Georges Brassens |
Après avoir fait son devoir de mère, Gorgé de lait notre dernier blanc-bec, Ma femme constata, surprise amère, Qu'il avait tété la mamelle avec. Le cour rongé, c'est le cas de le dire, La malheureus' criait comme un putois. Le lendemain, pour calmer son délire, Je lui fis faire un nouveau sein de bois. Imaginez le trouble qui fut nôtre Quand ma femm' m'ayant demandé : « Dis-moi Quel est le faux » je lui désignai l'autre, Le vrai, celui qui n'était pas en bois. Ivres de joie, nous ne pouvions comprendre Qu' cett' ressemblance allait nous coûter cher, Que nous allions bientôt pâtir de prendre Le sein de bois pour le vrai sein de chair. Une nuit, dans la conjugale couche, Tourmenté par le démon de Vénus, Je me jetai sur ma femme et, farouche, Vous la fis mettre in naturalibus. Lui promenant la main sur l'épidémie, Je m'écrai, le cour vibrant d'émoi : « Oh mon amie, que votre sein est ferme ! - Ça se comprend, dit-elle, il est en bois. » Comme au cours d'une scène épouvantable Elle m'avait bassement insulté, Prenant un kriss qui traînait sur la table J' fis 1' simulacre de la poignarder. Persuadé qu' c'était son sein postiche Qui allait essuyer le choc du fer, J'y vais d'une main ferme et le lui fiche Jusqu'à la garde dans le sein de chair. Un célèbre disciple d'Esculape Lui ayant proprement bouché ce trou, En quelques jours ma femme se retape Et reprend son beau rôle de nounou. Epouvanté par la frimousse étique Du nourrisson, j'enquête et m'aperçois Que si le pauvre gosse est squelettique, C'est qu'ell' lui fait téter le sein de bois. Ce fut l'ultime erreur la plus terrible : Au cours d'un hiver extrêmement froid, Nous avions brûlé tout le combustible A l'exception du fameux sein de bois. Ma pauvre femme alors, la mort dans l'âme, Saisit un sein dans son corsage ouvert, L'arrache et le jette en pâture aux flammes, C'était naturell'ment le sein de chair... |
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Georges Brassens (1921 - 1981) |
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Portrait de Georges Brassens | |||||||||
BiographieJeune, Georges Brassens, fils de maçon, n'aime guère l'école hormis les cours de lettres qui lui apprennent l'amour de la poésie. En 1940, il vit à Paris et travaille comme tourneur au sein de l'usine Renault. Parallèlement, il commence à composer, mais le STO le condamne à partir pour Allemagne. De fait, ses camarades déportés constituent son premier public. Après la guerre, il devient anarchiste |
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