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François Zola

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LES ROUGON-MACQUART


Poésie / Poémes d'François Zola





La guerre finie, la défaite digérée, Zola se donne tout entier à la suite des Rougon-Macquart. Son pavillon des Batignolles est devenu une véritable forcerie littéraire. Pour se délasser entre deux chapitres, il descend dans son jardin, vêtu d'un tricot troué et de vieux pantalons, chaussé de gros souliers de paysan, et se met à bêcher son petit coin de terre, à soigner ses rosiers ou à arroser ses salades. Son chien Bertrand le suit pas à pas. Zola lui a construit une niche avec des planches de rebut. Mme Coco et Mme Canard le regardent avec attendrissement se livrer à ces menus travaux manuels. De leur côté, elles élèvent des poules et des lapins, et se partagent les occupations du ménage, heureuses de cette modeste aisance après les privations et les angoisses des derniers mois. Parfois aussi, Zola s'habille en bourgeois et se rend « à la ville » pour se documenter dans la Bibliothèque qui n'est plus impériale mais nationale. Ou bien il va au café Le Guerbois afin d'y retrouver quelques amis. Mais l'humeur y est moins gaie qu'autrefois. Certains des habitués, dont le joyeux Frédéric Bazille, sont tombés sur le champ de bataille. Zola préfère recevoir ses intimes, le jeudi, à la table familiale. Alexandrine est excellente cuisinière. Elle n'a pas son pareil pour confectionner une bouillabaisse lourdement épicée ou un civet de lièvre embaumant le vin et l'oignon.





Ces repas pesants n'empêchent pas Zola de se rasseoir avec entrain à son bureau dès que ses invités sont partis. Ses digestions sont rapides et sa pensée reste claire. Il ne se lance dans un roman qu'après en avoir solidement établi les prémices dans cinq dossiers : le premier, qu'il intitule Ébauche, indique les caractéristiques des héros et esquisse l'idée générale du livre; le deuxième précise, sur des fiches, l'état civil, les antécédents héréditaires, les traits saillants des personnages ; le troisième est une enquête sur le milieu où ils évoluent, la profession qu'ils exercent, etc. ; le quatrième comprend des notes de lecture, des coupures de journaux, des renseignements émanant d'amis interrogés sur tel ou tel détail pour « faire vrai » ; le cinquième enfin, c'est le plan, chapitre par chapitre. À partir de ces matériaux patiemment assemblés, Zola donne libre cours à sa verve. Il écrit trois à cinq pages par jour, d'une seule volée, sans presque se relire, sans raturer, sans insérer de rajouts dans les marges. Quelques années plus tard, il confiera à un journaliste russe : « Je travaille de la manière la plus bourgeoise. Mes heures sont fixées : le matin, je m'assieds à ma table comme un marchand à son comptoir, j'écris tout doucement, en moyenne trois pages par jour, sans recopier ; imaginez-vous une femme qui brode de la laine, point par point... Je ne mets ma phrase sur le papier que lorsqu'elle est parfaitement disposée dans ma tête. Comme vous voyez, tout ceci est extraordi-nairement ordinaire1. »

Ce qui ne l'est pas, c'est la flamme qui anime ces textes si minutieusement préparés. Il y a un contraste saisissant entre la sagesse méthodique de la besogne et la violence inspirée du résultat. Toute la structure interne des Rougon-Macquart est expliquée par la névrose d'Adélaïde Fouque, dont le père a fini dans la démence et qui, après la mort de son mari, un simple domestique nommé Pierre Rougon, a pris pour amant un ivrogne, Antoine Macquart. La descendance de celle qu'on appelle tante Dide sera ainsi marquée par la double malédiction de la folie et de l'alcoolisme. Chaque surgeon de l'arbre généalogique portera la trace de cette terrible hérédité, avec des variantes dues à la différence des tempéraments, des sexes et des milieux. En passant d'un volume à l'autre, le lecteur fera la connaissance de toutes les familles issues de ce tronc à la fois robuste et pourri. Et l'ensemble aura l'ampleur d'un panorama de la société du Second Empire et la netteté sans concessions d'une étude scientifique. Il y a quelques mois déjà que Zola, guidé par cette vision grandiose, a entamé la rédaction du deuxième tome du cycle, intitulé La Curée. Il y évoque l'aventure d'Aristide Rougon, un jeune loup affamé qui, monté à Paris au lendemain du coup d'Etat, épouse une petite bourgeoise enceinte dont il faut « laver la faute », se lance dans la spéculation foncière et édifie une fortune colossale, tandis que sa seconde femme, Renée, une jouisseuse esseulée, s'éprend de son beau-fils, Maxime, et, ruinée par son mari, meurt d'une méningite. Ce roman âpre et sensuel est à la fois la condamnation du monde des affaires, avec ses intrigues féroces, ses débauches, son clinquant, sa fausse respectabilité, et la peinture d'une « nouvelle Phèdre », d'une « Parisienne pervertie » se livrant à l'inceste dans les bras d'un adolescent veule et à demi consentant. Zola, n'ayant jamais fréquenté l'univers fastueux et corrompu qu'il décrit, s'est documenté avec son sérieux habituel. Il a visité l'hôtel de M. Menier au parc Monceau, s'est renseigné auprès de ses amis plus huppés sur les toilettes des femmes à la mode, les livrées des domestiques, les particularités des équipages de la gentry, a étudié les bouleversements de Paris selon les plans fantastiques d'Haussmann, s'est plongé dans des livres sur les emprunts du Crédit foncier et le code des expropriations. En honnête artisan, il compte sur l'exactitude des détails pour donner toute sa force à ce tableau de la décadence faisandée et galante du Second Empire. Dès la parution des premiers chapitres de La Curée dans La Cloche, c'est le scandale. Des lecteurs indignés écrivent au procureur de la République. Celui-ci convoque Zola et lui conseille, avec courtoisie et fermeté, d'interrompre la publication d'un feuilleton qui offusque tant de monde. En cas de refus, il se verra contraint de saisir le journal. Pour convaincre Zola, qui tombe des nues, il lui met sous les yeux des lettres où on l'accuse de pornographie : « Même en république, on laisse passer ces ordures d'alcôve! » Afin d'éviter des poursuites contre La Cloche, Zola s'incline. Mais il tient à se justifier dans une lettre ouverte à Louis Ulbach, laquelle est immédiatement insérée en première page du journal : « Ce n'est pas le procureur de la République, c'est moi qui vous prie de suspendre la publication du roman... La Curée n'est pas une ouvre isolée, elle tient à un grand ensemble, elle n'est qu'une phrase musicale de la vaste symphonie que je rêve... Je tiens à constater d'ailleurs que le premier épisode a été publié par Le Siècle, sous l'Empire, et que je ne me doutais guère alors d'être un jour entravé dans mon ouvre par un procureur de la République... Devais-je me taire, pouvais-je laisser dans l'ombre cet éclat de débauche qui éclaire le Second Empire d'un jour suspect de mauvais heu ?... La Curée, c'est la plante malsaine poussée sur le fumier impérial, c'est l'inceste grandi dans le terreau des millions... Ma Renée, c'est la Parisienne affolée, jetée au crime par le luxe et la vie à outrance; mon Maxime, c'est le produit d'une société épuisée, l'homme-femme, la chair inerte qui accepte les dernières infamies ; mon Aristide, c'est le spéculateur né des bouleversements de Paris, l'enrichi impudent, qui joue à la Bourse avec tout ce qui lui tombe sous la main, femmes, enfants, honneur, pavés, conscience. Et j'ai essayé, avec ces trois monstruosités sociales, de donner une idée de l'effroyable bourbier dans lequel la France se noyait... Cependant, je m'habitue difficilement à cette idée que c'est un procureur de la République qui m'a averti du danger offert par cette satire de l'Empire. Nous ne savons pas aimer la liberté en France d'une façon entière et virile1. »



Or, c'est là une mauvaise réponse. Ce que certains lecteurs reprochent à Zola, ce n'est point tant sa dénonciation des tares du Second Empire que sa complaisance envers l'érotisme. Élevés dans le corset d'une fausse morale, ils s'indignent à la description d'une nuit d'amour où Renée se conduit en homme, dominant son beau-fils alangui, énervé, lequel subit ses caresses avec une passivité reconnaissante. Sous les mains agiles de sa belle-mère, il est, dit Zola, « un être neutre, blond et joli », « une grande fille, avec ses membres épilés, ses maigreurs gracieuses d'éphèbe romain ». Sans doute Zola a-t-il éprouvé une volupté intense en évoquant, seul dans son bureau, cet accouplement androgyne. Comme toujours, sa sensualité refoulée s'est libérée dans l'écriture. Il a été tout ensemble Renée la dévoreuse et Maxime la proie du plaisir. Dès l'arrêt de la publication, Le Constitutionnel triomphe : « En littérature, M. Zola appartient à la bande de Vallès, qui se croit réaliste et n'est que malpropre. On sait ce qu'a produit en politique cette école, mère de la Commune. »



Lorsque La Curée sort en volume chez Lacroix, elle tombe dans une sorte de conspiration du silence. Sans se donner le mot, la plupart des journaux évitent d'en parler. Ils sont trop occupés par la politique d'aujourd'hui pour s'intéresser aux amours d'hier. Pour comble de malchance, voici que Lacroix est déclaré en faillite, ce qui coupe net le lancement du livre. Emu par la déconfiture de son jeune confrère, Théophile Gautier le recommande à son propre éditeur : Georges Charpentier. Il n'est que temps ! Zola se trouve sur le sable. Il n'a même pas de quoi se payer un costume convenable pour rendre visite à son éventuel sauveur. Georges Charpentier, qui n'a que trente-cinq ans, l'accueille avec une amabilité respectueuse. Il sait reconnaître les talents sûrs et n'hésite pas à s'engager quand un livre lui plaît ou qu'une tête lui revient. Sans tergiverser davantage, il propose à Zola de lui prendre deux romans par an moyennant le versement d'une mensualité de cinq cents francs et de racheter à Lacroix, pour huit cents francs, le droit d'exploiter La Fortune des Rougon et La Curée. Sauvé ! Zola rentre à la maison en triomphateur. Désormais, il pourra travailler à la suite des Rougon-Macquart sans trembler pour ses fins de mois.



Déjà le voici embarqué dans la rédaction du Ventre de Paris. S'il a été captivé par tout ce qu'il a appris en se documentant sur la haute société sous le Second Empire, c'est une véritable hallucination qui s'empare de lui lorsqu'il découvre l'univers des Halles. Saisi de passion, il se sent à la fois peintre et romancier devant l'amoncellement des victuailles offertes à la fringale des Parisiens. Jour après jour, il visite les pavillons, les caves, les resserres, note la forme des toitures, la disposition des différents secteurs : boucherie, poissonnerie, fruits et légumes, fromagerie, consulte les règlements de police et d'octroi, trace le plan du quartier en précisant la caractéristique de chaque rue, ouvre ses narines sur les puissantes odeurs qui se dégagent de cette monstrueuse concentration de nourriture. Peu à peu, dans sa tête, les Halles cessent d'être un décor pour devenir une entité mythique, le principal personnage du roman. L'intrigue, elle, est fondée sur l'opposition entre les maigres et les gras. Florent, le rêveur, « le maigre », l'ancien proscrit, évadé du bagne, se laisse reprendre par la politique et fonde une société secrète. Dénoncé, il sera arrêté et renvoyé à Cayenne. Son demi-frère, Quenu, « le gras », un charcutier enrichi, et Lisa, sa femme, petite bourgeoise à la chair calme et à l'esprit cupide, sont incapables d'imaginer que les honnêtes gens puissent crever de faim. Les maigres, idéalistes et naïfs, finissent toujours par succomber, face aux gras qui ne songent qu'à s'emplir les poches sous quelque régime que ce soit. Ainsi la conclusion pessimiste du Ventre de Paris rejoint celle de La Fortune des Rougon. Ce qui frappe le plus le lecteur de l'époque, ce n'est pas la signification profonde du livre, mais l'extraordinaire bouquet de sensations dont il déborde. Qu'il s'agisse de l'arrivage des poissons, avec ses avalanches d'écaillés luisantes, du remuement rugueux des langoustes, enveloppées d'une fraîche odeur de marée, ou du rempart hétéroclite des fromages qui, du brie au camembert et du roquefort au cantal, exhalent une délicieuse puanteur, tout, dans ce temple de la boustifaille, flatte les plus bas appétits de l'homme et l'invite à ne penser qu'aux joies du ventre. Les marchandes elles-mêmes sont imprégnées de ces robustes relents. Sarriette, la fruitière, a « une odeur de prune » qui monte de ses jupes. Son fichu « sent la fraise ». La Normande a, comme un parfum persistant attaché à sa peau, d'une finesse de soie, « un suint de marée coulant des seins superbes, des bras royaux, de la taille souple, mettant un arôme rude à son odeur de femme ». Cadine, la fleuriste, est, à elle seule, « un bouquet tiède et vivant ». Aux Halles, on dirait que tout est mangeaille, les êtres et les choses.



Malgré quelques frissons de dégoût devant cette gigantesque nature morte, les lecteurs acceptent le feuilleton et même s'en régalent. À sa sortie en librairie, le roman se vend mieux que La Fortune des Rougon et La Curée. La critique, elle, est divisée. La Revue des Deux-Mondes conseille à Zola de renoncer « à ces exagérations malsaines qui contribuent à dépraver le goût du public ». Barbey d'Aurevilly, dans Le Constitutionnel, traite l'auteur de « rapin, tout au plus enragé ». Mais le roman enthousiasme Maupassant qui écrira : « Ce livre sent la marée, comme les bateaux pêcheurs qui rentrent au port, et les plantes potagères avec leur saveur de terre, leurs parfums fades et champêtres. » Quant à Huysmans, il renchérit : « Je l'avoue très simplement, Le Ventre de Paris me fait démesurément exulter1. »

Sans trop y croire encore, Zola commence à se rendre compte qu'un groupe de jeunes auteurs s'assemble derrière lui pour s'opposer, au nom de la vérité, à l'idéalisme d'un Hugo. Ces novateurs se sentent plus proches des Halles où officie Lisa, la charcutière, que de la cathédrale Notre-Dame où gîte Quasimodo, le sonneur de cloches difforme et amoureux.



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François Zola
(1796 - 1847)
 
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