François Villon |
Dame des cieulx, régente terrienne, Emperiere des infernaux palus, Recevez moy, vostre humble chrestienne, Que comprinse soye entre vos es lus, Ce non obstant qu'oricques rien ne valus. Les biens de vous, Ma Dame et Ma Maistresse, Sont trop plus grans que ne suis pécheresse, Sans lesquelz biens ame ne peut merir N avoir les cieulx, je n'en suis jangleresse. En ceste foy je vueil vivre et mourir. A vostre Filz dictes que je suis sienne; De luy soyent mes péchiez absolus; Pardonne moy comme a l'Egipcienne, Ou comme il feist au clerc Theophilus, Lequel par vous fut quitte et absolus, Combien qu'il eust au deable fait promesse. Préservez moi de faire jamais ce, Vierge portant, sans rompure encourir, Le sacrement qu'on célèbre a la messe. En ceste foy je vueil vivre et mourir. Femme je suis povrette et ancienne, Qui riens ne sçay; oncques lettres ne lus. Au moustier voy dont suis paroissienne Paradis paint, ou sont harpes et lus, Et ung enfer ou dampnez sont boullus : L'ung me fait paour, Vautre joye et liesse, ha joye avoir me fay, haulte Déesse, A qui pécheurs doivent tous recourir, Comblez defoy, sans fainte ne paresse. En ceste foyje vueil vivre et mourir. Vous portastes, digne Vierge, princesse, lesus régnant qui n'a ne fin ne cesse. Le Tout Puissant, prenant nostre foiblesse, Laissa les cieulx et nous vint secourir, Offrit a mort sa très chiere jeunesse; Nostre Seigneur tel est, tel le confesse. En ceste foyje vueil vivre et mourir. Item, m'amour, ma chiere rose, Ne luy laisse ne cuer ne foye; Elle ameroit mieulx autre chose, Combien qu'elle ait assez monnoye. Quoy? une grant bource de soye, Plaine d'escus, parfonde et large; Mais pendu soit il, que je soye, Qui luy lairra escu ne targe. Car elle en a, sans moy, assez. Mais de cela il ne m'en chault; Mes plus grans dueilz en sont passez, Plus n'en ay le croppion chault. Si m'en desmetz aux hoirs Michault, Qui fut nommé le Bon Fouterre ; Priez pour luy, faictes ung sault : A Saint Satur gist, soubz Sancerre. Ce non obstant, pour m'acquitter Envers Amours, plus qu'envers elle, Car onques n'y peuz acquester D'espoir une seule estincelle (Je ne sçay s'a tous si rebelle A esté, ce m'est grand esmoy; Mais, par sainte Marie la belle ! Je n'y voy que rire pour moy), Ceste ballade luy envoyé Qui se termine tout par R. Qui luy portera? Que je voye. Ce sera Pernet de la Barre, Pourveu, s'il rencontre en son erre Ma damoiselle au nez tortu, Il luy dira, sans plus enquerre : « Orde paillarde, dont viens-tu? » |
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François Villon (1431 - 1463) |
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Portrait de François Villon | |||||||||