieu du XIV siècle et semble vouloir renouer avec la tradition antique, sans pouvoir, bien entendu, lui être comparée : en 1407, le docteur de Sorbonne Jean Petit prononce devant le roi une harangue restée tristement célèbre où, grâce à l'extension sophistique d'une justification du tyrannicide, il justifie l'assassinat de Louis d'Orléans à l'instigation de Jean sans Peur. L'ouvrage le plus illustre dans le domaine de la prose oratoire à contenu politique où les personnifications ne sont plus que les servantes de la prosopopéc est le Quadrilogue invectif d'Alain Charrier, secrétaire de Charles VI, puis du dauphin (Charles VII), et dont on a dit déjà l'influence comme poète. Composé en 1422, après le traité de Troyes, à l'époque la plus sombre pour le royaume, le Quadrilogue invectif montre la France en habits de deuil se plaindre de ses enfants. Ceux-ci, représentés par les trois états, prennent la parole tour à tour. Le Peuple crie sa misère et son désespoir, le Chevalier son amertume, tandis que le Clergé formule les conditions d'un redressement national. L'intérêt pour les questions politiques et pour les considérations morales qui s'y rattachent est particulièrement présent dans l'ouvre de Christine de Pizan. En 1404, elle écrit un Livre des faits et bonnes mours du roi Charles V en se fondant, entre autres sources, sur des documents fournis par le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, frère du roi défunt. Le portrait qu'elle trace de lui se ressent de cette inspiration. Consciemment ou non, Christine mettait sa plume au service des « beaux oncles » de Charles VI, qui n'étaient guère fidèles en réalité, c'est le moins qu'on puisse dire, à la ligne politique de Charles V et qui s'étaient empressés dès 1392, quand le jeune roi avait été frappé de folie, d'écarter les vieux conseillers de son père dont il s'était jusque-là entouré. Mais en octobre 1405 c'est par le truchement de Louis d'Orléans qu'elle entend faire parvenir une Lettre à Isabeau de Bavière, où elle supplie la reine de rétablir la paix. En 1410, la Lamentation sur les maux de la guerre civile, adressée aux princes, déplore les maux provoqués par la lutte entre le parti armagnac et le parti bourguignon. Dédié au dauphin Louis de Guyenne, le Livre de la paix, commencé en septembre 1412 après la paix d'Auxcrre, interrompu fin novembre « pour cause de matière de paix deflaillie », repris et achevé à la fin de 1413 après la paix de Pontoise, réunit des conseils de bon gouvernement à l'usage du prince. Et la dernière ouvre connue de Christine est, en 1429, un Ditié de Jehanne d'Arc. Enfin, les considérations à caractère politique ne manquent ni dans VEpître d'Othéa (vers 1400) ni dans la Cité des Dames (début 1405) ni, en liaison avec une revue des états du monde, dans le Livre des trois vertus ou Trésor de la Cité des Dames (1405) et le Livre du corps de policie, achevé en novembre 1407, ouvrages que l'on retrouvera plus loin. D'autre part, les préoccupations et les thèmes politiques investissent curieusement à cette époque une forme littéraire que rien ne semblait destiner à les accueillir, la pastorale. Dans la première moitié du XIV"' siècle, un court poème de Philippe de Vitry, le Dit de Franc-Gontier, dont se moquera Villon, avait célébré la vie rustique, rompant ainsi avec le regard méprisant ou narquois que la pastourelle jetait sur elle. Cette inversion des valeurs, également sensible, par exemple, dans le Dit de la pastoure de Christine de Pizan, marque le passage de la pastourelle à la pastorale. Mais voilà que dans le même temps les bergeries deviennent le masque d'une propagande politique. Froissait compose quelques pastourelles où les bergers oublient leurs amours pour commenter l'actualité. Le Pastorakt (entre 1422 et 1425), qui relate sous le couvert de la pastorale les événements du règne de Charles VI, est un violent pamphlet bourguignon. Enfin, la poésie des choses de la vie, définie au chapitre précédent, devient naturellement une poésie de l'actualité : Machaut peint les malheurs du temps, Deschamps pleure la mort de Du Guesclin. La prison, dont la guerre rend la menace constante, devient, on l'a vu plus haut, un thème poétique important. En prose, Christine de Pizan écrit entre le 15 juin 1416 et le 20 janvier 1418 l'Epistre de la prison de vie humaine pour consoler les dames de France qui pleurent un être cher tué ou fait prisonnier à la guerre, en particulier lors du désastre d'Azincourt (25 octobre 1415). Cette coloration sérieuse de la littérature, cette sagesse des lettres, se manifeste, hors du domaine politique qui n'en est qu'un cas particulier, surtout remarquable par sa relative nouveauté, à travers l'abondance des ouvrages didactiques en français. Ouvrages d'édification et de spiritualité, bien sûr, comme il y en a eu tant tout au long du Moyen Age, mais aussi ouvrages de réflexion morale et sociale, traités d'éducation, traités scientifiques ou techniques. Edification et spiritualité La littérature religieuse en français à la fin du Moyen Age est d'une extrême abondance. Mais, lourdement et presque exclusivement moralisante, assez peu intéressée par la spéculation théologique et, malgré l'usage qu'elle fait du terme de contemplation, par l'expérience spirituelle, elle ne connaît presque rien de comparable à la floraison d'écrits mystiques qui illustrent à partir de la fin du XIIIe siècle les littératures germaniques. Cela est vrai même si quelques notables exceptions obligent à nuancer ce jugement, même si l'Horloge de Sapience (1389) et le Livre du Trésor de Sapienee, traductions l'une complète, l'autre partielle de l'Orologium Sapientiae du dominicain de Constance Henri Suso (ca 1296-1366), disciple de maître Eckhart, sont la marque d'un intérêt pour la mystique rhénane et si l'influence de ces deux ouvrages se retrouve chez certains auteurs, dont Gerson. Aussi bien, ce succès n'est pas en lui-même très significatif, puisque VOrologium Sapientiae a été traduit dans la plupart des langues d'Europe. Une exception, Marguerite Porete, au seuil de la période qui nous intéresse, en est une par son destin tragique, mais aussi parce qu'elle est la seule représentante en français d'une mystique féminine dont les attaches sont flamandes ou allemandes. Originaire elle-même de Flandre, cette béguine voit son ouvrage, le Miroir des simples âmes anéanties, condamné à Valcnciennes vers 1300. Pour avoir continué à le diffuser, elle meurt à Paris sur le bûcher le 1" juin 1310. A Eglise la Petite, qui est l'Eglise officielle, celle de l'institution, celle de la hiérarchie, celle du pouvoir, celle aussi du plus grand nombre, le Miroir des simples âmes oppose Eglise la Grande, qui lui est supérieure et où se retrouvent les quelques âmes capables d'assez de dépouillement, d'abandon et d'amour pour s'unir directement à Dieu. L'ouvrage évoque cette union et décrit les degrés qui y mènent en termes saisissants, parfois brûlants. Dans cette volonté de se situer par rapport à l'Eglise, dans ce mélange de classifications minutieuses - présentes, il est vrai, dans toute la littérature spirituelle du temps - et d'effusions d'amour mystique, quelque chose rappelle la tournure d'esprit de cet autre marginal, au destin moins tragique, qu'est Raymond Lulle, dont le Livre d'Evast et de Blaqueme, où se trouve inséré le traité mystique du Livre de l'ami et de l'aimé, avait été traduit du catalan en français peu de temps auparavant. Mais, encore une fois, la littérature religieuse en français ne puise guère à cette inspiration proprement mystique. Sous ses diverses formes - élucidations du dogme à l'intention des fidèles, manuels de confession, « arts de mourir », méditations sur la vie et la Passion du Christ, prières, hagiographie, prédication elle délivre un enseignement fondé sur la crainte de la damnation plus que sur l'amour, sur le souci de la perfection individuelle plus que sur celui de la communion ecclésiale, sur l'arithmétique des péchés et des mérites plus que sur l'élan spirituel. Privilégiant le modèle monastique, elle s'interroge rarement sur ce que pourrait être une spiritualité propre aux laïcs, adaptée à la vie dans le monde, à la portée des « simples gens », eux que l'on juge incapables d'accéder à la « prière de cour » et dont on n'exige que la « prière de bouche » ; en un mot, sur ce qu'elle pourrait être elle-même dans sa spécificité. Bien entendu, de telles considérations sont trop générales pour s'adapter sans corrections ni nuances à des textes aussi nombreux, aussi variés, et de surcroît parfois mal connus encore. Il suffit d'ailleurs, pour que des rectifications paraissent nécessaires, de se tourner vers l'ouvre des grandes figures qui dominent cette littérature. La plus remarquable est celle de Jean Gerson (1363-1429). De famille modeste, Jean Charlier dit Jean Gerson du nom du village des Ardennes où il est né, fait ses études à Paris au fameux Collège de Navarre, dont on reparlera à la fin de ce chapitre. Licencié en théologie en 1392, maître régent sans doute dès l'année suivante, il succède en 1396 à Pierre d'Ailly comme chancelier de l'Université de Paris. Personnalité particulièrement respectée, il joue un rôle important dans les négociations qui visent à mettre fin au schisme et prend une part active, de 1415 à 1418, au concile de Constance qui y parvient enfin. Hostile au parti bourguignon, il ne peut rentrer à Paris et se retire en 1419 auprès d'un de ses frères à Lyon où il passe les dix dernières années de sa vie et d'où il a le temps de saluer, deux mois avant de mourir, l'intervention de Jeanne d'Arc. D a laissé une ouvre théologique et spirituelle importante en latin, mais aussi en français, langue dans laquelle il écrit La Montagne de contemplation, La Mendicité spirituelle, La Médecine de l'âme, L'ABC des simples gens et de très nombreux sermons. Prédicateur de la cour comme des « simples gens », il cultive un style oratoire à la fois travaillé et simple, ample et vivant. Dans ses sermons comme dans ses ouvrages de spiritualité, il cherche à donner une représentation imagée et frappante de la vie intérieure en recourant aux exempla et aux figurations allégoriques. On a déjà signalé enfin sa participation à la querelle du Roman de la Rose du côté des adversaires de Jean de Meun, dont il condamne l'immoralité. Si attentif que soit Gerson à la vie des laïcs dans la foi, il ne cherche pas à leur ouvrir les secrets de la théologie. Quant à la contemplation dont il les invite à gravir la « montagne », si elle n'a rien d'une union extatique à Dieu, elle ne fait pas non plus appel à la raison mais désigne « la réponse sensible de la grâce à la ferveur de la dévotion » (Geneviève HasenohR). En revanche, Robert Ciboule (ca 1403-1458), universitaire parisien lui aussi, recteur de l'Université, chancelier de Notre-Dame, proviseur enfin du collège d'Harcourt, est plus audacieux dans son Livre de sainte méditation en connaissance de soi. Cet ouvrage est peut-être en son temps le seul à proposer en français un exposé méthodique de théologie tournée vers l'expérience spirituelle. Il invite le lecteur à parvenir à une contemplation intellectuelle en passant, par les étapes de la méditation, de l'imagination à l'intelligence. Dans un domaine différent, et comme l'exemple de Gerson le montre, la prédication en français, ou, pour parler plus justement, la conservation des sermons en français, dans la langue où ils ont été prêches, devient habituelle. A côté de leurs sermons en latin, on possède ainsi l'ouvre homilétique française de prédicateurs réputés, comme le maître parisien Jean Courtecuissc (t 1423) ou le franciscain Olivier Maillard {ca 1430-1502), confesseur de Charles VIII, à l'éloquence fougueuse et familière, à la limite parfois de la vulgarité. Il faut enfin signaler ici, parce qu'ils nous rapprochent des milieux littéraires et des milieux de cour, que plusieurs princes ou grands personnages ont, au XIV et au XV" siècle, composé des ouvrages d'édification. Le duc Henri de Lancastre (1310-1361) écrit en 1354 son beau Livre des Saintes Médecines, sorte de retour sur sa vie et d'examen de conscience, suivi de l'exposé sous forme d'allégories d'un traitement propre à guérir l'homme pécheur. Le comte de Foix et de Béarn Gaston Phébus (f 1391), l'hôte de Froissait, a laissé, à côté de son célèbre Livre de la Chasse, un Livre des Oraisons. Le roi René d'Anjou (1409-1480) ne s'est pas seulement intéressé aux tournois et aux tourments du Cour d'Amour épris ; il a aussi montré la conversion à Dieu de l'âme repentante dans le Mortifiement de vaine plaisance. Ces deux derniers ouvrages ne sont en eux-mêmes des monuments essentiels ni pour l'histoire de la spiritualité ni pour celle de la littérature. Mais ils montrent l'importance qu'un prince qui se piquait de lettres accordait à la littérature religieuse, qui constituait au demeurant une part importante de sa bibliothèque. Les mours et l'éducation Une partie importante de l'ouvre de Christine de Pizan, la plus originale sans doute, s'inscrit dans le cadre d'un effort didactique répondant aux préoccupations propres à cet auteur, celles qui sont déterminées par sa condition et par son sexe. L'ouvrage essentiel dans cette perspective est le Livre de la Cité des Dames, écrit pour la défense et le réconfort des femmes entre décembre 1404 et avril 1405. Dans ce livre, qui s'inspire essentiellement du De claris mulieribus de Boccace, Christine raconte comment, un jour que pour se délasser de ses études elle avait lu le pamphlet misogyne de Matheolus et qu'elle se désolait d'être née femme, puisque les femmes sont ainsi calomniées, Raison, Justice et Droiture lui sont apparues pour lui demander de les aider à bâtir une cité où les dames privées de protection pourraient trouver refuge. Dans le corps du traité, les trois personnifications démentent les faiblesses physiques, intellectuelles et morales qu'on prête généralement aux femmes en invoquant les exemples de femmes qui se sont illustrées dans tous les domaines, exemples qu'elles énumèrent et développent à tour de rôle. Est-il besoin de souligner l'importance de cet ouvrage pour l'histoire des mentalités et des mours ? Comme souvent, Christine part de sa situation et de son expérience particulières de femme ayant bénéficié d'une formation intellectuelle, exerçant une responsabilité - celle de chef de famille - et une activité - celle d'écrivain - généralement réservées aux hommes pour leur donner une portée générale. C'est déjà le souci de défendre les femmes, calomniées, selon elle, par Jean de Meun, qui avait déterminé, à partir de l'Epistre au dieu d'Amours (1399), sa position dans la querelle du Roman de la Rose. Ecrit entre le printemps et l'automne 1405, immédiatement à la suite de la Cité des Dames, le Livre des trois vertus ou Trésor de la Cité des Dames indique aux femmes leurs devoirs selon leur état, de la princesse à la paysanne. C'est une sorte de revue des états du monde féminin. Le Livre du corps de policie, achevé en 1407, lui fait pendant. Il compile des exemples empruntés à l'Antiquité pour en tirer des préceptes moraux adressés aux divers états de la société, mais cette fois aux hommes : princes, chevaliers, clercs, marchands, paysans, etc. Ces traités où se combinent des préoccupations sociales, morales et religieuses et où l'Antiquité est exploitée avec complaisance sont à ces divers titres caractéristiques de l'esprit du temps que Christine est toujours habile à saisir en y imprimant la marque de la perspective féminine qu'elle revendique. Un peu plus tôt, ses deux grands poèmes didactiques et YEpître d'Othea s'engageaient déjà dans cette voie sans être encore aussi attentifs aux « faits de société » et sans que le point de vue féminin se soit encore vraiment transformé en revendication féminine. On a présenté plus haut (p. 286) Le Livre du Chemin de longue étude et Le Livre de la mutation de Fortune. Dans YEpître d'Othea, écrite vers 1400, on voit la déesse de Prudence donner à Hector de Troie toute une série de conseils assortis de cent exemples mythologiques ou antiques, dont le récit est en vers, mais l'interprétation et le commentaire en prose. Enseignements de l'histoire, de l'actualité, de la société : l'ouvre de Christine est presque tout entière marquée par la moralisation. Cette inspiration court à travers la poésie du temps, du Bréviaire des nobles d'Alain Chartier au Psautier des vilains de Michault Taillevent. Elle est particulièrement présente dans l'ouvre des rhétoriqueurs. Aux marges de la littérature, ce souci didactique se manifeste à partir du XIVe siècle à travers l'apparition de véritables ouvrages d'éducation en langue vulgaire, comme Raymond Lulle en avait composé dès la fin du siècle précédent : Doctrine d'enfant, qui répond exactement à cette définition, mais aussi Félix ou les merveilles, et le Livre d'Evast et de Blaquerne, déjà mentionné, à la fois Bil-dungsroman, revue des états religieux du monde et utopie d'une réforme de l'Eglise ; tous ces ouvrages ont été écrits en catalan, mais le premier et le troisième ont été très vite traduits en français. Le chevalier angevin Geoffroy de La Tour Landry (ca 1330 - ca 1405) compose un Livre pour l'enseignement de ses filles. qui est à la fois un livre de souvenirs et un recueil d'anecdotes et A'exempta d'origines diverses. Vers 1393, un bourgeois de Paris, riche et vieillissant, écrit pour sa très jeune épouse le Mesnagier de Paris, qui mêle l'instruction religieuse, les conseils d'économie ménagère et les recettes de cuisine. Ouvrages scientifiques et techniques La littérature scientifique et technique en français devient abondante à la fin du Moyen Age. Certains ouvrages sont désormais écrits directement dans cette langue, et surtout les traductions du latin se font très nombreuses, presque systématiques. D'autre part, elle ne produit plus guère de ces grandes sommes encyclopédiques du savoir qui avaient fleuri au XIIIe siècle. Les ouvrages scientifiques ou qui exposent un savoir pratique se multiplient même en langue vulgaire : traités d'astronomie ou d'astrologie, de médecine ; livres de chasse, dont les plus célèbres sont, à la fin du XIVe siècle, celui de Gaston Phébus, l'hôte de Froissait, le Roman des déduits de Gace de La Buignc, le Livre du Roy Modus et de la Royne Ratio, où l'enseignement de l'art de la chasse se double d'une moralisation ; traités sur l'art de la guerre. Parmi ces derniers, certains n'ont pour objet que les techniques liées à l'évolution de l'art militaire (Art d'archerie, Art d'artilleriE) ou la codification des joutes et des tournois (Demandes pour les joutes, les tournois et la guerre de Geoffroy de Charny, Livre des tournois du roi René d'AnjoU), mais d'autres proposent une réflexion sur les règles de la guerre et sur les relations de la force et du droit. Si Geoffroy de Charny, mort à la bataille de Poitiers en 1356 alors qu'il portait l'oriflamme de France, tente seulement, dans son Livre de chevalerie, de maintenir les règles chevaleresques menacées par la guerre moderne, sans se soucier des conséquences de la guerre sur les civils, l'Arbre des batailles d'Honoré Bovet, prieur de Salon, a, dans les dernières années du XIVe siècle, une tout autre portée. C'est un véritable traité de droit public portant sur le droit de la guerre, particulièrement soucieux de la protection des non-combattants et de leurs biens (gens d'Eglise, étudiants, marchands et surtout paysanS), auquel les exactions des grandes compagnies donnaient une actualité particulière. Si l'efficacité pratique de l'ouvrage fut sans doute nulle, son succès fut immense : on le trouve invoqué au XVe siècle dans des négociations et dans des traités de paix comme on invoquerait aujourd'hui les conventions de Genève, et Christine de Pizan le pille, ainsi que la traduction française de Végèce, dans son Livre des faits d'armes et de chevalerie de 1410. Le Jouvencel (1461-1466) de l'amiral de France Jean de Bueil, à travers le récit à demi autobiographique de la carrière d'un jeune homme pauvre à la fin de la guerre de Cent ans, se veut un traité d'éducation militaire. Du clerc à l'humaniste A côté de cet effort didactique, dont les quelques exemples cités ne donnent qu'une faible idée, une mutation plus profonde se profile, touchant peut-être la conception même de la vie intellectuelle et du savoir. D'Italie commence à souffler au XIV siècle un esprit nouveau : Pétrarque cherche, au-delà de la formalisation scolas-tique, à rendre à l'Antiquité son vrai visage. En France même l'effort soutenu de traduction du latin, qui va sans cesse s'amplifiant, ne se limite pas aux ouvres religieuses, historiques, encyclopédiques ou scientifiques modernes, mais s'étend aux auteurs antiques : au tournant du XV siècle, Laurent de Premierfait traduit à la fois Boc-cace et le De senectute. de Cicéron, témoignant de l'intérêt conjoint pour l'Italie et pour les lettres antiques. Mais Tite-Livc a été traduit par Pierre Bersuire dès le règne de Jean le Bon et son successeur Charles V, qui enrichit sa bibliothèque de très nombreuses traductions, confie celles de la Politique, de l'Economique et de Y Ethique d'Aristote à Nicolas Oresme (ca 1322-1382). Grand maître du collège de Navarre, puis doyen du chapitre de Rouen, avant de devenir évêque de Lisieux, Oresme laisse, en latin et en français, une ouvre d'une importance considérable à travers laquelle il apparaît en particulier comme un mathématicien de premier ordre et un esprit positif. Soucieux, à l'image de son maître Charles V, du renouveau matériel et moral de la nation, il dénonce dans le Traité de la divination le danger de l'occultisme et de la fausse science astrologique qui propagent sans raison rumeurs et paniques et il souligne dans le Traité des monnaies le danger du jeu imprudent sur les valeurs monétaires. Dans le Traité de l'espère, sorte d'introduction à sa traduction du Livre du ciel et du monde d'Aristote, il montre avant Copernic la possibilité du mouvement terrestre, mais se rallie finalement à la position traditionnelle. Quelques années plus tard, autour du collège de Navarre, un groupe de beaux esprits - Nicolas de Clamanges, Gontier et Pierre Col, Jean de Montreuil - est en relation avec l'Italie, correspond avec l'humaniste florentin Coluccio Salutati, cherche à retrouver la pureté du latin antique et l'élégance cpistolaire classique, sans mépriser pour autant d'écrire en français, sans se désintéresser non plus des difficultés de leur temps : dans les premières années du XV siècle, Jean de Montreuil défend contre les Anglais les droits du roi de France dans des libelles en latin et en français. Comme les frères Col, il prend dans la querelle du Roman de la Rose la défense de Jean de Mcun attaqué au nom de la morale par Gerson et au nom de l'honneur des femmes par Christine de Pizan. Ces préhumanistes n'exercent pas sur le moment même une influence décisive. Il faudra attendre les années 1450-1470 pour voir Guillaume Fichet, qui installe la première presse d'imprimerie à l'Université de Paris, réclamer, contre les exercices scolastiques, le retour à l'éloquence antique. Mais dès le début du siècle on devine que la grande synthèse du savoir élaborée au XIIIe siècle vacille et qu'est près d'apparaître un intellectuel d'un type nouveau, différent du clerc défini indissociablcment par ce seul mot comme homme d'Eglise et homme de savoir, plus critique, plus seul. |
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