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François Villon



La belle heaulmière aux filles de joie - Poéme


Poéme / Poémes d'François Villon





«
Or y pensez., belle
Gantière
Qui m'escoliere soûliez estre,
Et vous,
Blanche la
Savetiere,
Or est il temps de vous congnoistre.
Prenez a destre et a senestre;
N'espargnez homme, je vous prie :
Car vielles n'ont ne cours ne estre,
Ne que monnoye qu'on descrie.



«
Et vous, la gente
Saulciciere
Qui de dancer estes adestre,
Guillemete la
Tappiciere,
Ne mesprenez vers vostre maistre :
Tost vous fauldra clorre fenestre,
Quant deviendrez vielle, flestrie;
Plus ne servirez qu'ung viel prestre,
Ne que monnoye qu'on descrie.



«
Jehattneton la
Chapperonniere,
Gardez qu'amy ne vous empestre;
Et
Katherine la
Bourciere,
N'envoyez plus les hommes paistre :
Car qui belle n'est, ne perpètre
Leur maie grâce, mais leur rie.
Laide viellesse amour n empestre,
Ne que monnoye qu'on descrie.



«
Filles, vueillez vous entremettre
D'escouter pourquoy pleure et crie :
Pour ce que je ne me puis mettre,
Ne que monnoye qu'on descrie. »



Ceste leçon icy leur baille
La belle et bonne de jadis;
Bien dit ou mal, vaille que vaille,
Enregistrer j'ay faict ces dis



Par mon clerc
Fremin l'estourdis,
Aussi rassis que je puis estre.
S'il me desment, je le mauldis :
Selon le clerc est deu le maistre.



Si aperçoy le grant dangier
Ouquel l'homme amoureux se boute
Et qui me vouldroit laidangier
De ce mot, en disant : «
Escoutc !
Se d'amer t'estrange et reboute
Le barat d'icelles nommées,
Tu fais une bien folle doubte,
Car ce sont femmes diffamées.



«
S'ilz n'ayment fors que pour l'argent.
On ne les ayme que pour l'eure;
Rondement ayment toute gent,
Et rient lors que bource pleure,
De celles cy n'est qui ne queure;
Mais en femmes d'onneur et nom
Franc homme, se
Dieu me sequeure,
Se doit emploier; ailleurs, non. »



Je prens qu'aucun dye cecy,
Si ne me contente il en rien.
En effect il conclut ainsy,
Et je le cuide entendre bien,
Qu'on doit amer en lieu de bien.
Assavoir mon se ces filières
Qu'en parolles toute jour tien
Ne furent ilz femmes honnestes?



Honnestes si furent vraiement,

Sans avoir reproches ne blasmes.

Si est vray qu'au commencement

Une chascune de ces femmes

Lors prindrent, ains qu'eussent diffames,

L'une ung clerc, ung lay, l'autre ung moine,

Pour estaindre d'amours les flammes

Plus chauldes que feu
Saint
Anthoine.



Or firent selon le
Décret
Leurs amys, et bien y appart;
Ilz amoient en lieu secret,
Car autre qu'eulx n'y avoit part.



Toutesfois, ceste amour se part :
Car celle qui n'en amoit qu'un
D'iceluy s'eslongne et despart,
Et aime mieulx amer chascun.



Qui les meut a ce?
J'ymagine,
Sans l'onneur des dames blasmer,
Que c'est nature femenine
Qui tout vivement veult amer.
Autre chose n'y sçay rimer,
Fors qu'on dit a
Rains et a
Troies,
Voire a l'Isle et a
Saint
Orner,
Que six ouvriers font plus que trois.



Or ont les faulx amans le bont

Et les dames prins la voilée;

C'est le droit loyer qu'amours ont :

Toute foy y est viollee,

Quelque doulx baisier n'acollee.

«
De chiens, d'oyseaulx, d'armes, d'amours, »

Chascun le dit a la voilée,

«
Pour ung plaisir mille doulours. »

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François Villon
(1431 - 1463)
 
  François Villon - Portrait  
 
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