Dites-moi donc votre opinion,
Elias, au sujet d'un amant,
Dont le coeur est sans fourberie,
Et qu'on aime sans fausseté.
Que doit-il désirer le plus,
Selon juste raison d'amour
Quand il advient qu'on lui donne le choix:
Etre le mari ou être l'amant?"
- "Cousin, j'ai le coeur d'un amant
Fidèle, et non d'un vil trompeur,
Je tiens donc pour plus grand honneur
D'avoir belle amie distinguée
Toujours que de l'avoir un an:
Je choisis le mari galant
Qui peut toujours être auprès de sa
Dame...
D'autres amours, j'en ai vu maints rompus..."
- "Elias, je tiens pour meilleur
Ce par quoi l'on s'améliore;
Pour pire: ce par quoi toujours
Un homme va s'avilissant.
Par une "Dame" on monte en
Prix,
Par une épouse on perd
Valeur.
On loue celui qui courtise une "Dame",
On raille un mari courtisant sa femme."
- "Cousin, si vous aimiez un peu,
Vous auriez dit la folie grande:
Peu importe au fourbe de prendre
Quelque faveur et de s'enfuir!
Moi, je veux rester, caresser
Ma
Dame que j'aime et adore,
Car à bon droit je m'en verrai banni
Si je lui manquais quand elle m'appelle."
- "Elias, si je ne veux pour femme
Mon amie, point ne lui fais honte:
C'est par crainte et par grand respect
Que je la laisse; l'épouser
Puis la courtiser: ce serait
Commettre faute sans égale.
Et si je suis rude et grossier pour elle
J'offense
Amour, j'abolis son service".
- "Cousin, tenez-moi pour bien vil
Si pouvant avoir, sans gardien,
La plus aimée - sans co-seigneur
Ni seigneur - je cherche autre chose!
Joie de mari rien ne la trouble,
Joie d'amant est mêlée de peine.
Aussi j'aime mieux - quoi qu'on en publie -
Etre mari joyeux qu'amant marri!"
- "Je m'en remets à la meilleure,
Elias, à
Dame
Marguerite.
Qu'elle soit juge et que je sois honni
Si, plus que son mari, n'aime ma
Dame."
- "Cousin, elle est d'un tel mérite
Qu'elle est fort bon juge en
Amour:
Je sais - son
Prix étant si sûr et rare -
Qu'elle dira que vous avez failli."
|
|
