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Guillaume Apollinaire



L'ermite - Poéme


Poéme / Poémes d'Guillaume Apollinaire





Un ermite déchaux près d'un crâne blanchi
Cria
Je vous maudis martyres et détresses
Trop de tentations malgré moi me caressent
Tentations de lune et de logomachies



Trop d'étoiles s'enfuient quand je dis mes prières ô chef de morte ô vieil ivoire
Orbites
Trous
Des narines rongées
J'ai faim
Mes cris s'enrouent
Voici donc pour mon jeûne un morceau de gruyère



ô
Seigneur flagellez les nuées du coucher
Qui vous tendent au ciel de si jolis culs roses
Et c'est le soir les fleurs de jour déjà se closent
Et les souris dans l'ombre incantent le plancher



Les humains savent tant de jeux l'amour la mourre
L'amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie
La mourre jeu du nombre illusoire des doigts
Seigneur faites
Seigneur qu'un jour je m'énamoure



J'attends celle qui me tendra ses doigts menus
Combien de signes blancs aux ongles les paresses
Les mensonges pourtant j'attends qu'elle les dresse
Ses mains énamourées devant moi l'Inconnue



Seigneur que t'ai-je fait
Vois
Je suis unicorne
Pourtant malgré son bel effroi concupiscent
Comme un poupon chéri mon sexe est innocent
D'être anxieux seul et debout comme une borne



Seigneur le
Christ est nu jetez jetez sur lui

La robe sans couture éteignez les ardeurs

Au puits vont se noyer tant de tintements d'heures

Quand isochrones choient des gouttes d'eau de pluie



J'ai veillé trente nuits sous les lauriers-roses
As-tu sué du sang
Christ dans
Gethsémani
Crucifié réponds
Dis non
Moi je le nie
Car j'ai trop espéré en vain l'hématidrose



J'écoutais à genoux toquer les battements

Du cour le sang roulait toujours en ses artères

Qui sont de vieux coraux ou qui sont des clavaires

Et mon aorte était avare éperdument



Une goutte tomba
Sueur
Et sa couleur
Lueur
Le sang si rouge et j'ai ri des damnés
Puis enfin j'ai compris que je saignais du nez
A cause des parfums violents de mes fleurs



Et j'ai ri du vieil ange qui n'est point venu
De vol très indolent me tendre un beau calice
J'ai ri de l'aile grise et j'ôte mon cilice
Tissé de crins soyeux par de cruels canuts



Vertuchou
Riotant des vulves des papesses

De saintes sans tétons j'irai vers les cités

Et peut-être y mourir pour ma virginité

Parmi les mains les peaux les mots et les promesses



Malgré les autans bleus je me dresse divin
Comme un rayon de lune adoré par la mer
En vain j'ai supplié tous les saints aémères
Aucun n'a consacré mes doux pains sans levain



Et je marche
Je fuis ô nuit
Lilith ulule
Et clame vainement et je vois de grands yeux
S'ouvrir tragiquement Ô nuit je vois tes cieux
S'étoiler calmement de splendides pilules



Un squelette de reine innocente est pendu

A un long fil d'étoile en désespoir sévère

La nuit les bois sont noirs et se meurt l'espoir vert

Quand meurt le jour avec un râle inattendu



Et je marche je fuis ô jour l'émoi de l'aube
Ferma le regard fixe et doux de vieux rubis
Des hiboux et voici le regard des brebis
Et des truies aux tétins roses comme des lobes



Des corbeaux éployés comme des tildes font
Une ombre vaine aux pauvres champs de seigle mûr
Non loin des bourgs où des chaumières sont impures
D'avoir des hiboux morts cloués à leur plafond



Mes kilomètres longs
Mes tristesses plénières
Les squelettes de doigts terminant les sapins
Ont égaré ma route et mes rêves poupins
Souvent et j'ai dormi au sol des sapinières



Enfin ô soir pâmé
Au bout de mes chemins
La ville m'apparut très grave au son des cloches
Et ma luxure meurt à présent que j'approche
En entrant j'ai béni les foules des deux mains



Cité j'ai ri de tes palais tels que des truffes
Blanches au sol fouillé de clairières bleues
Or mes désirs s'en vont tous à la queue leu leu
Ma migraine pieuse a coiffé sa cucuphe



Car toutes sont venues m'avouer leurs péchés
Et
Seigneur je suis saint par le vou des amantes
Zélotide et
Lorie
Louise et
Diamante
Ont dit
Tu peux savoir ô toi l'effarouché



Ermite absous nos fautes jamais vénielles ô toi le pur et le contrit que nous aimons
Sache nos cours sache les jeux que nous aimons
Et nos baisers quintessenciés comme du miel



Et j'absous les aveux pourpres comme leur sang
Des poétesses nues des fées des fornarines
Aucun pauvre désir ne gonfle ma poitrine
Lorsque je vois le soir les couples s'enlaçant



Car je ne veux plus rien sinon laisser se clore
Mes yeux couple lassé au verger pantelant
Plein du râle pompeux des groseillers sanglants
Et de la sainte cruauté des passiflores

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Guillaume Apollinaire
(1880 - 1918)
 
  Guillaume Apollinaire - Portrait  
 
Portrait de Guillaume Apollinaire

Chronologie

25 août 1880
Naissance à Rome de Guglielmo Alberto Wladimiro Alessandro Apollinare de Kostrowitzky, fils d'Angelica de Kostrowitzky et de père inconnu. La paternité traditionnellement attribuée à Francesco d'Aspermont ne repose sur aucune certitude.

Biographie


Ouvres

Poésie

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