Georges Emmanuel Clancier |
« Terres d'Espagne sont là-bas autour de ta mort A vivre leur ombre et leur soleil, À mourir de tous leurs hommes. Ici le bonheur des brins d'herbe et de l'air, Des enfants magiciens, des grillons écoliers, Des écureuils poursuivis par leur désir de vif argent, La paix enroulée aux branches par la houle des nuées. Ici le soleil sur les seins les soleils de l'amour, Et quand souffle la nuit sur ce tranquille diamant La grenade grande ouverte du ciel sur les lits et les rêves : Toute une source d'où jaillissent les iris de la vie. Mais là-bas à l'orée des heures pourpres Le mur des monts dresse un meurtre monotone, Une plaie vieille écorche un martyr enchaîné. La mer n'est plus là-bas la musicienne des coquillages. En vain le taureau draine les maléfices souterrains, Dans le vol de leur crinière les chevaux Ne secouent plus l'oriflamme de liberté. Au crépuscule le feu des pierres là-bas a perdu sa tendresse, La chaleur des landes à midi demeure sans l'allégresse Des vérités de foudre. L'eau la bête la flamme Ne sont plus le chant d'un beau jour mais l'alarme Mais les cris mais les monstres rôdeurs du supplice. Le rossignol de l'Espagne, des camarades et de l'été Gît toujours sur le chemin des monts dans les flaques de lune Sous le silence grondant de la guitare brisée... Tes saints d'or déchiré tes amantes de verdure Tes adolescents d'orgueil mortel ton Andalousie De nacre jalouse et de sang, ton fin cadavre d'oiseau brisé, Federico, sont encor dans les coraux de l'exil, Et vit le lent cortège de leur mort Dans les mines aveugles au fond des regards Que les mineurs et les paysans et les mères apeurées Portent au-devant d'eux, fanaux de refus hagard. Ton appel de soirs chanteurs d'haleine jeune De corps à la douceur d'orange, Et de passions courbées comme amoureuse nue, Comme buisson de lames fatales nues, L'appel de ta vie de la vie à la belle dérive Erre en déroute hallucinée sur le linceul de ta terre. L'oillet de la joie ils l'ont souillé dans cette geôle Que sont là-bas neige et cristal, gerbes et fonts, mains et paroles. Mais son étemelle racine mince aux mille rameaux Ils n'ont su l'arracher, elle va de villages en solitudes, Des arènes aux raisins, des baies de sel aux usines, De Cordoue à l'aurore à Madrid aux étoiles, Et la fleur, un jour muet, percera par mille blessures Rouges, par mille parcelles de feu Par mille crêtes d'écume L'épais et gluant terreau de l'horreur, Alors vibrera le rire aux lèvres libres, De fraternelles arabesques, de l'aube à la minuit, Dessineront sur le domaine un vaste nid De ruelles tendres, de ruisseaux naïfs dont la rumeur Comme un fruit ouvrant ses portes d'or Laissera soupirer dans son souffle les siècles délivrés, Alors du fond des lourdes eaux, alors de la vase somnambule Aura ressurgi l'île matinale lyre aux cordes solaires, L'Espagne où sonnera l'hymne à pleine voix de l'avenir. Font-Romeu, 1946. |
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Georges Emmanuel Clancier (1914 - ?) |
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Portrait de Georges Emmanuel Clancier | |||||||||
La vie et l'Ouvre de georges-emmanuel clancier1914 Naissance à Limoges le 3 mai. Famille limousine de paysans, d'artisans et d'ouvriers porcelainiers. Le père, officier d'infanterie pendant la guerre, devient, la paix revenue, agent commercial. |
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