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Paul Ricour - Temps et récit






1983-1985



Temps et récit de Paul Ricour offre, dans ces vingt dernières années, l'exemple à l'état pur d'un essaimage d'une discipline à l'autre - de la philosophie vers l'histoire - par l'exacerbation d'un seul moment d'une démonstration déployée sur plusieurs années et ouvrages, moment d'abord isolé par ses lecteurs historiens, puis érigé en totalité d'un raisonnement. Par là même, il bouleverse les rapports de superbe ignorance réciproque qui s'étaient établis traditionnellement entre ces deux champs du savoir. Temps et récit, ouvrage d'un philosophe, est le révélateur de la crise d'identité que traverse alors la discipline historique.



Au commencement, Paul Ricour reprend et amplifie une question laissée en suspens dans un de ses précédents ouvrages, La Métaphore vive. La métaphore y était définie comme « un processus rhétorique par lequel le discours libère le pouvoir que certaines fictions comportent de redécrire la réalité ». Paul Ricour s'interrogeait sur la capacité qu'a le langage, dès lors qu'il est réorganisé de façon créatrice par la métaphore, de nous inviter à lire, selon ces modalités nouvelles, notre propre expérience. Il parut cependant à Ricour qu'un chaînon manquait dans sa démonstration : le rôle du lecteur. C'est à cerner ce rôle que s'attache Temps et récit, dans une réflexion sur le langage, articulant les deux notions clés de configuration et refiguration.

La configuration recouvre toutes les opérations narratives à l'ouvre dans le langage même, sous la forme de la mise en intrigue de l'action et des personnages. Elle s'observe, se saisit dans trois grandes pratiques du langage : la conversation, domaine du langage ordinaire où joue la dimension mimétique du langage (d'abord l'imitation ; puis la reconstruction ; et la capacité transformatrice, enfin, de l'expériencE); l'histoire; la fiction.



De l'histoire, Ricour ne retient, à ce moment de sa réflexion, qu'une seule dimension : l'histoire est un récit. Si l'histoire est narrative, elle l'est cependant tout autrement que le langage ordinaire, qui repose sur la fabulation directe, immédiate, de la parole. L'histoire, pour sa part, construit, élabore un récit, au nom d'une certaine scientificité qui détermine des pratiques, des modalités, des règles. Mais comme la fiction et le langage ordinaire, elle se tient dans le milieu du langage et reconduit à la configuration. Seul le tome troisième est entièrement consacré à la refiguration, c'est-à-dire au problème, très controversé, de la capacité du langage à sortir hors de lui-même pour réorienter, restructurer une expérience et produire une nouvelle manière d'habiter le monde. Comment, en d'autres termes, un langage structuré par la mise en intrigue conduit-il à une relecture de notre propre expérience selon les lignes de force du narratif?

Paul Ricour, dans un premier temps, à la suite de Ferdinand de Saussure, pose que le signe n'étant pas la chose, étant en retrait sur elle, le langage se constitue en marge de l'expérience, créant un univers en lui-même, monde de signes, de significations qui tissent et se tiennent dans I'intertextualité. C'est le moment de l'exil du langage. Mais, dans un deuxième moment, et à la suite des travaux d'Emile Benveniste, Ricour tient que le langage est « reverse à l'univers », lorsque le discours s'articule, dans et par la phrase, à l'expérience, qu'il se charge non seulement d'un signifié, mais aussi d'un «intenté», c'est-à-dire d'une visée de réalité. Il ne fait dès lors aucun doute pour Ricour que la capacité de refiguration du langage est à proportion de sa capacité d'exil, de sa puissance de distanciation dans le moment de son autoconstitution en univers du signifiant. Parce que le langage a d'abord conquis, par le repli sur soi, la signifianec en elle-même et pour elle-même, il peut, ensuite, reconquérir le monde réel qu'il avait quitté. En sorte que, de la configuration - moment où le récit, qu'il soit scientifique, historique ou romanesque, s'ordonne - à la refiguration - moment où le récit prend en charge l'expérience, le réel pour le modifier-, il y a une médiation essentielle: le lecteur.



S'il vit dans le monde irréel de la fable (configuratioN), le lecteur est également un être mondain changé par l'acte même de lecture (refiguratioN). Proust l'avait dit à sa superbe manière en final au Temps retrouvé, à qui Paul Ricour laisse le soin de conclure son tome troisième et dernier, Le Temps raconté : « Car ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d'eux-mêmes, mon livre n'étant qu'une sorte de ces verres grossissants [..]; mon livre, grâce auquel je leur fournirais le moyen de lire en eux-mêmes. »

Temps et récit vise donc, en accordant à un moment donné de son ample réflexion une place à l'histoire, entre le langage ordinaire et la fiction, à repenser une question essentiellement philosophique et essentielle à la philosophie : le temps devient-il humain dans la seule mesure où il est articulé sur un mode narratif (le monde du textE) ? Le récit n'atteint-il sa signification plé-nière qu'en devenant une condition de l'existence temporelle (le monde du lecteuR)?

Or, cet ouvrage, singulièrement le tome premier, va petit à petit focaliser l'attention des historiens, au terme d'une lecture fort réductrice : ne retenant que la dimension de mise en intrigue, ils délaissent le déploiement de l'argument philosophique. Il est vrai que, de longue date, les historiens ont tourné le dos à la philosophie et à son habituel traitement et usage de l'histoire - à la manière de Hegel, en quelque sorte, où une histoire philosophique du monde, reflet de l'effcctuation de l'Esprit dans l'histoire, totalise toutes les composantes (intérêts particuliers, passions des grands hommes historiques, intérêt supérieur de l'État, esprit des peuples et esprit du mondE) et les subsume sous le concept, aujourd'hui inacceptable, au terme d'un siècle de barbarie industrialisée, de « Ruse de la Raison ».



Rien de tel chez Paul Ricour. Simplement l'histoire trouve, comme domaine de savoir, sa place dans une réflexion qui s'inscrit de plein droit dans une tradition : la philosophie réflexive. Cette dimension, fondamentale à la compréhension de l'histoire comme mise en intrigue, les historiens, pour la plupart, l'ont manquée. La philosophie réflexive entend définir la possibilité pour le sujet de se comprendre grâce à un ressaisissement unificateur des expériences fondamentales - perceptive, imaginative, intellective, volitive, axiologique - entre lesquelles il se disperse à chaque instant dans le monde. La compréhension phénoménologique du sujet vise à rendre transparent le rapport intentionnel d'une conscience à un sens qui lui fait face. À l'impossibilité de la phénoménologie husserlienne de fonder l'horizon au sein duquel le sujet se reconnaîtra dans la plus grande clarté intellectuelle - c'est l'idéalisme du retour à l'intuition -, Ricour oppose une herméneutique dictée par la nécessité pour toute compréhension d'être médiatisée par une interprétation.

La compréhension de soi est médiatisée par des signes (langagE), des symboles (une culture, une création, une ouvrE) et des textes. Elle finit par coïncider avec l'interprétation appliquée à ces médiateurs. De ceux-ci, le texte est le plus fondamental. Par son agencement de phrases en genres formels - discours, récit, poème -, il multiplie les possibilités de l'interprétation en élargissant son horizon bien au-delà de la simple relation en vis-à-vis du locuteur. Par l'écriture, le discours s'émancipe de son locuteur, de son auditoire premier et de son contexte originaire.

Le sens d'un texte se rend ainsi autonome de l'intention subjective de son auteur; en sorte que la visée essentielle de l'herméneutique n'est plus d'atteindre un arrière-monde du texte où siégerait l'intention primitive perdue, mais de déployer, devant le texte, le monde que celui-ci ouvre et découvre. L'herméneutique postule l'existence d'un monde du texte: un monde radicalement étranger à celui de la vie quotidienne, puisqu'il est propre à un texte unique. Ce monde se bâtit sur les possibilités nouvelles d'être-au-monde que le texte révèle grâce aux métamorphoses et aux variations imaginatives que la fiction opère sur le récit. En cela, l'herméneutique retrouve la mimésis aristotélicienne, c'est-à-dire une recréation de la réalité par la fable qui en atteint l'essence la plus profonde.



La lecture est l'appropriation par le lecteur du monde de l'ouvre. Comprendre c'est, dit Ricour, se comprendre devant le texte, c'est accepter de se laisser métamorphoser par l'ouvre dont le lecteur reçoit une proposition d'existence. La lecture-appropriation développe une distanciation de soi à soi qui permet, par le même mouvement, d'abolir la double distance de soi au temps du texte et de soi au sens lui-même. L'appropriation, en actualisant les potentialités sémantiques du texte, efface la distance culturelle et, par là même, fusionne l'interprétation du texte et l'interprétation de soi. Le lecteur ne se retrouve dans le monde du texte qu'en s'y perdant.

Comme la signification objective d'un texte est étrangère désormais à l'intention subjective de l'auteur, l'herméneutique se doit de saisir la pluralité des lectures et des constructions du texte dont la somme dépasse la seule polysémie des mots ou des significations individuelles de chaque phrase. Sa tâche est de restituer, d'une part, la dynamique interne d'un texte qui préside à la structuration de l'ouvre et, d'autre part, la projection externe de l'ouvre hors d'elle-même qui engendre un monde propre à ce texte. Adossé en quelque sorte à cette « chose » du texte, Ricour dénonce tant l'illusion nominalistc d'une compréhension immédiate par intropathie grâce à laquelle un sujet pénètre une conscience qui lui est étrangère, dans la situation du vis-à-vis (celle des deux subjectivités de l'auteur et du lecteuR), que l'illusion rationaliste d'une explication positiviste du texte par le seul jeu combinatoirc des codes linguistiques qui demeurerait fermé à toute subjectivité de l'auteur et du lecteur. L'interprétation, propose Ricour, devra donc jouer dialectiquemcnt de la compréhension (c'est-à-dire de la capacité pour le lecteur de reprendre en soi-même le travail de structuration du textE) et de l'explication (c'est-à-dire, une fois opéré le travail de compréhension, la mise au jour des codes sous-jacents au travail de structuration du texte effectué par la lecturE).

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