François Villon |
Faulse beauté qui tant me couste chier, Rude en effect, ypocrite doulceur, Amour dure plus que fer a maschier, Nommer que puis, de ma desfaçon seur, Cherme félon, la mort d'ung povre cuer, Orgueil mussié qui gens met au mourir, Yeulx sans pitié, ne veult droit de rigueur, Sans empirer, ung povre secourir. Mieulx m'eust valu avoir esté serchier Ailleurs secours : c'eust esté mon honneur; Riens ne ni eust sceu hors de ce fait hachier. Trotter m'en fault en fuyte a deshonneur. Haro, haro, le grant et le mineur! E/ qu'est ce cy? Mourray sans coup ferir, Ou Pitié veult, selon ceste teneur, Sans empirer, ung povre secourir. Vng temps viendra qui fera dessechier, launir, flestrir vostre espanye fleur; le m'en risse, se tant peusse marchier L.ors; mais nennil, ce seroit donc foleur : L,as! viel seray; vous, laide, sans couleur, Or beuvez fort, tant que ru peut courir; Né donnez pas a tous ceste douleur, Sans empirer, ung povre secourir. Prince amoureux, des amans le greigneur, Vostre mal gré ne vouldroye encourir, Mais tout franc cuer doit pour Nostre Seign Sans empirer, ung povre secourir. Item, a maistre Ythier Marchant, Auquel mon branc laissai jadis, Donne, mais qu'il le mette en chant, Ce lay contenant des vers dix, Et au luz, ung De profundis Pour ses anciennes amours Desquelles le nom je ne dis, Car il me hairoit a tous jours. Mort, j'appelle de ta rigueur, Qui m'as ma maistresse ravie, Et n'es pas encore assouvie Se tu ne me tiens en langueur : One puis n'eus force ne vigueur; Mais que te nuysoit elle en vie, Mort? Deux estions et n'avions qu'ung cuer; S'il est mort, force est que dévie, Voire, ou que je vive sans vie Comme les images, par cuer. Mort! Item, a maistre Jehan Cornu Autre nouveau lais luy vueil faire, Car il m'a tous jours secouru A mon grant besoing et affaire; Pour ce, le jardin luy transfère, Que maistre Pierre Bobignon M'arenta, en faisant refaire L'uys et redrecier le pignon. Par faulte d'ung uys, j'y perdis Ung grez et ung manche de houe. Alors huit faulcons, non pas dix. N'y eussent pas prins une aloue. L'ostel est seur, mais qu'on le cloue. Pour enseigne y mis ung havet; Qui que l'ait prins, point ne l'en loue : Sanglante nuyt et bas chevet! Item, et pour ce que la femme De maistre Pierre Saint Amant (Combien, se coulpe y a a l'ame, Dieu luy pardonne doulcement !) Me mist ou renc de cayement, Pour le Cheval Blanc qui ne bouge Luy changay a une jument, Et la Mulle a ung asne touge. Item, donne a sire Denis Hesselin, esleu de Paris, Quatorze muys de vin d'Aulnis Prins sur Turgis a mes perilz. S'il en beuvoit tant que péris En fust son sens et sa raison, Qu'on mette de l'eau es barilz : Vin pert mainte bonne maison. Item, donne a mon advocat, Maistre Guillaume Charruau, Quoy que Marchant l'ot par estât, Mon branc; je me tais du fourreau. Il aura, avec, un g rëau En change, affin que sa bource enfle, Prins sur la chaussée et carreau De la grant cousture du Temple. Item, mon procureur Fournier Aura pour toutes ses corvées (Simple seroit de l'espargnier) En ma bource quatre havees, Car maintes causes m'a sauvées, Justes, ainsi, Jhesucrist m'aide ! Comme telles se sont trouvées; Mais bon droit a bon mestier d'aide. Item, je donne a maistre Jaques Raguier le Grant Godet de Grève, Pourveu qu'il paiera quatre plaques, Deust il vendre, quoy qu'il luy griefve, Ce dont on cueuvre mol et grève, Aller sans chausse, en eschappin, Se sans moy boit, assiet ne lieve, Au trou de la Pomme de Pin. Item, quant est de Merebeuf Et de Nicolas de Louviers, Vache ne leur donne ne beuf, Car vachiers ne sont ne bouviers, Mais gens a porter esperviers, Ne cuidez pas que je me joue, Et pour prendre perdris, plouviers, Sans faillir, sur la Machecoue. Item, viengne Robin Turgis A moy, je luy paieray son vin ; Combien, s'il treuve mon logis, Plus fort sera que le devin. Le droit luy donne d'eschevin, Que j'ay comme enfant de Paris : Se je parle ung peu poictevin, Ice m'ont deux dames apris. Elles sont très belles et gentes, Demourans a Saint Generou Près Saint Julien de Voventes, Marche de Bretaigne ou Poictou. Mais i ne di proprement ou Yquelles passent tous les jours; M'arme ! i ne seu mie si fou, Car i vueil celer mes amours. Item, a Jehan Raguier je donne, Qui est sergent, voire des Douze, Tant qu'il vivra, ainsi l'ordonne, Tous les jours une tallemouse, Pour bouter et fourrer sa mouse, Prinse a la table de Bailly; A Maubué sa gorge arrouse, Car au mengier n'a pas failly. Item, donne au Prince des Sotz, Pour ung bon sot Michault du Four, Qui a la fois dit de bons motz Et chante bien « Ma doulce amour ! » Il aura, avec, le bonjour; Brief, mais qu'il fust ung peu en point, Il est ung droit sot de séjour, Et est plaisant ou il n'est point. Item, aux Unze Vingt Sergens Donne, car leur fait est honneste Et sont bonnes et doulces gens, Denis Richier et Jehan Vallette, A chascun une grant cornete Pour pendre a leurs chappeaulx de faultre; J'entends a ceulx a pié, hohete ! Car je n'ay que faire des autres. De rechief, donne a Perrenet J'entens le Bastard de la Barre, Pour ce qu'il est beau filz et net, En son escu, en lieu de barre, Trois dez plombez, de bonne carre, O ung beau joly jeu de cartes. Mais quoy? s'on l'oyt vecir ne poirre, En oultre aura les fièvres quartes. Item, ne vueil plus que Cholet Dolle, trenche, douve ne boise, Relie broc ne tonnelet, Mais tous ses houstilz changier voise A une espee lyonnoise, Et retiengne le hutinet : Combien qu'il n'ayme bruyt ne noise, Si luy plaist il ung tantinet. Item, je donne a Jehan le Lou, Homme de bien et bon marchant, Pour ce qu'il est linget et flou, Et que Cholet est mal serchant, Ung beau petit chiennet couchant Qui ne lairra poulaille en voye, Ung long tabart et bien cachant Pour les mussier, qu'on ne les voye. Item, a l'Orfèvre de Bois, Donne cent clouz, queues et testes, De gingembre sarrazinois, Non pas pour accouppler ses boetes, Mais pour conjoindre culz et coetes, Et couldre jambons et andoulles, Tant que le lait en monte es têtes Et le sang en devalle es coulles. Au cappitaine Jehan Riou, Tant pour luy que pour ses archiers, Je donne six hures de lou, Qui n'est pas viande a porchiers, Prins a gros mastins de bouchiers, Et cuites en vin de buffet. Pour mengier de ces morceaulx chiers, On en feroit bien ung malfait. C'est viande ung peu plus pesante Que duvet, ne plume, ne liège. Elle est bonne a porter en tente, Ou pour user en quelque siège. S'ilz estoient prins a ung piège, Que ces mastins ne sceussent courre, J'ordonne, moy qui suis son miege, Que des peaulx, sur l'yver, se fourre. Item, a Robinet Trascaille, Qui en service s'est bien fait : A pié ne va comme une caille, Mais sur rouan gros et reffait, Je luy donne, de mon buffet, Une jatte qu'emprunter n'ose; Si aura mesnage parfait : Plus ne luy falloit autre chose. Item, donne à Perrot Girart, Barbier juré du Bourg la Royne, Deux bacins et ung coquemart, Puis qu'a gaignier met telle paine. Des ans y a demie douzaine Qu'en son hostel de cochons gras. M'apatella une sepmaine, Tesmoing l'abesse de Pourras. Item, aux Frères mendians, Aux Dévotes et aux Béguines, Tant de Paris que d'Orléans, Tant Turlupins que Turlupines, De grasses souppes jacoppines Et flans leur fais oblacion ; Et puis après, soubz les courtines, Parler de contemplacion. Si ne suis je pas qui leur donne, Mais de tous enfans sont les mères, Et Dieu, qui ainsi les guerdonne, Pour qui seuffrent paines ameres, Il faut qu'ilz vivent, les beaulx pères, Et mesmement ceulx de Paris. S'ilz font plaisir a nos commères, Ilz ayment ainsi leurs maris. Quoy que maistre Jehan de Poullieu En voulsist dire et reliqua, Contraint et en publique lieu, Honteusement s'en révoqua. Maistre Jehan de Mehun s'en moqua ; De leur façon si fist Mathieu; Mais on doit honnorer ce qu'a Honnoré l'Eglise de Dieu. Si me soubmectz, leur serviteur En tout ce que puis faire et dire, A les honnorer de bon cuer Et obeïr, sans contredire; L'homme bien fol est d'en mesdire, Car, soit a part ou en preschier Ou ailleurs, il ne fault pas dire Se gens sont pour eux revenchier. Item, je donne a frère Baude, Demourant en l'ostel des Carmes, Portant chiere hardie et baude, Une sallade et deux guysarmes, Que Detusca et ses gens d'armes Ne lui riblent sa caige vert. Viel est : s'il ne se rent aux armes, C'est bien le deable de Vauvert. Item, pour ce que le Scelleur Maint estront de mouche a maschié, Donne, car homme est de valeur, Son seau d'avantage crachié, Et qu'il ait le poulce escachié, Pour tout empreindre a une voye; J'entens celuy de l'Eveschié, Car les autres, Dieu les pourvoye ! Quant des auditeurs messeigneurs, Leur granche ilz auront lambroissee ; Et ceulx qui ont les culz rongneux, Chascun une chaire percée; Mais qu'a la petite Macee D'Orléans qui ot ma sainture, L'amende soit bien hault tauxee : Elle est une mauvaise ordure. Item, donne a maistre François, Promoteur de la Vacquerie Ung hault gorgerin d'escossois, Toutesfois sans orfaverie; Car, quant receut chevallerie, Il maugréa Dieu et saint George. Parler n'en oit qu'il ne s'en rie. Comme enragié, a plaine gorge. Item, a maistre Jehan Laurens, Qui a les povres yeulx si rouges Par le pechié de ses parens Qui burent en barilz et courges, Je donne l'envers de mes bouges Pour tous les matins les torchier; S'il fust arcevesque de Bourges, Du sendail eust, mais il est chier. Item, a maistre Jehan Cotart, Mon procureur en court d'Eglise, Devoye environ ung patart, Car a présent bien m'en advise, Quant chicaner me feist Denise, Disant que l'avoye mauldite; Pour son ame, qu'es cieulx soit mise, Ceste oroison j'ay cy escripte. |
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François Villon (1431 - 1463) |
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