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Victor Hugo - Le romantisme incarné






En approchant l'énorme personnalité de Victor Hugo, ce n'est plus tel ou tel aspect de la poésie romantique que nous découvrons mais le romantisme tout entier dans sa fougue, ses audaces, sa plénitude. A vrai dire, si Hugo fait incontestablement partie de la génération romantique, il déborde, par la durée même de son existence, la vie du mouvement proprement dit. Après 1850 ce sont ses grandes ouvres qui incarneront presque à elles seules le destin du romantisme qui se survit puis s'achève avec sa mort en 1885.



L'existence longue et tumultueuse de ce géant de la littérature donne elle-même une image fidèle de ce que sera son ouvre : intensité, diversité et contraste. Hugo a tout vu, tout senti, tout vécu dans ce siècle : roturier il était fils de général d'empire, légitimiste il devint libéral, académicien il fut aussi pair de France, député de Paris il fut pourtant l'exilé célèbre de Jersey et de Guernesey... Cette plénitude de l'existence n'a d'égales que la masse et la variété de sa création littéraire : romanesque, théâtrale, poétique. Ce dernier domaine, plus encore que les deux autres, est d'un prodigieux foisonnement. Disons que Hugo a proprement exploré tous les registres de la poésie romantique. Lamartine et Musset avaient excellé dans l'élégie, Vigny dans le poème symbolique ; Hugo, lui, fut grand partout. Les Rayons et les Ombres comptent parmi les plus beaux textes de notre poésie lyrique. Les Châtiments sont un chef-d'ouvre de poésie satirique. Les Contemplations un merveilleux ensemble élé-giaque, et l'épopée humaine de La Légende des siècles, comme l'épopée métaphysique de Dieu et de La Fin de Satan sont parmi les rares réussites dont notre poésie française peut s'enorgueillir dans ce genre difficile.



C'est à l'époque où il commence à s'affirmer comme le chef de file du mouvement romantique, en fondant avec ses frères Le Conservateur littéraire puis en prenant la tête du Cénacle, que Hugo s'affirme aussi comme l'un des poètes les plus doués de sa génération. Les années 1820-1830 sont celles de son apprentissage. Il publie successivement les Odes en 1822, les Ballades en 1826, qui formeront désormais avec les pièces précédentes les recueds des Odes et Ballades, et en 1829 Les Orientales. Si les Odes restent un ensemble de textes assez conventionnels et classiques, inspirés de souvenirs personnels ou de convictions politiques et religieuses, les Ballades et les Orientales dévoilent le goût du poète pour une certaine atmosphère mystérieuse, pittoresque et exotique : dans les unes c'est l'évocation du Moyen Age tel que W. Scott l'avait déjà dépeint, dans les autres c'est celle du monde méditerranéen, grec surtout, avec ses splendeurs et ses drames. A l'originalité de son inspiration Hugo ajoute déjà dans ces deux recueils une incontestable originalité technique : c'est là que se découvrent ses dons pour les images somptueuses et audacieuses, ses talents pour les rythmes inattendus et parfois vertigineux comme dans le fameux texte des Djinns.

Mais ces premiers textes nous intéressent surtout pour ce qu'ils nous révèlent des intentions poétiques de Hugo. Avant d'exprimer magistralement ses thèses littéraires dans la préface de Cromwell (1827), c'est dès 1822 dans celle des Odes qu'il assignait à la poésie une mission de synthèse de toutes les richesses du monde et de toutes les qualités insoupçonnées du moi. Le poème se doit d'être le lieu de l'unité et de la communion totales de la réalité, même cachée, et du regard : « Le domaine de la poésie est illimité. Sous le monde réel, il existe un monde idéal qui se montre resplendissant à l'oil de ceux que des méditations graves ont accoutumés à voir dans les choses plus que les choses. (...) La poésie, c'est tout ce qu'il y a d'intime dans tout. » Cette double notion de totalité et d'unité est fondamentale dès l'origine dans la poétique de Hugo. Comme il le redira dans la préface des Orientales, la mission du poète est avant tout une mission d'exploration, libre mais nécessaire, de tout ce qu'offre le monde : « Tout est sujet, tout relève de l'art ; tout a droit de cité en poésie (...). Le poète est libre. »

La décennie 1830-1840 sera pour Hugo le temps d'un romantisme plus lyrique et plus intime que celui de ses premières ouvres. La découverte de toutes choses, il va la commencer par la méditation sur soi. Ainsi dans Les Feuilles d'automne (1831) c'est sur son enfance, sa mère, sa famille, qu'il rédige avec tendresse et mélancolie ses nouveaux poèmes. Mais sans égoïsme et sans mièvrerie. Pour lui chaque souvenir, chaque portrait participe d'une plus vaste évocation :



Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal,

Fait reluire et vibrer mon âme de cristal.

Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j'adore

Mit au centre de tout comme un écho sonore.



Les deux recueils suivants, Les Chants du crépuscule (1835) et Les Voix intérieures (1837), seront de la même veine d'inspiration. Dans le. premier c'est de son ardente passion pour Juliette Drouet. de ses déceptions et de ses espoirs politiques, de sa perte de foi, crue sont empreints des textes, souvent sombres et angoissés. Dans le second c'est encore de son « cour » qu'il nous parle, des trois « voix ». de l'homme, de la nature et des événements de l'histoire que son intimité ne saurait ignorer et qui exigent de lui une parole, un « chant, dit-il, qui réponde en nous au chant que nous entendons hors de nous ».



Mais le plus intéressant des recueils de cette période très féconde de la carrière de Hugo reste celui qu'il publia en 1840, Les Rayons et les Ombres. L'inspiration intime n'en est pas absente. Nombre de poèmes y sont encore consacrés à l'enfant ou à la femme ; mais un souffle plus vaste anime certains textes qui préfigurent sa poésie d'après 1850. La nature par exemple n'y est plus seulement, comme dans Les Voix intérieures, belle et généreuse compagne, elle se fait aussi puissante, inquiétante, insondable comme dans Oceano Nox. Mais surtout la fonction assignée au poète prend en ces texte un sens nouveau. Il n'y est plus seulement le traducteur inspiré, ou l'écho fidèle des voix de la nature et du monde : il prend le visage du guide, du prophète investi d'un message pour ses frères, comme. en témoignent ces vers, si proches de ceux de Lamartine dans son Epïtre à Guillemardet :



Malheur à qui dit à ses frères :

Je retourne dans le désert ! (...)

Honte au penseur qui se mutile

Et s'en va, chanteur inutile

Par la porte de la cité.



Le poète en des jours impies

Vient préparer des jours meilleurs.

Il est l'homme des utopies

Les pieds ici, les yeux ailleurs.



Peut-être est-ce d'ailleurs cette prise de conscience d'un engagement nécessaire qui explique le silence poétique de Hugo pendant plus de dix ans. Il va se taire car il va se faire homme d'action, homme politique même. Cruellement éprouvé en 1843 par la mort affreuse de sa fille Léopoldine et par l'échec de son drame épique Les Burgraves, le poète se lance en effet dans une activité politique sans relâche. Il sera successivement le chaleureux défenseur de la jeune duchesse d'Orléans, le pair de France convaincu de justice et d'humanisme, le député de Paris, chaud partisan du prince Napoléon, et enfin, dès juillet 1851, mais surtout après le coup d'Etat du 2 décembre, l'adversaire acharné de celui qu'il nomme désormais « Napoléon le Petit ». Cruellement déçu une nouvelle fois dans ses aspirations, menacé dans sa sécurité, il s'exile volontairement en août 1852, en Belgique d'abord, à l'île de Jersey ensuite. C'est là qu'il compose sa grande ouvre satirique, Les Châtiments, qui fera de lui en Fra.ice, et malgré l'exil, l'inspirateur des opposants républicains.



L'oeuvre est vaste et offre des tons et des accents divers, mais elle est tout entière guidée par une même indignation et un même espoir vengeur. Ces six mille vers, très révélateurs de ce mélange des genres cher à Hugo, sont tour à tour des chansons populaires, des pamphlets ironiques, ou des méditations historiques et philosophiques. Mais l'ensemble est plus qu'une satire, c'est déjà une épopée. De la Nuit à la Lumière, du Crime à la Liberté, tel est l'itinéraire de l'ouvre. Empruntant à la Bible comme à l'histoire la plus contemporaine, Hugo veut nous montrer une humanité en marche vers sa délivrance, malgré le vice, la tyrannie, et les hontes du présent. A l'horizon du récit s'eleve l'étoile radieuse de la Vérité et de la Liberté vers laquelle le poète-guide mène ses fidèles :



O nations ! je suis la Poésie ardente.

J'ai brillé sur Moïse et j'ai brillé sur Dante. (...)

Debout, vous qui dormez ! - car celui qui me suit,

Car celui qui m'envoie en avant la première.

C'est l'ange Liberté, c'est le géant Lumière.

(Stella.)



A dire vrai, cette vaste parenthèse satirique dans une ouvre jusque-là d'inspiration plus personnelle n'avait pas étouffé l'inspiration intime du poète. Et quand en 1856, alors qu'il est installé à Guernesey, Hugo fait publier le grand recueil des Contemplations, ce sont des pièces rédigées en fait sur une période de plus de vingt ans qu'il livre au public. L'ouvrage conçu en deux grandes parties, « Autrefois » et « Aujourd'hui », s'articule autour du drame de 1843, la mort de Léopoldine : « C'est une âme qui se raconte dans ces deux volumes. « Autrefois », « Aujourd'hui ». Un abime les sépare, le tombeau. » « Autrefois » est fondé sur les souvenirs de la jeunesse, du temps des amours avec J. Drouet, et des premières désillusions politiques et sociales. « Aujourd'hui » est un livre plus dramatique : celui du deuil et de la douleur, avec notamment les célèbres poèmes de Pauca Meae où le poète retrouve des accents aussi simples que pathétiques pour évoquer la beauté et la jeunesse perdues :



Elle courait dans la rosée.

Sans bruit, de peur de m'éveiller. (...)

Ses frères riaient... - Aube pure !

Tout chantait sous ces frais berceaux,

Ma famille avec la nature.

Mes enfants avec les oiseaux ! ou les impossibles pèlerinages sur la tombe de l'adorée :



Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe.

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.



Mais si « Aujourd'hui » est le livre de la douleur et parfois de la révolte, il n'est pas celui de la résignation, il est encore celui de l'espérance. Espérance parce que dans la douleur Hugo retrouve le sens plein de la fraternité ; espérance aussi parce que Hugo inquiété depuis toujours par les problèmes de la mort, du mal et de l'au-delà, découvre face à l'océan de l'exil, et grâce à l'initiation spiritiste de Mme de Girardin, un début de réponse à ses angoisses. Dans les poèmes dits de La Bouche d'ombre, les certitudes métaphysiques sont le réconfort des troubles du cour et de l'esprit. Non la vie n'est pas sans signification, non le vice n'est pas irrémédiable, non l'âme n'est pas vouée à l'errance et au désespoir éternels. L'Etre est là partout autour de nous, la vie abonde et irrigue toutes réalités :



(...) Vents, Ondes, Flammes,

Arbres, Roseaux, Rochers, tout vit ! Tout est plein

[d'âmes.



Et dès lors le poète qui a su se faire interprète, guide et prophète se doit aussi d'être mage et magicien. Mage pour faire sentir et révéler l'Etre caché ; magicien pour le faire grâce aux mirages et aux miracles des mots, « car le mot, écrit-il, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu ». Le seul rythme étonnamment apaisé du dernier vers de Stella offre ainsi l'image d'une sérénité morale retrouvée et confessée : « Tout est doux, calme, heureux, apaisé ; Dieu regarde. »



Les Châtiments étaient l'épopée pobtique de la libération humaine, et Les Contemplations, ces « mémoires d'une âme », avaient montré que chez Hugo la frontière n'existait pas entre lyrisme et épopée. Restait à écrire l'épopée cosmique de l'humanité et de la création tout entières. C'est à ce vaste projet que sont consacrées les dernières grandes réalisations poétiques de Hugo qui forment une espèce de triptyque : La Légende des siècles, Dieu et La fin de Satan. Les deux derniers de ces trois textes, écrits de 1853 à 1855, resteront inachevés ; La Légende, elle, publiée une première fois en 1859, ne sera définitivement terminée qu'en 1883.



La grandeur de cette Légende des siècles n'a d'égale que l'ambition de son auteur. « J'ai voulu, écrit-il, peindre l'humanité successivement et simultanément sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion, science, (...) faire apparaître cette grande figure une et multiple, lugubre et rayonnante, fatale et sacrée, l'Homme. » Encore une fois l'itinéraire de l'épopée sera celui qui conduit « des ténèbres à l'idéal ». Mais pas par un seul chemin. La Légende est en fait une suite de petites épopées qui forment ensemble une vaste ouvre cycbque. Hugo emprunte ses sujets et ses figures à toutes les histoires et à toutes les mythologies : Caîn et Booz à la Bible, Mahomet au Coran, Androclès à Rome, Bivar, Evi-radnus et Roland à la chrétienté médiévale. Peu importent les sources, peu importent les lourdeurs de l'érudition, ce qui compte pour lui c'est la démonstration de cet « épanouissement du genre humain de siècle en siècle », emporté par cette mystérieuse et incoercible force, le Progrès, qui triomphe des temps obscurs et s'épanouit dans les âges de lumière. Dans chaque mythe, c'est l'évolution de la science et de la conscience humaines qui se dessine, dans leur maîtrise croissante de la plénitude de l'Etre.

Toute histoire, toute épopée, s'achève chez Hugo dans une réconciliation qui met fin à tous les déchirements. Dans La Légende, la lutte du Bien et du Mal s'épuise dans l'avènement entrevu d'une humanité idéale et transfigurée. Dans La Fin de Satan, l'ange damné revêt de nouveau par son repentir l'habit de lumière de Lucifer. Dans Dieu les hésitations théologiques et métaphysiques se résolvent en une ultime profession de foi panthéiste. C'est que, lucide sur tous les maux du monde, Hugo reste fondamentalement un penseur optimiste. Sa poésie épique, en raison même de son immensité, est l'illustration de cet optimisme et de cette confiance. « Commencée en nuit », elle « finit en lueur ».

Le génie de Hugo, nous l'avons dit, est fait de fécondité et de contraste. Aussi ne nous étonnons pas de constater qu'au moment même où il continue la difficile entreprise de La Légende il s'adonne à des poèmes gais, légers et fantaisistes comme ceux des Chansons des rues et des bois (1865). Et de son retour en France en 1870 à sa mort en 1885, il composera encore beaucoup, avec la même ferveur et le même éclectisme que dans ses années de jeunesse : des poèmes historiques et politiques comme L'Année terrible (1872), des poèmes d'un lyrisme plaisant dans L'Art d'être grand-père (1877), ou des poèmes satiriques comme son célèbre pamphlet anticlérical intitulé Le Pape (1878). Seule la mort mettra fin à la puissance de son génie créateur. Ses funérailles nationales par leur ampleur et leur solennité seront le plus digne hommage du peuple et de la nation à la grandeur de son ouvre.



La création hugolienne ainsi perçue dans sa chronologie est impressionnante. L'immensité et la fécondité de l'ensemble font oublier la facilité ou l'inégalité de tel ou tel texte. Hugo est poète de la masse plus que du détail ; il est le romantisme plus qu'il n'est romantique. Epuisant en son ouvre toutes les facettes d'une poésie, il l'a pourtant empreinte de toute la personnalité de son génie : par la qualité de ses visions et de son imagination ; par l'ingénieuse maîtrise de sa technique.

L'imagination est chez lui qualité maîtresse. Plus que dans la réflexion ou dans la méditation, le génie de Hugo est dans son regard qui « fait voir et met en images ». Regard d'artiste et de peintre, sensible au jeu des lignes et des couleurs :



Tu vois cela d'ici. Des ocres et des craies,

Plaine où les sillons croisent leurs mille raies,

Chaumes à fleur de terre et que masque un buisson.

Quelques meules de foin debout sur le gazon.

Des vieux toits enfumant le paysage bistre...

(Les Fenêtres ouvertes.) regard cosmique du prophète et du voyant :



Depuis quatre mille ans il tombait dans l'abîme.

Il s'enfonçait dans l'ombre et la brume, effaré.

Seul, et derrière lui, dans les nuits éternelles,

Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes

(La Fin de Satan.) regard halluciné du contemplatif et du mystique :



L'être, éteignant dans l'ombre et l'extase Bes fièvres.

Ouvrant ses flancs, ses seins, ses yeux, ses cours épars,

Dans Bes pores profonds reçoit de toutes parts

La pénétration de la sève sacrée.

(Eclaircie.)



Au service de la perspicacité ou de l'ampleur de ce regard, Hugo appellera toutes les richesses du système des images : l'allégorie, la comparaison, mais surtout la métaphore dont nul avant lui ne s'était tant servi. Elle sera le véhicule privilégié de toutes les antithèses et de toutes les hyperboles de cette poésie de grandeur et de contraste.

Mais la richesse de l'imagination ne serait rien sans la virtuosité technique. Toujours descriptive et expressive, même quand elle est historique ou philosophique, la poésie de Hugo exige de son créateur un véritable culte de tous les moyens de l'expression ; et d'abord du premier d'entre eux, le mot. Le vocabulaire de Hugo est ainsi fait d'abondance et de variété, sonore et sémantique. Il affectionne les mots aux sonorités mystérieuses, au pouvoir de suggestion intense. Il crée ou déforme des noms, propres ou communs. Son but, user de toute la vie et de toutes les vibrations de cette « population du langage » :



Les mots heurtent le front comme l'eau le récif ;

Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif

Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes ;

Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,

Sombres peuples, les mots vont et viennent en nous ;

Les mots sont les passants mystérieux de l'âme.

(Les Contemplations.)



L'agencement des mots ne l'intéresse pas moins. Toutes les strophes, tous les mètres sont dans son ouvre. Classique encore, c'est l'alexandrin qu'il préfère ; non pour le subir, mais pour user de toute sa souplesse, variant les coupes, jouant abondamment avec les rejets et les enjambements. Les rythmes enfin sont sans cesse par lui remodelés, sans cesse retravaillés pour coller de plus près à la mouvance de son imagination et de sa pensée : saccadés dans l'invective ou l'exaltation lyrique, amples sous le souffle épique, calmes et apaisés dans les temps de contemplation et de méditation, incantatoires et magiques dans les moments d'hallucination. Comme l'écrit si bien Gaétan Picon, le « magnifique langage de V. Hugo n'est rien d'autre que l'immense procès-verbal de sa vision ».

Chef de file des romantiques, il eut tous les dons des romantiques. Plus qu'aucun d'entre eux il eut une absolue confiance dans les pouvoirs du Verbe, et du Vers. Comme l'écrivit Mallarmé. « il fut le Vers. personnellement ».

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