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auteurs essais
 

François Jacqmin



L'hiver - Poéme


Poéme / Poémes d'François Jacqmin





Si la chose est un miroir, quel visage se penche sur la blancheur?

L'impensable est la seule image qui puisse satisfaire celui qui la contemple.

L'usage d'une seule métaphore attristerait mortellement la neige.



Oui veut connaître la neige

doit retenir son haleine et

devenir exsangue comme l'immensité.

La main qui l'examine doit être au degré zéro de l'ardeur.

Ici, la seule faculté requise est l'inaptitude à la rhétorique.



Matin et soir, une même et naïve constance brille dans les yeux de la terre.

Le monde n'est plus éparpillé dans cette fécondité emphatique où le sol perdait patience.

Un seul moment cristallin constitue l'histoire du jour.



Par divisions impalpables, la neige vient à bout de toutes les alternatives de l'apparence.

Rien ne subsiste de ce qui frisait l'image.

Cependant, le visible abonde et scintille dans tous les sens.



Apaisé par le givre, je ne cherche plus un remède à l'ennui.

La détresse de l'esprit est superflue lorsqu'on a froid.



La matière exprime sa désinvolture autant dans notre conscience que dans le givre.

A l'esprit, elle propose l'énigme déplorable du réel.

Pour l'édification du paysage, elle soude les étincelles de la blancheur.

Pour peu, elle nous ferait admettre que le froid est un faux pas de la flamme.



Le pays gît dans une quiétude fermée.

L'approche du soir appuie un désir de vivre sobrement dans le passé.

On se met à rêver aux douleurs impossibles auxquelles on a survécu sans raison.

On se nourrit du rien dont le reste est fait.



La neige tombe sur l'oil comme une pierre subtile.

Elle éteint toute perspective

qui n'est pas

constellée.

Une intransigeance sans objet dirige son tourbillon.

C'est le trouble tranquille

où l'on retrouve sa

propre filiation à la bourrasque.



Le ciel hésite entre la lumière et le doute.

Certaines parties du jour tendent à exalter la perte d'identité.

Celui qui marche forme un soupçon.



Il neige.

Il n'est plus possible de faire le départ entre le jour et un cerveau où voltigent les idées grises.

On remet en question tout ce que l'on sait du style et des formes.

Soudées par un seul flocon babylonien, les nations ont renoncé à leur aberration ethnique.



Il est une forge où l'on

frappe l'eau jusqu'à l'immobilité.

Les poissons partagent le sort de cette embarrassante impotence.

Serait-ce un effet de l'indifférence que de parler d'équilibre lorsque rien ne bouge?



Les chiffres de la neige font une somme incalculable.
Les plus frileux la retiennent sans mémoire.

C'est le nombre immaculé d'un phénomène infiniment prouvé.

La rigueur ne fut jamais aussi poudreuse.



Le merle est dans les galeries de la ronce.

Le vide l'emprisonne : le froid lui a gercé le vol.

L'hiver tente de le pétrifier dans ses propres traces.



Le silence est devenu matière.

L'air a la dureté du noyau.

Façonner une parole est une épreuve qui revient désormais au sculpteur.

Il faut changer l'ordre de l'art là où le souffle se brise contre les sapins.



Les étoiles dissolvent leur signification et rendent la forêt poudreuse.

Lorsqu'on y marche, on voit que l'être et le néant ont la même pointure.



L'atmosphère a la dure fixité des musées -

Le buste du monde a le regard pur et absent des grands anciens.

L'existence cède au paradoxe de la pierre.

Une promenade prend l'aspect d'un combat au burin.



La nuit est le repaire des cristaux.

Limpide et noir, le gel en ordonne les avenues minutieuses.

On y voit le silence scellé dans l'air.

Un mot mal choisi fracti ce diamant.



L'eau est affligée du mystère du prisme.

On croit entendre un cri mis au secret.



La tempête de neige ressuscite un mythe rudimentaire.

Les formes captives de l'indistinct se déchaînent.

Le chemin est devenu une allégorie.

L'hermine revient subitement à la mémoire.



Le nid est vide.

Il n'y a plus qu'une liasse aérienne là où l'oiseau se dégrafait.

Le vent passe sans égard entre ces lignes jadis habitables.



La flamme de l'âtre enchante les yeux aux heures closes de la nuit.

Elle stimule le regard qui galope vers une existence antérieure la réalité est miraculeusement dépourvue de définitions.

Le songe suit le rythme des ombres.



Le carnage de l'hiver a engendré un polypier plat, immaculé: la neige.

Les enfants s'y précipitent avec une volupté qui n'infecte pas.

Jamais le froid n'eut autant de faiblesse envers l'homme.

Les étoiles de l'hiver rugissent dans le ciel glacé.

Elles ont cette flamme chaste qui ne brille que pour le cour impassible.

Leur lumière n'éclaire que des principes.



L'esprit savoure l'air incisif.

Il y retrouve une exactitude tant souhaitée.

Il applaudit à la rigueur qui épelle chaque chose avec la netteté du silence sec.

Sa jubilation est une braise taillée dans la glace.



Quel théâtre serait assez vaste pour supporter le poids de l'hiver?

Comment inventer la scène qui montrerait le feu qui inverse sa frénésie ?

On ne trouverait pas assez de pensées pour figurer la vraie blancheur.



Le chemin est étincelant et délicatement illisible.

Le jour a gravé quelques signes que le frisson croit comprendre.

Il faut s'attendre à l'obscur lorsqu'on précise la blancheur par du blanc.



Le grésil allume un petit feu sonore.

Sa flamme tinte dans le paysage minéral.

Il suffit de tendre l'oreille pour remonter aux origines du silex.



Comme toute mystique, le froid repose sur des axiomes inertes.

Pétrifiée, l'essence de l'être retrouve son etymologie absolue.

Le mouvement se reconvertit à la roue plate de la luge.



Le froid restaure ses gouffres.

On y trouve les signes fossiles d'une déraison blanche et bestiale.

Une implacable violence apparaît sous la lisse abstraction des contours.



Il est vain de demander son chemin lorsqu'il neige.

Autant parler d'institutions auprès du nomade pour qui le vent est un patrimoine et la rose un foyer.

A ce moment, la blancheur a l'âme de la cécité.

L'absence de lieu est portée à son incorruptible degré de perfection.



Rien ne bouge sinon cette sciure de surface que le vent soulève amèrement.

La voix des choses atteint péniblement la forme du son.

On se tient coi dans la fourrure de son haleine.



La prairie a la dureté du fagot.

La vieille rose achève ses jours sous une houppelande de neige.

On a condamné les portes.

Le charbon raconte ses festins mythiques.



L'hiver pèse cruellement sur le feu.

Son noir mépris de l'incandescence se lit dans la syncope des braises.

Il divulgue les secrets les plus chauds du charbon.

On lui résiste à coups de légendes.



Entre les buissons, il y a des parenthèses de neige susceptibles de réjouir le puriste.

Il faut y marcher pour découvrir un art que l'on approfondit par son propre pas.

C'est par les pieds que

l'on commente l'universalité de ce

langage.



La neige s'entasse doucement aux flancs des fenêtres.

Il est de tradition de ne pas ouvrir.

Pour peu, on croirait qu'il s'agit du néant, ce mal-aimé du monde !



Parfois, une clémence providentielle réchauffe une pincée d'éphémères.

Ils dansent dans le soleil parcimonieux, insouciant de la générosité accidentelle de l'époque.

Ils ont l'intensité folle et diaphane des phénomènes sans lendemain.

Leur liesse a la légèreté de la joie qui fuit sans amertume.



La méthode de l'hiver n'est pas sans singularité.

Il suffit que le froid effleure

le monde pour que

scintille le concept du brasero.



La sève abuse de sa léthargie.

Elle qualifie les anciennes frondaisons de passé inepte.

Elle envoie l'arbre aux antipodes.



Près du feu, les vieux feuillettent l'almanach de la tristesse.

Ils n'ont plus la force de raccomiw les ressorts brisés du passé.

Les regrets sont en fleurs sur leurs fenêtres.

Comme de doux enfants, ils suivent assidûment le chemin qui mène au piège irisé de la mort.



Près du feu, les vieux feuillettent l'almanach de la tristesse.

Ils n'ont plus la force de raccomiw les ressorts brisés du passé.

Les regrets sont en fleurs sur leurs fenêtres.

Comme de doux enfants, ils suivent assidûment le chemin qui mène au piège irisé de la mort.



Les nèfles ont choisi de pourrir, dignement.

Elles refusent le destin

de la pierre dont l'émiettement

est la gloriole

des saxifrages.



Le froid rend le germe ignare.

Son entêtement à nier toute chaleur fait retourner le monde aux premières heures de son immobilité.

Toute particule de sol semble souffrir d'un pesant défaut de mémoire.



L'aube enneigée a les sortilèges du nouveau-né.

La quiétude et l'absence de langage ouvrent un chemin qui se perd dans la dentelle.

Le pas est heureux d'être atténué.

La conscience qui regarde s'enfonce dans les bruits de la blancheur.



Une idée sublime et monstrueuse remue indubitablement.

Une nouvelle tyrannie se prépare à reprendre l'épopée de la boue.

Le vide se pare déjà d'une frange d'oiseaux.



Vers la fin, l'hiver est une blessure écourante.

Souillée, la neige est devenue un magma de menaces impuissantes.

La folie du devenir l'emporte.

La pensée ne songe plus qu'à son corps.



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François Jacqmin
(1929 - 1992)
 
  François Jacqmin - Portrait  
 
Portrait de François Jacqmin

Bibliographie

Le poète François Jacqmin fut un des principaux représentants du groupe dit des « Types en or », poètes et prosateurs belges se réclamant des surréalistes et animateurs de la revue Phantomas.

Chronologie

1929
: Naissance à Horion-Hozémont (Province de Liège).

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