François Villon |
Au retour de dure prison, Ou j'ai laissié presque la vie, Se Fortune a sur moy envie, Jugiez s'elle fait mesprison! Il me semble que, par raison, Elle deust bien estre assouvie Au retour. Se si plaine est de desraison Que vueille que du tout desvie, Plaise a Dieu que l'ame ravie En soit lassus en sa maison, Au retour! Item, donne a maistre Lomer, Comme extraict que je suis de fee, Qu'il soit bien amé (mais d'amer Fille en chief ou femme coeffee, Ja n'en ayt la teste eschauffee) Et qu'il ne luy couste une noix Faire ung soir cent fois la faffee, En despit d'Ogier le Danois. Item, donne aux amans enfermes, Sans le lay maistre Alain Chartier, A leurs chevez, de pleurs et lermes Trestout fin plain ung benoistier, Et ung petit brin d'esglantier, Qui soit tout vert, pour guipillon, Pourveu qu'ilz diront ung psaultier Pour l'ame du povre Villon. Item, a maistre Jaques James, Qui se tue d'amasser biens, Donne fiancer tant de femmes Qu'il vouldra; mais d'espouser, riens. Pour qui amasse il? Pour les siens. Il ne plaint fors que ses morceaulx; Ce qui fut aux truyes, je tiens Qu'il doit de droit estre aux pourceaulx. Item, sera le Seneschal, Qui une fois paya mes debtes, En recompense, mareschal Pour ferrer oes et canettes. Je lui envoie ces sornettes Pour soy desennuyer; combien, S'il veult, face en des alumettes : De bien chanter s'ennuye on bien. Item, au Chevalier du Guet Je donne deux beaulx petiz pages, Philebert et le gros Marquet, Qui très bien servy, comme sages, La plus partie de leurs aages, Ont le prevost des mareschaulx. Helas ! s'ilz sont cassez de gages, Aller leur fauldra tous deschaulx. Item, a Chappelain je laisse Ma chappelle a simple tonsure, Chargée d'une seiche messe Ou il ne faut pas grant lecture. Resigné luy eusse ma cure, Mais point ne veult de charge d'ames ; De confesser, ce dit, n'a cure, Sinon chamberieres et dames. Pour ce que scet bien mon entente Jehan de Calais, honnorable homme, Qui ne me vit des ans a trente Et ne scet comment je me nomme, De tout ce testament, en somme, S'aucun y a difficulté, Oster jusqu'au rez d'une pomme Je luy en donne faculté. De le gloser et commenter, De le diffinir et descripre, Diminuer ou augmenter, De le canceller et prescripre De sa main et, ne sceut escripre, Interpréter et donner sens, A son plaisir, meilleur ou pire : A tout cecy je m'y consens. Et s'aucun, dont n'ay congnoissance, Estoit allé de mort a vie, Je vueil et lui donne puissance, Affin que l'ordre soit suyvie, Pour estre mieulx parassouvie, Que ceste aumosne ailleurs transporte, Sans se l'appliquer par envie ; A son ame je m'en rapporte. Item, j'ordonne a Sainte Avoye, Et non ailleurs, ma sépulture ; Et, affin que chascun me voie, Non pas en char, mais en painture, Que l'on tire mon estature D'ancre, s'il ne coustoit trop chier. De tombel? riens : je n'en ay cure, Car il greveroit le planchier. Item, vueil qu'autour de ma fosse Ce que s'ensuit, sans autre histoire, Soit escript en lettre assez grosse, Et, qui n'auroit point d'escriptoire, De charbon ou de pierre noire, Sans en riens entamer le piastre; Au moins sera de moi mémoire Telle qu'elle est d'un g bon follastre : |
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François Villon (1431 - 1463) |
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Portrait de François Villon | |||||||||