François Villon |
Car ou soies porteur de bulles, Pipeur ou hasardeur de dez, Tailleur de jaulx coings, tu te brusles, Comme ceulx qui sont eschaudez, Traistres parjurs, defoy vuydez; Soies larron, ravis ou pilles, Ou en va Vacquest, que cuidez? Tout aux tavernes et aux filles. Ryme, raille, cymballe, luttes, Comme fol, fainctif, eshontez ; Farce, broulle, joue des fleustes; Fais, es villes et es citez, Farces, jeux et moralitez; Gaigne au berlanc, au glic, aux quilles. Aussi bien va, or escoutez! Tout aux tavernes et aux filles. De telz ordures te recuites, Laboure, fauche champs et prez, Sers et pense chevaux et mulles, S'aucunement tu n'es lettrez; Assez auras, se prens en grez. Mais, se chanvre broyés ou tilles, Ne tens ton labour qu'as ouvrez. Tout aux tavernes et aux filles. Chausses, pourpoins esguilletez, Robes, et toutes vos drappilles, Ains que vous fiassiez pis, portez Tout aux tavernes et aux filles. A vous parle, compaings de galle : Mal des âmes et bien du corps, Gardez vous tous de ce mau hasle Qui noircist les gens quant sont mors; Eschevez le, c'est ung mal mors ; Passez vous en mieulx que pourrez; Et, pour Dieu, soiez tous recors Qu'une fois viendra que mourrez. Item, je donne aux Quinze Vings (Qu'autant vauldroit nommer Trois Cens) De Paris, non pas de Provins, Car a eulx tenu je me sens ; Ilz auront, et je m'y consens, Sans les estuys, mes grans lunettes, Pour mettre a part, aux Innocens, Les gens de bien des deshonnestes. Icy n'y a ne ris ne jeu. Que leur vault avoir eu chevances. N'en grans lis de parement jeu, Engloutir vins en grosses pances, Mener joye, restes et dances, Et de ce prest estre a toute heure ? Toutes faillent telles plaisances, Et la coulpe si en demeure. Quant je considère ces testes Entassées en ces charniers, Tous furent maistres des requestes, Au moins de la Chambre aux Deniers, Ou tous furent portepanniers : Autant puis l'ung que l'autre dire, Car d'evesques ou lanterniers Je n'y congnois riens a redire. Et icelles qui s'inclinoient Unes contre autres en leurs vies, Desquelles les unes regnoient Des autres craintes et servies, La les voy toutes assouvies, Ensemble en ung tas peslemesle. Seigneuries leur sont ravies; Clerc ne maistre ne s'y appelle. Or sont ilz mors, Dieu ait leurs âmes ! Quant est des corps, ilz sont pourris. Aient esté seigneurs ou dames, Souef et tendrement nourris De cresme, fromentee ou riz, Leurs os sont déclinez en pouldre, Auxquelz ne chault d'esbatz ne ris. Plaise au doulx Jhesus les absouldre ! Aux trespassez je fais ce laiz, Et icelluy je communique A regens, cours, sièges, palaiz, Hayneurs d'avarice l'inique, Lesquelz pour la chose publique Se seichent les os et les corps : De Dieu et de saint Dominique Soient absols quant seront mors ! Item, riens a Jaquet Cardon, Car je n'ay riens pour luy d'onneste, Non pas que le gette habandon, Sinon ceste bergeronnette; S'elle eust le chant « Marionnette », Fait pour Marion la Peautarde, Ou d' « Ouvrez vostre huys, Guillemette », Elle allast bien a la moustarde : |
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François Villon (1431 - 1463) |
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Portrait de François Villon | |||||||||