Essais littéraire |
« Je ne fais rien », constate Musset à une époque où il se trouve encore trop jeune pour avoir écrit quoi que ce soit qui en vaille la peine. Il en a honte. Il en éprouve de l'impatience. Lui qui va bientôt débuter dans les lettres avec l'éclat que l'on sait, commence par se percevoir dans l'état d'un être humilié de ne pas être encore égal à ses exigences. Il ne fait rien, ne ressent rien. Ou plutôt il ressent, avec peut-être des sentiments de honte et d'exaspération, ce qu'il perçoit comme une expérience toujours insuffisante. Il supporte mal un état qu'il juge négatif : « Je sens, dit-il, que le plus grand malheur qui puisse arriver à un homme qui a les passions vives, c'est de n'en avoir point. » Tel est l'état où lui-même se trouve, rongeant son frein, contraint à l'inactivité. Pourtant on ne pourrait confondre cet état avec une immobilité totale. C'est plutôt l'état d'un être essentiellement dissatisfait, qui supporte mal l'écart qu'il mesure entre ce qu'il est et ce qu'il brûle d'être. La distance cependant est courte. Encore un peu de temps et le très jeune homme qu'est Musset se trouvera des ressources pour se livrer avec fougue à ses passions et pour faire librement courir sa plume. A ce moment, quand il viendra, il n'y aura plus entre lui et ce qu'il rêve d'être, un insupportable décalage. Mais que rêve-t-il d'être dans le moment présent ? Il ne le sait pas encore. Il expérimente avec une intensité exceptionnelle un état qui ne peut être défini, puisqu'il n'a rien de positif. Cette absence de positivité lui est, bien entendu, insupportable. Mais il n'en constitue pas moins une richesse. Une richesse qui n'a rien de négligeable. Avant de se mettre en position de s'emparer de quoi que ce soit, il est infiniment avantageux de prendre conscience du fait que l'on n'a rien encore en propre. Rien, rien, en tout cas, de déterminé. L'être qui se découvre en deçà du moment où il pourra faire ses choix, puis ses déterminations et régler par conséquent son comportement futur, se perçoit lui-même tel qu'il est encore, avant toutes déterminations, dans une espèce de vide. Néanmoins, ce vide n'est pas une sorte de vague intérieur, c'est un état de vigilance, et une veille d'armes excitante. Il ne s'agit donc pas ici, après tout, d'un état proprement indéterminé, pas plus que chez un jeune guerrier à la veille d'une bataille. L'orientation vers le futur et vers l'action, même si cette action future n'est encore qu'indéterminée, est une détermination authentique. C'est une détermination à l'action, bien que le caractère intentionnel de cette action ne soit pas encore fixé. MUSSET : TEXTES Et puis quoi faire? Un jour, c'est bien long. Je ne fais donc*rien. L'homme abandonné alors par les objets extérieurs, retombe sur lui-même. Il s'entend vivre. Cela ne te fait rien de voir tous les jours la même figure ? Si je pouvais seulement sortir de ma peau pendant une heure ou deux? Elle posa la main sur son front, et sentit un besoin invincible de vivre. L'attente d'être heureux... L'espèce de vertige que donne l'impatience... Figure-toi un danseur de corde... Il continue sa course légère de l'Orient à l'Occident. S'il regarde en bas, la tête lui tourne; s'il regarde en haut, le pied lui manque. Il va plus vite que le vent... Voilà ma vie. ... Dites-nous Comme un cour à vingt ans bondit au rendez-vous. Chasser tout souvenir et fixer la pensée, Sur un bel axe d'or la tenir balancée, Incertaine, inquiète, immobile pourtant; Eterniser peut-être un rêve d'un instant Il y a une chose folle à tenter : c'est de continuer à être un enfant. Qui nous rajeunira ? Vivre à deux et donner son cour à tout moment. Aime et tu renaîtras. Il faut aimer pour vivre encore. |
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