Essais littéraire |
Ce qu'il faut, pense Michelet, c'est chercher au fond des temps, mais du même coup aussi, au fond de soi, dans l'intériorité de sa pensée, quelque chose d'enfoui, de caché, de quasi occulte, qui constitue la base profonde du développement ultérieur. Le fond, c'est la pensée populaire elle-même, pensée presque informe, qui s'est diffusée à la fois dans les profondeurs du passé et dans la multiplicité plus ou moins grégaire des êtres qui ensemble composent le peuple. Pensée qui, à l'origine surtout, mais plus tard encore et tout au long de son parcours, se présente comme on ne sait quoi de latent, d'informe, d'infiniment maladroit en raison de sa masse et de son anonymat, mais qui est déjà propulsé par une espèce d'instinct et de désir orientés vers le dehors et selon le déroulement des temps. L'affaire de l'historien, c'est donc de s'enfoncer d'abord dans ces profondeurs initiales, d'y prendre pied, de s'en assimiler, en tâtonnant, les tendances obscures, d'en accompagner par la pensée le développement. Le mouvement de la pensée historienne sera donc parallèle au mouvement de la pensée populaire se dégageant lentement de la confusion initiale. Pour accomplir cette genèse, il émergera du vague et s'orientera vers des précisions. L'avenir est trouble, mais le devient de moins en moins. Les époques traversées apparaissent à travers une sorte de fumée fantastique. L'on passe d'ébauches à des gestations, poursuivant une ascension lente vers la clarté. MICHELET : TEXTES ... Tant de forces diverses qui, du fond des âges, de la variété infinie des existences, viennent ensemble pour ce seul instant... Qui nous donnera de pouvoir suivre des profondeurs à la surface, l'ascension d'une pensée ? Qui dira les formes confuses, les mélanges, les retards funestes qu'elle subit pendant des siècles ? Combien de l'instinct au rêve, à la rêverie, et de là au clair-obscur poétique, elle a lentement cheminé ! [D'abord] la liberté commençait à poindre, mais sous vingt aspects fantastiques et choquants, confuse et convulsive, multiforme, difforme... ... Débrouillement pénible, laborieux, d'une création vaste, trouble, impure, violente, comme quand la nature tâtonnait encore. J'admire cette belle création dans son résultat, mais combien j'aurais voulu la suivre en sa génération... Où donc se fait la gestation de ce qui veut être ? En toi-même... Tout ce que j'aimai et connus, je le quitte pour l'infini inconnu, pour la sombre profondeur, d'où je sens sans le savoir encore, le Dieu nouveau de l'avenir. |
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