Essais littéraire |
Chose bizarre, on peut rapprocher sur un point essentiel Vauvenargues de l'être qui lui ressemble le moins, c'est-à-dire Victor Hugo. L'un comme l'autre ne pensent que par antithèses. Les raisons de cette similitude sont toutes fortuites. Hugo aime les conflits tragiques. Ses préférences morales, pour grandes qu'elles soient, ont moins d'importance à ses yeux que k pur dramatique des oppositions. Il n'en va pas de même pour Vauvenargues. C'est un moraliste rigide, à l'âme fière, soucieux de séparer le mal du bien. Il veut donc établir des déterminations franches. L'entre-deux, la mêlée des tendances en conflit, ne l'intéresse que subsidiairement. Ce à quoi il aspire, c'est à donner une fermeté maximum à tout jugement qu'il prononce, sans s'écarter cependant si peu que ce soit de la vérité. C'est un scrupuleux. H cherche à ne jamais dépasser ce qui ne peut se situer que dans la stricte enceinte de la justice. Il est donc honnête mais intransigeant. C'est très vigoureusement qu'il place face à face le vrai et le faux. Il tient compte des nuances, mais il condamne sans hésitation, comme coupable, tout ce qui lui parait obscur ou confus. Pour lui il n'y a pas de composition possible entre une certaine plénitude de pensée décisive et la pensée floue qui lui semble pire encore que le rien et le néant. Du mauvais côté, pour lui, l'on trouve les idées sans suite, les écoulements perpétuels de la pensée vague, les paroles indécises, les rêves imprécis. De l'autre, il y a les vues d'ensemble, les suites fécondes de pensées unies en un même point. Il y a les synthèses. Pensée virile, militaire même dans son allure comme dans sa substance. Elle paraît, presque désespérément parfois, dans le raidissement qu'on y trouve, soutenue par une volonté déterminante. Chaque acte intellectuel de Vauvenargues semble appuyé par une résolution. VAUVENARGUES : TEXTES Montaigne, choquant, par son indifférence et son indécision, les âmes impérieuses et décisives : obscur et fatigant en mille endroits, faute de méthode. {Fragments, P- 275 .) La clarté orne les pensées profondes. L'obscurité est le royaume de l'erreur. Il n'y aurait point d'erreurs qui ne périssent d'elles-mêmes, rendues clairement. (Réflexions et Maximes, P- 374-) Je dis d'un homme qui rapproche... les choses humaines, qu'il a un grand génie, si ses conséquences sont justes; mais s'il conclut mal, je présume qu'il distingue mal les objets, ou qu'il n'aperçoit pas d'un seul coup d'oil tout leur ensemble... (Réflexions et Maximes, p. 397.) Il n'y a aucune vérité qui ne nous arrache notre consentement, lorsqu'on la présente tout entière et distincte à notre esprit. (Réflexions et Maximes, p. 444.) Qu'il y a peu de pensées exactes ! (Réflexions et Maximes, p. 447.) La clarté est la bonne foi des philosophes. La netteté est le vernis des maîtres. (Réflexions et Maximes, p. 475.) C'est une politique utile, mais bornée, de se déterminer toujours par le présent et de préférer le certain à l'incertain... (Réflexions et Maximes, p. 489.) |
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