Georges Mogin |
Le Corps : Que suis-je, où est ma vie ? Et quel acier résonne Lointain, qui m'a tranché comme un fût de colonne Où vont se durcissant des mirages bourbeux ? Mes bras cherchent en vain la clarté de mes yeux. Désir, anime-toi d'une si forte veille Que je parle sans bouche, écoute sans oreille ! Je n'ai plus que des mains pour prendre un ciel d'été Et le donner à boire au cour qui m'est resté. Si je fus une torche, oh, ma flamme est partie. Si je fus une vigne, oh, ma grappe est cueillie. Je fais un rêve en suie et deviens un château Dont la foudre a fauché la tour et les oiseaux ; J'erre sur la pâleur des dernières vigiles Comme un sable étouffant une sableuse ville. La Tête : Vas-tu te taire à la fin, Bavard de la carotide, Tu distrais le goût du vin Qui fuit ma langue rigide. J'ai trois syllabes encor Au fond d'un tympan discord Et je serre la mâchoire Sur un chiffon de mémoire Où fondent flûte et raison. Moi, tête de venaison Sur le plateau de bombance, D'un oil mi-clos et brumeux J'épie encore la danse D'une fille au ventre heureux. J'attends pour fermer ma bouche Qui sait déjà plaire aux mouches Ce baiser d'ombre et de sang Que je n'ai pas eu vivant. |
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Georges Mogin (1898 - 1990) |
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