Gérard de Nerval |
O toi, cher Duponchel, que ton mauvais génie, A doué comme moi d'une sotte manie Et qui sais, à la rime asservissant tes mots, Emprisonner un sens dans des mètres égaux, Admirateur zélé du pur et beau classique; Fuis surtout, fuis toujours le style Romantique, Ah! fuis, il en est temps ces vers éblouissants; Où tout est pour l'éclat où rien n'est pour le sens, En vain de maint lecteur la bizarre manie, Accueille de ces vers l'étrangère harmonie. Le faux goût passera, les bardes à leur tour Verront tomber leur gloire aux premiers feux du jour, Et suivis de l'oubli qui sur leurs vers retombe. Des héros de Morven partageront la tombe. Quelques-uns, il est vrai, surent loin des humains, Dans l'ombre des brouillards se tracer des chemins, Lamartine, Biron, et leurs rimes obscures, Iront sans trébucher jusqu'aux races futures Eux seuls sont immortels, puisqu'ils sont créateurs. Anathème, anathème, à leurs imitateurs, C'est en vain qu'on voudra marcher dans leur carrière Apollon sur leurs pas a fermé la barrière! Pourquoi vouloir d'ailleurs, suivre un genre étranger, Trop de Français déjà loin de les protéger Dédaignent des Français les arts et l'industrie, Sachons mieux soutenir les droits de la patrie; Que le talent au moins reste national. Laissons dans leurs marais les héros de Fingal, Ressusciter encor leurs vieux titres de gloire: Mais n'allons pas sur nous leur donner la victoire, Français, soyons Français, soyons indépendants, Et sachons conserver le sceptre des talents, En vain depuis longtemps on prône l'Angleterre, Quel auteur pourra-t-elle égaler à Voltaire? Qui pourrait à Rousseau préférer Richardson, Shakspear au grand Racine, à Corneille Tompson, A Jean Rousseau, Dryden, et Milton à Delille; Le parallèle entre eux serait trop difficile; El toi, savant Neuton, homme inspiré d'en haut Nous t'opposons encor d'AIembert, et Clairaut; Nos auteurs, nos héros, leur mémoire immortelle, Voilà les fondements d'une gloire éternelle; Voilà ce qu'outremer on veut en vain chercher; Et voilà ce que rien ne peut nous arracher! Je ne te défends pas ces sublimes images, Ces vers grands et fougueux qui font les bons ouvrages, Mais use sobrement de ces vers de ces mots; Qui ne font de l'effet qu'aux oreilles des sota. Ou, si toujours épris du Style romantique Tu veux, faible pigmé, renverser le classique, Va donc braver ces dieux si longtemps admirés Des talents, du bon goût, arbitres révérés; Va! Tu verras bientôt, Titan trop indocile Expirer les efforts de ta rage inutile. Tu voudras obscurcir ces astres radieux, Et l'éclat de leur gloire aveuglera tes yeux. Ah! plutôt sur les pas des maîtres du Parnasse Tâche de conquérir une honorable place, Va cueillir des lauriers puisqu'ils te sont offerts, Laisse là les Anglais et suis le dieu des vers; Que les bardes du Nord s'engloutissent dans l'ombre, Ou portent loin de nous leur style pâle et sombre Armés d'un verre plein, assis sur un tonneau Défions sans péril ces tristes buveurs d'eau. Tous les Français sont gais et la joye est française Si tous les partisans de la manie Anglaise; |
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Gérard de Nerval (1808 - 1855) |
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Portrait de Gérard de Nerval | |||||||||
Biographie / chronologie1808. OuvreSi l'on excepte divers ouvrages dramaturgiques (Lara, 1833!; Léo Burckhart, 1839), l'ouvre de Nerval est essentiellement romanesque et poétique. |
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