François de Vigny |
I Si l'Orgueil prend ton cour quand le Peuple me nomme, Que de mes livres seuls te vienne la fierté. J'ai mis sur le cimier doré du gentilhomme Une plume de fer qui n'est pas sans beauté. J'ai fait illustre un nom qu'on m'a transmis sans gloire. Qu'il soit ancien, qu'importe ? - Il n'aura de mémoire Que du jour seulement où mon front l'a porté. II Dans le caveau des miens plongeant mes pas nocturnes, J'ai compté mes aïeux, suivant leur vieille loi. J'ouvris leurs parchemins, je fouillai dans leurs urnes Empreintes, sur le flanc, des sceaux de chaque Roi. - A peine une étincelle a relui dans leur cendre. C'est en vain que d'eux tous le sang m'a fait descendre; Si j'écris leur histoire, ils descendront de moi. III Ils furent opulents, Seigneurs de vastes terres, Grands chasseurs devant Dieu, comme Nemrod, jaloux Des beaux cerfs qu'ils lançaient des bois héréditaires Jusqu'où voulait la Mort les livrer à leurs coups; Suivant leur forte meute à travers deux provinces, Coupant les chiens du Roi, déroutant ceux des Princes, Forçant les sangliers et détruisant les loups; IV Galants guerriers sur terre et sur mer, se montrèrent Gens d'honneur en tous temps comme en tous lieux, [cherchant De la Chine au Pérou les Anglais, qu'ils brûlèrent Sur l'eau qu'ils écumaient du levant au couchant; Puis, sur leur talon rouge, en quittant les batailles, Parfumés et blessés revenaient à Versailles Jaser à l'Oil-de-bouf avant de voir leur champ. V Mais les champs de la Beauce avaient leurs cours, leurs [âmes, Leurs soins. Ils les peuplaient d'innombrables garçons, De filles qu'ils donnaient aux Chevaliers pour femmes, Dignes de suivre en tout l'exemple et les leçons. - Simples et satisfaits si chacun de leur race Apposait saint Louis en croix sur sa cuirasse, Comme leurs vieux portraits qu'aux murs noirs nous [plaçons. VI Mais aucun, au sortir d'une rude campagne, Ne sut se recueillir, quitter le Destrier, Dételer pour un jour ses palefrois d'Espagne, Ni des Coursiers de chasse enlever rétrier Pour graver quelque page et dire en quelque livre Comme son temps vivait et comment il sut vivre, - Dès qu'ils n'agissaient plus, se hâtant d'oublier. VII Tous sont morts en laissant leur nom sans auréole; Mais sur le disque d'or voilà qu'il est écrit, Disant : « Ici passaient deux races de la Gaule « Dont le dernier vivant monte au temple et s'inscrit, « Non sur l'obscur amas des vieux noms inutiles, « Des Orgueilleux méchants et des Riches futiles, « Mais sur le pur tableau des livres de l'Esprit. » VIII Ton règne est arrivé, pur Esprit, Roi du Monde ! Quand ton aile d'Azur dans la nuit nous surprit, Déesse de nos mours, la guerre vagabonde Régnait sur nos aïeux. - Aujourd'hui, c'est I'Ecrit, L'Ecrit universel, parfois impérissable, Que tu graves au marbre ou traînes sur le sable, Colombe au bec d'airain! visible Saint-Esprit! IX Seul et dernier anneau de deux chaînes brisées, Je reste. - Et je soutiens encor dans les hauteurs, Parmi les Maîtres purs de nos savants Musées, L'Idéal du Poète et des graves Penseurs. J'éprouve sa durée en vingt ans de silence, Et toujours, d'âge en âge encor, je vois la France Contempler mes tableaux et leur jeter des fleurs. X Jeune Postérité d'un vivant qui vous aime! Mes traits dans vos regards ne sont pas effacés; Je peux, en ce miroir, me connaître moi-même; Juges toujours nouveaux de nos travaux passés! Flots d'amis renaissants ! - Puissent mes Destinées Vous amener à moi, de dix en dix années Attentifs à mon ouvre, et pour moi c'est assez! |
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François de Vigny (1570 - ?) |
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Portrait de François de Vigny | |||||||||
Biografie / cronologieConformément aux préoccupations constamment manifestées par l'écrivain, nous avons étendu cette chronologie dans la direction du passé, à la recherche de la noblesse des ancêtres, et dans celle de l'avenir, à l'écoute des échos de l'ouvre renvoyés par la postérité. Bibliographie |
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