Essais littéraire |
Aux merveilles perdues en naissant tu renais. Va, si ton cour devient la machine à tonnerre, si tes yeux sont les âmes de l'absence qui changent en mercure le sang de tes artères, si ta chair se trame en dentelle de fils de pierre en stalactites, si sous la voûte immense de ton crâne la lampe de phosphore éclaire de vastes paysages morts et les désastres des déluges, si les ogives de tes côtes dévoilent les multitudes succombant devant l'autel humain du cour, ce que tu peindras désormais, sera peint de ma main, de sa main, de toutes les mains qui pour ne plus trembler deviennent rayonnantes. Déjà tu as appris à voir ce qu'il faut voir. Lorsque, quittant le bord majestueux des fleuves, les remorqueurs d'ombre et de suie, et le mystère des maisons détraquées, derniers trompe-l'oil de ce que tu prenais encore pour la matière, tu l'eus franchie, la frontière de feu, ton regard brûlant les objets ne put désormais que voir à travers. Au fond de tout tu reconnus les vieux mythes des maladies d'enfance et des illustrations de la symbolique freudienne. Dès l'abord combien de fantômes de femmes te barrèrent le chemin. Mais tu savais déjà ne plus leur voir de têtes. Puis tu crus reconnaître et peindre de vrais arbres. Mais ce qui venait sur ta toile, c'étaient les arbres déchaînés, c'était l'ombre astrale des arbres, les branchies du sous-sol prenant feu, la vie écorchée vive aux chairs roses saignantes, engluées de plasma, bombardées de cristaux et ta toile miroir cassé voyait deux fois l'image cruelle. La pie-grièche de la folie te guettera longtemps encore dans ces ramures. Mais le plein-ciel attire le sommet de ta tête. Tu laisses à d'autres le fond des océans peuplé de faces blanches aveugles et les abîmes de la terre où des légions pétrifiées d'êtres futurs attendent le prochain déluge. Toi tu surprends la gestation des bêtes célestes dans leurs nids d'air gluant. Cela commença dans l'azur immuable d'une après-midi d'été, un ciel sentant la mort, fermé sur les végétaux immobiles. Un grand fantôme blanc flamba du haut en bas, déchirant à jamais un lambeau de bleu. Et plus tard, au cour de l'atmosphère supérieure, sans droite ni gauche, sans dessus ni dessous, au point mort de l'espace, un îlot nourricier, strié de vert, restait pour porter l'ouf où tous les mondes étaient enfin rentrés. Si l'ouf éclôt par dérision que l'on célèbre la naissance d'un torse plat à tête d'oiseau qui jouera au ballon, étant saigné à blanc. Qu'un voyant vêtu de lin, vivant de grain, courant les lieues, cherche le lieu. Sima sans cesse montant à la poursuite de ses troupeaux fantômes, plie et déplie les horizons en escaliers, vers soi-même, le premier sur la route peinte du Grand Jeu. ROGER CILBERT-LECOMTE |
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