Gérard de Nerval |
En avant, marche!... Amis, c'est notre cri d'attaque, De départ, de conquête... Il a retenti loin : Aux plaines blanches du Cosaque, Aux plaines jaunes du Bédouin! Les peuples nos voisins l'ont dans l'oreille encore, Car, sous le drapeau tricolore, Il les guida contre le czar, Lorsque leurs légions à nos succès fidèles De l'aigle immense étaient les ailes, Le jour d'Austerlitz... et plus tard. La Grande Armée enfin se remet en campagne ! Accourez, Nations, sous sa triple couleur, Que la Liberté joue et gagne La revanche de l'empereur! En avant, marche!... Est-il une cause plus belle? La Pologne encor nous appelle, Il faut écraser ses tyrans ! Une neige perfide en vain ceint leurs frontières... Prenons le chemin que nos frères Ont pavé de leurs ossements!... En avant, marche ! la Belgique ! Toi, notre sour de liberté, Viens pour cette guerre héroïque La première à notre côté ! Et, si tu sais dans quelle plaine Un jour dix rois ivres de haine Ont voulu pousser au tombeau La France lâchement frappée..., Aiguise en passant ton épée Au monument de Waterloo! En avant, marche! l'Italie! Les sépulcres de les héros, Alors que la liberté crie, Ont de magnifiques échos : Longtemps tu leur fermas l'oreille; Mais, puisqu'enfin tu te réveilles, Viens, ton opprobre est effacé!... Ce jour aux vieux jours se rattache, Et les vivants ne font plus tache Au sol glorieux du passé! En avant, marche! l'Allemagne! Hourra ! les braves écoliers ! Par la cendre de Charlemagne! Voulez-vous être les derniers? Les âmes sont-elles glacées Au pays des nobles pensées Et de la foi des anciens temps?... Non! noire feu s'y communique, Et le vieux chêne teuton ique Reverdit avant le printemps! Sommes-nous là tous?.'.. Déjà brille Pour nous accompagner toujours Le beau soleil de la Bastille Et d'Austerlitz et des trois jours? Marchons ! la voici reformée Après quinze ans, la Grande Armée!... Mais â des succès différents Quoique la liberté nous mène,... Pour l'ombre du grand capitaine, Laissons un vide dans les rangs! Ah! ah! la route est belle, et chère à notre gloire... Toutes les plaines, là, sont des pages d'histoire; Mais combien de Français y sont ensevelis!... Oh! pourtant nous aurons l'âme joyeuse et fiêre. Quand nos pieds triomphants fouleront la poussière D'Iéna, de Friedland, d'EssIing ou d'Austerlitz! Puis, avant d'arriver jusqu'à l'empire russe, Nous pousserons du pied et l'Autriche et la Prusse, Tuant leurs aigles noirs qui semblent des corbeaux; Et nous rirons à voir ces vieilles monarchies Honteuses, choir parmi leurs estrades pourries, Leurs tréteaux vermoulus et leur pourpre en lambeaux! Et, l'apercevez-vous, mes amis, qui sans cesse Sur la pointe des pieds, haletante, se dresse... La Pologne... pour voir si nous n'arrivons pas?... Enfin notre arc-en-ciel à l'horizon se montre : ... Ah! le voyage est long, frères, quand on rencontre Un trône à renverser sous chacun de ses pas ! Nous voici!... Dans nos rangs vous savez votre place, Braves de Pologne, accourez! Maintenant, attaquons dans ses remparts de glace Le géant et marchons serrés! Car il faut en finir avec le despotisme : Ceci, c'est une guerre! et non De ces guerres d'enfant où brillait l'héroïsme De Louis Antoine de Bourbon ... Mais une guerre à mort! et des bal ailles larges Avec dss canons par milliers! Où viendront se heurter en effroyables charges Des millions de cavaliers! Guerre du chaud au froid, du jour à l'ombre... Guerre Où le ciel dira ses secret"»! Et telle qu'à coup sûr les peuples de la lerre N'en oseront plus faire après! Là, quinze ans de vengeance entassée et funeste Éclateront comme un obus, Et coucheront à bas plus d'hommes que la peste Ou que le choléra-morbus M Là, le sang lavera des affronts sanguinaires, Et sur nos bataillons épars, Nous croirons voir toujours les ombres de nos frères Flotter comme des étendards! II Que dis-je? hélas! hélas! Tout cela, c'est un rêve, Un rêve à jamais effacé!... L'autocrate est vainqueur... le niveau de son glaive Sur notre Pologne a passé! C'est en vain, qu'à la voir tomber faible et trahie, La honte nous montait au cour: En vain que nous tendions de toute sa longueur La chaîne infâme qui nous lie!... Mais c'est fini!... L'éclat dont notre ciel brillait S'évanouit... le temps se couvre, La gloire de la France est enterrée au Louvre Avec les martyrs de Juillet ... Une vieille hideuse à nos yeux l'a tuée, Vieille à l'oil faux, aux pas tortus, La Politique enfin, cette prostituée De tous les trônes absolus! Oh! que de partisans s'empressent autour d'elle! Jeunes et vieux, petits et grands, Inamovible cour à tous les rois fidèle, Fouillis de dix gouvernements; Avocats, professeurs à la parole douce, Mannequins usés aux genoux, Tout cela vole, et rampe, et fourmille, et se pousse Tout cela pue autour de nous!... C'est pourquoi nous pleurons nos rêves politiques, Notre avenir découronné, Nos cris de liberté, nos chants patriotiques!... Leur contact a tout profané! Notre coq, dont ils ont coupé les grandes ailes, Dépérit, vulgaire et honteux; Et nos couleurs déjà nous paraissent moins belles Depuis qu'elles traînent sur euxl Oh! vers de grands combats, de nobles entreprises, Quand pourront les vents l'emporter, Ce drapeau conquérant, qui s'ennuie à flotter Sur des palais et des églises ! Liberté, l'air des camps aurait bientôt reteint Ta robe, qui fut rouge et bleue... Libeçté de juillet! femme au buste divin, Et dont le corps finit en queue ! |
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Gérard de Nerval (1808 - 1855) |
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Portrait de Gérard de Nerval | |||||||||
Biographie / chronologie1808. OuvreSi l'on excepte divers ouvrages dramaturgiques (Lara, 1833!; Léo Burckhart, 1839), l'ouvre de Nerval est essentiellement romanesque et poétique. |
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