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Essais littéraire

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Stéphane Mallarmé






Dans la thèse sur Stéphane Mallarmé publiée il y a quelque vingt ans par Jean-Pierre Richard, l'on peut trouver dès le début un thème mallarméen important entre tous, celui de l'exil et de la chute du premier homme. Thème biblique par excellence ! Tout s'y montre dépendant d'un événement précis, celui d'une expulsion et d'un exil tragiques. On y voit l'homme forcé de renoncer pour toujours à l'état édénique. Ainsi le monde nouveau où il est destiné à faire sa carrière se révèle être l'envers du Paradis. Une nouvelle sorte de vie lui est accordée, mais une vie cette fois tragique, en ce sens qu'elle dépend tout entière de la rupture qui éclate entre le passé dont il est maintenant irrémédiablement séparé et le moment présent qui brutalement usurpe sa place. Pour Mallarmé donc, comme pour l'auteur de la Genèse, l'aventure de l'homme ne dévoile véritablement tout son sens qu'à partir du moment où cet hiatus se produit dans l'existence humaine. Le véritable commencement ne se situe pas dans le paradis antérieur. Il se situe dans le douloureux détachement qui s'opère par rapport à ce qui précède. Un présent nouveau apparaît. Il se révèle comme étant totalement négatif. Il entraîne une privation d'être, une viciation fondamentale de la forme de l'homme. Avant cela, existait la perfection. Le manque, la distance étaient des phénomènes inconnus. L'homme possédait tout, en se possédant lui-même. Mais qu'est-ce que se posséder soi-même et, inversement, qu'est-ce que se perdre en ne se possédant plus ?



Peut-être pour le comprendre conviendrait-il de réfléchir un instant sut les avantages et les désavantages de ces deux états si différents, et pourtant consécutifs. Possédant tout et se possédant lui, l'être premier - appelons-le l'être mallarméen - n'avait aucun besoin de se mettre en quête de telle ou telle satisfaction particulière, ou de lui donner une forme déterminée. Il était sa propre forme. Son être et la forme de son être n'étaient qu'une seule et même entité. Il était, dès le début de sa création - et apparemment pour toujours -, dans la jouissance pleine et entière de tout ce qui lui eût semblé désirable, s'il eût été dans sa nature de pouvoir désirer. Entre lui-même et la possession de tout ce qui était requis par lui pour être heureux, aucune distance n'était concevable, puisqu'il possédait déjà tout ce qu'il lui fallait, qu'il ne manquait de rien et qu'il n'y avait entre lui et l'objet, quel qu'il fût, de son esprit, aucune distance. L'être mallarméen, étant donc pleinement satisfait, n'avait pas d'autre soin que de se sentir vivre. Rien ne pouvait être conçu par lui comme se trouvant en dehors du cercle de ses possessions. Toutes les formes de bonheur que nous imaginons aujourd'hui comme des façons d'être distinctes, indépendantes les unes des autres et de celui même qui en jouissait, ne pouvaient dans son esprit en constituer qu'une seule, et ne former qu'un seul état. Rien de plus simple donc que cet état premier. Celui qui en était l'heureux bénéficiaire n'avait nul besoin d'une Création autour de lui pour subvenir à ses besoins, car il n'avait pas de besoin. C'était un être qui ne pouvait être autrement que comblé - comblé par l'ensemble prestigieux de ressources internes dont il disposait, et qui, s'unis-sant naturellement en lui, empêchait tout vice ou toute lacune d'y prendre place. Dans un tel être, en effet, toutes les formes ne pouvaient qu'exister à leur point de perfection et être fondues en une, dans une si admirable union qu'il eût été impossible de les séparer les unes des autres.



Mallarmé, il est vrai, ne fait que de rares allusions à cette perfection première de l'être. Il n'est pas douteux cependant qu'il ne dût la considérer a priori comme un des éléments essentiels de la réalité, peut-être l'élément capital lui-même. Il ne saurait en être autrement. Il faut bien qu'aux yeux du poète simple et naïf qu'était alors Mallarmé à ses débuts, l'être originel fût nécessairement conçu comme en pleine possession de tous ses avantages et, dès lors, comme exempt de tous les défauts dont il aurait le malheur de souffrir par la suite. Dans une telle perspective, le mal ne peut être conçu que précédé par le bien. C'est ainsi, par exemple, que l'exil, état que Jean-Pierre Richard considère avec de fortes raisons, comme étant tenu par Mallarmé pour être le premier état tragique vécu par l'homme - et le point de départ, en conséquence, de toute l'aventure humaine -, ne peut être conçu que comme la contrepartie d'un état de bonheur initial ayant pour caractéristique unique la conjonction dans un même lieu mental - indifféremment le Paradis ou la pensée de celui qui y habitait - de tout ce qui serait perdu et dispersé par la suite.



Au-delà donc de ce heu idéal où, dans la pensée du poète, le mythe initial s'est formé, l'être mallarméen s'engage - contre son gré - dans une voie qui ne peut être que la voie négative. Il prend le chemin de l'exil. Auparavant il vivait en pensée, en idéal, dans un monde intérieur qui ne faisait qu'un avec lui-même, où toutes les formes n'étaient qu'une forme, où tous les lieux n'étaient qu'un lieu; monde où toutes les façons d'être se mariaient dans un même être, où toutes les pensées étaient une seule pensée; sorte de monde dont il eût été impossible de déterminer ce qu'il contenait, puisque tout était une seule et même chose. Or, constate le poète, voilà que ce monde n'est plus, qu'il a volé en éclats, et qu'il se trouve maintenant divisé en mille fragments, dont aucun n'est reconnais-sable; tandis que l'être qui faisait cette expérience se découvre aussi - comme son monde - refoulé au loin, perdu dans la distance, séparé du lieu essentiel qui avait été, avant sa chute, le lieu de son séjour/

L'expérience de Mallarmé est donc, dans un sens, unique. Elle ne peut que se répéter ensuite dans la multipli-cité des expériences qui ont suivi. Toute l'ouvre mallar-méenne apparaît, comme le constat répété d'un phénomène déplorable - à la fois universel et vécu dans l'intimité de chacun -, celui par lequel la multiplicité se substitue à l'unité, la distance à la présence, l'exil au foyer intérieur, la division à l'union, et enfin, enfin surtout, le long cortège des déterminations particulières se substituant à la réalité simple, unique, idéale, en laquelle tout, préalablement, s'était trouvé confondu et par conséquent soustrait à toute détermination.

Chaque différenciation, en effet, implique un entre-deux, ou une distance intermédiaire, ou, plus exactement encore, une faille qui se révèle entre deux points, entre deux êtres, entre deux façons d'être. Ces deux points, distancés l'un de l'autre, peuvent-ils se rejoindre ? Peuvent-ils refaire l'unité ? C'est à quoi Mallarmé répondra non. Un autre poète, avant lui, avait cru répondre par oui. C'est Lamartine.



On sait que toute la poésie lamartinienne s'affirme comme une tentative d'union universelle, ayant pour objet avoué d'abolir la distance. C'est un mouvement illimité qui s'accomplit à travers les espaces, et qui a pour terme expressément visé la jonction de l'être désireux et de l'objet de son désir. Sans doute, entre les deux la distance est séparatrice. Elle ne saurait pas ne pas l'être; mais c'est une séparation purement temporaire, illusoire même, que le génie lamartinien est prêt à transcender. L'espace séparateur se mue alors en un espace unificateur. A l'extrême du mouvement lamartinien il ne peut y avoir autre chose qu'une union. Or, chez Mallarmé, se découvre la même distance. Mais la réalité qu'elle révèle n'unifie rien. Elle se présente invariablement pour ce qu'elle est, une réalité implacablement négative, se dévoilant avec une netteté et une cruauté particulières. La distance n'est pas un oui exprimé généreusement à la demande de celui qui s'est mis en route et qui espère l'unification des retrouvailles; c'est un non, au contraire, infligé avec une fermeté extraordinaire. La distance mallarméenne est, sans conteste possible, un entre-deux purement séparateur. C'est une rigide solution de continuité qu'on voit intervenir dans chaque poème. Elle se manifeste en particulier par la perception soudaine, inexorable, d'un obstacle ayant valeur d'absolu. C'est, par exemple, la .discontinuité que la vitre ou le miroir oppose à qui veut pénétrer de l'autre côté de la paroi hostile. La poésie mallarméenne est, en fait, la plus durement séparatrice qui soit. Au lieu de s'ouvrir généreusement, elle se rétracte, ejle se refuse. Par-là elle atteint une étrange précision. Rien ne l'exprime mieux que la notion de suspens, suggérant l'idée d'un arrêt, d'une brisure se produisant au centre même du mouvement spontané qui entraînait l'homme vers le bonheur. Nettement le poète y formule sa volonté - perverse peut-être - d'interrompre le mouvement qu'il semblait pourtant lui-même avoir déclenché. Le poème mallarméen tourne court. Il est semblable à des lèvres qui ont soudain cessé de se joindre. Pourquoi ? Qu'arrive-t-il ? Rien de positif. Rien que de négatif. Quelque chose d'insubs-tantiel, comme un pétale de rose, s'interpose, et cette interposition est la seule chose qui subsiste de tout l'événement. L'élan qui promettait de se poursuivre, de trouver la fin positive qu'il se propose, cède soudain la place à un vide. De l'autre côté de ce vide pourra-t-on parvenir ? Pourra-t-on renouer la séquence suspendue ? Brusquement, la vraie destination se révèle : c'est un mur, c'est un vide, c'est un rien; et c'est devant ce rien que la pensée reste en suspens, peut-être pour toujours.



Un autre exemple encore : le mirage. Entre deux images identiques, confrontées l'une à l'autre, une nouvelle forme de séparation se présente. L'une de ces images se penche sur l'autre, qui est juste en dessous d'elle. L'une est semblable à l'autre, mais renversée : une image dédoublée, mais pire encore, une image qui se révèle l'inverse d'elle-même. Elle est, et elle est en même temps le contraire de ce qu'elle est. Elle est celle qui dément, point par point, les traits de ressemblance qu'elle offrait avec celle qui la regarde. Deux images. Laquelle est la vraie, laquelle est la fausse ? Nouvelle fantaisie perfide de la vision optique qui obéit, semble-t-il, aux mêmes perversions et interférences que dans les cas précédents. Toutes ces altérations, tous ces dédoublements, ces désaccords, ces démentis, toutes ces substitutions, ces omissions, que signifient-elles ? Rien de positivement révélateur, aucune prise de possession du réel, aucune acquisition. Mallarmé semble jouer perpétuellement avec les expériences qu'il nous fait faire, à un jeu d'escamotage. Tout se passe comme si, par un arrangement plus cruel qu'ambigu, l'assise même du réel elle-même se trouvait mise en jeu. Par tous les trous de la pensée, par toutes les lacunes et hiatus s'insinuant dans les fentes même de l'existence, un sentiment semble naître : c'est le doute sous sa forme la plus négative; c'est-à-dire l'ébranlement de la trame que nous avions besoin de croire la plus serrée, la mieux établie entre les différents points du réel. Même les sentiments les plus assurés, les plus rassurants, prennent un aspect suspect. Le trouble s'installe en nous-même, la crainte commence à se glisser au cour même de notre pensée. Tout n'est pas détruit, mais tout est, en quelque sorte, interrompu, coupé de ses attaches, privé de ses appuis, réduit à n'être plus qu'une particule fragile d'être, perdue au creux des vagues. On appréhende une dissolution générale de la réalité tout entière, mais qui se manifesterait d'abord, à une échelle réduite, comme un glaçon de banquise en train de s'effriter, avant de s'évanouir dans une mer noire. Comment appeler ce phénomène ? On pourrait lui donner le nom bizarre et assez laid de multiple négatif. Il a lieu lorsque les divers éléments qui composent le réel laissent voir qu'ils ne tiennent plus ensemble. Dès qu'ils commencent à se scinder, c'est la trame continue du réel qui s'avère être en péril. Non pas, comme cela aurait pu être le cas, par une transmutation expansive, par l'élargissement de l'être se dissolvant dans un champ de plus en plus vague - un champ indéterminé ! -, mais, au contraire, par la fragmentation des parties constituantes, qui les fait se lézarder, se contracter, laissant apparaître partout des fissures séparant leurs formes de plus en plus morcelées. On dirait les débris épars d'une rivière de diamants. Tel est le phénomène qu'on voit se manifester dans les textes les plus abscons de Mallarmé. Phénomène d'une complexité extrême, puisqu'il nous révèle, à son point de complication le plus grand, deux tendances contradictoires, dont l'alliance fait d'ordinaire la solidité, toute apparente d'ailleurs, de notre monde à la fois extérieur et intérieur : la tendance à concevoir l'ensemble de ce qui est comme une infiniment vaste unité indéterminée, et la tendance inverse, qui consiste à y voir une multitude d'éléments distincts, s'efforçant vainement de former un tout.



MALLARMÉ : TEXTES



Pour moi, voici deux ans que j'ai commis le péché de voir le Rêve dans sa nudité idéale.



J'ai de mon rêve épars connu la nudité.

J'ai imploré la Grande Nuit qui m'a exaucé et a étendu ses ténèbres... La conscience, excédée d'ombres se réveille lentement...



Je veux me donner ce spectacle de la matière ayant conscience d'être, et, cependant, s'élançant forcenément dans ce Rêve qu'elle sait n'être pas.



Je suis maintenant impersonnel et non plus Stéphane que tu as connu.



O miroir..., je m'apparus en toi comme une ombre lointaine.

Après avoir trouvé le néant, j'ai trouvé le Beau.



La vie s'alimente de son propre passé, ou d'une mort continuelle.

... produire en un milieu nul ou à peu près les grandes poses humaines...

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