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Gérard de Nerval



La femme mérinos - Prose


Prose / Poémes d'Gérard de Nerval





... Je m'arrête. - Le métier de réaliste est trop dur à faire.

La lecture d'un article de Charles Dickens est pourtant la source de ces divagations!... Une voix grave me rappelle à moi-même.

Je viens de tirer de dessous plusieurs journaux parisiens et marnois un certain feuilleton d'où Pana-thème s'exhale avec raison sur les imaginations bizarres qui constituent aujourd'hui l'école du vrai.

Le même mouvement a existé après 1830, après 1794, après 1716 et après bien d'autres dates antérieures. Les esprits, fatigués des conventions politiques ou romanesques, voulaient du vrai à tout prix.

Or, le vrai, c'est le faux, du moins en art et en poésie. Quoi de plus faux que l'Iliade, que l'Enéide, que la Jérusalem délivrée, que la Henriade? que les tragédies, que les romans?...

- Eh bien, moi, dit le critique, j'aime ce faux : est-ce que cela m'amuse que vous me racontiez votre vie pas à pas, que vous analysiez vos rêves, vos impressions, vos sensations?... Que m'importe que vous ayez couché à la Syrène, chez le Vallois? Je présume que cela n'est pas vrai, ou bien que cela est arrangé : vous me direz d'aller y voir... Je n'ai pas besoin de me rendre à Meaux! Du reste, les mêmes choses m'arriveraient, que je n'aurais pas l'aplomb d'en entretenir le public. Et d'abord, est-ce que l'on croit à cette femme aux cheveux de mérinos?



- Je suis forcé d'y croire, et plu3 sûrement encore que par les promesses de l'affiche. L'affiche existe, mais la femme pourrait ne pas exister... Eh bien, le saltimbanque n'avait rien écrit que de véritable :



La représentation a commencé à l'heure dite. Un homme assez replet, mais encore vert, est entré en costume de Figaro. Les tables étaient garnies en partie par le peuple de Meaux, en partie par les cuirassiers du 6e.

M. Montaldo, car c'était lui, a dit avec modestie : « Signori, ze vais vi faire entendre il grand aria di Figaro. »

Il commence :

- Tra de ra la, de ra la, de ra la, ah !...

Sa voix, un peu usée, mais encore agréable, était accompagnée d'un basson.

Quand il arriva au vers : Largo al fallotum délia cilla I - je crus devoir me permettre une observation. Il prononçait cita. Je dis tout haut : tchitàl ce qui étonna un peu les cuirassiers et le peuple de Meaux. Le chanteur me fit un signe d'assentiment, et, quand il "arriva à cet autre vers : « Figaro-ci, Figaro-là... » il eut soin de prononcer ichi. - J'étais flatté de cette attention.

Mais, en faisant sa quête, il vint à moi et me dit (je ne donne pas ici la phrase patoisée) :

- On est heureux de rencontrer des amateure instruits,... ma ze souis de Tourino et, à Tourino, nous prononçons ci. Vous aurez entendu le tchi à Rome ou à Naples?

- Effectivement!... Et votre Vénitienne?

- Elle va paraître à neuf heures. En attendant, je vais danser une cachucha avec cette jeune personne que j'ai l'honneur de vous présenter.

La cachucha n'était pas mal, mais exécutée dans un goût un peu classique... Enfin, la femme aux cheveux de mérinos parut dans toute sa splendeur. C'étaient effectivement des cheveux de mérinos. Deux touffes, placées sur le front, se dressaient en cornes. - Elle aurait pu se faire faire un châle de cette abondante chevelure. Que de maris seraient heureux de trouver dans les cheveux de leurs femmes cette matière première qui réduirait le prix de leurs vêtements à la simple main-d'ouvre !

La figure était pâle et régulière. Elle rappelait le type des vierges de Carlo Dolci. Je dis à la jeune femme :

« Sele voi Veneziana?

Elle me répondit :

- Signor si. »

Si elle avait dit : Si signor, je l'aurais soupçonnée piémontaise ou savoyarde; mais, évidemment, c'est une Vénitienne des montagnes qui confinent au Tyrol. Les doigts sont effilés, les pieds petits, les attaches fines; elle a les yeux presque rouges et la douceur d'un mouton, sa voix même semble un bêlement accentué. Les cheveux, si l'on peut appeler cela des cheveux, résisteraient à tous les efforts du peigne. C'est un amas de cordelettes comme celles que se font les Nubiennes en les imprégnant de beurre. Toutefois, sa peau étant d'un blanc mat irrécusable et sa chevelure d'un marron assez clair (voir l'affiche), je pense qu'il y a eu croisement; un nègre, Othello peut-être, - se sera allié au type vénitien, et, après plusieurs générations, ce produit local se sera révélé.

Quant à l'Espagnole, elle est évidemment originaire de Savoie ou d'Auvergne, ainsi que M. Mon-taido.



Mon récit est terminé. « Le vrai est ce qu'il peut », comme disait M. de Fongeray . J'aurais pu raconter l'histoire de la Vénitienne, de M. Montaldo, de l'Espagnole et même du basson. Je pourrais supposer que je me suis épris de l'une ou de l'autre de ces deux femmes, et que la rivalité du saltimbanque ou du basson m'a conduit aux'aventures les plus extraordinaires. Mais la vérité, c'est qu'il n'en est rien. L'Espagnole avait, comme je l'ai dit, les jambes maigres, la femme mérinos ne m'intéressait qu'à travers une atmosphère de fumée de tabac et une consommation de bière qui me rappelait l'Allemagne. Laissons ce phénomène à ses habitudes et à ses attachements probables.

Je soupçonne le basson, jeune homme assez fluet, noir de chevelure, de ne pas lui être indifférent.

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Gérard de Nerval
(1808 - 1855)
 
  Gérard de Nerval - Portrait  
 
Portrait de Gérard de Nerval

Biographie / chronologie

1808.

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Si l'on excepte divers ouvrages dramaturgiques (Lara, 1833!; Léo Burckhart, 1839), l'ouvre de Nerval est essentiellement romanesque et poétique.

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