François Villon |
Advis m'est que j'oy regretter La belle qui fut hëaulmière, Soi jeune fille souhaiter Et parler en telle manière : « Ha ! vieillesse félonne et fière, Pourquoi m'as si tôt abattue? Qui me tient, qui, que me fière Et qu'à ce coup je ne me tue? « Tollu m'as la haute franchise Que beauté m'avait ordonné Sur clercs, marchands et gens d'Eglise : Car lors il n'était homme né Qui tout le sien ne m'eût donné, Quoi qu'il en fût des repentailles, Mais que lui eusse abandonné Ce que refusent truandailles. « A maint homme l'ai refusé, Qui n'était à moi grand sagesse, Pour l'amour d'un garçon rusé, Auquel j'en fis grande largesse. A qui que je fisse finesse, Par mon âme, je l'aimais bien. Or ne me faisait que rudesse, Et ne m'aimait que pour le mien... « Or est-il mort, passé trente ans, Et je remains, vieille, chenue. Quand je pense, hélas! au bon temps, Quelle fus, quelle devenue ; Quand me regarde toute nue, Et je me vois si très changée, Pauvre, sèche, maigre, menue, Je suis presque toute enragée. « Qu'est devenu ce front poli, Ces cheveux blonds, sourcils voultis, Grand entrceil, le regard joli, Dont je prenais les plus soutis; Ce beau nez droit, grand ni petis, Ces petites jointes oreilles, Menton fourchu, clair vis traictis, Et ces belles lèvres vermeilles?... « Ainsi le bon temps regrettons Entre nous, pauvres vieilles sottes, Assises bas, à croupetons, Tout en un tas comme pelotes, A petit feu de chenevotes Tôt allumées, tôt éteintes; Et jadis fûmes si mignottes ! Ainsi en prend à maints et maintes. » |
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François Villon (1431 - 1463) |
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Portrait de François Villon | |||||||||