Guillaume Salluste Du Bartas |
Le céleste Phénix commença son ouvrage Par le phénix terrestre, ornant d'un tel plumage Ses membres revivants que l'annuel flambeau De Cairen jusqu'en Fez ne voit rien de plus beau. Il fit briller ses yeux, il lui planta pour crête Un astre flamboyant au sommet de sa tête. II couvrit son col d'or, d'écarlate son dos, Et sa queue d'azur; puis voulut qu'Atropos Lui servît de Vénus, et qu'une mort féconde Rendît son âge égal au long âge du monde; Car, ayant vu glisser dessous un ciel divers, Et cent fois dix étés et cent fois dix hivers, Des siècles abattu, il lui prend une envie De laisser en dépôt à la flamme sa vie, De mourir pour renaître, et d'entrer au tombeau Pour après en sortir cent mille fois plus beau. Lors, perché sur les bras d'une palme *, il entasse Le baume sur le nard, le nard dessus la casse, Et sur le point du jour de leurs branches bâtit Son urne, son berceau, son sépulcre, son nid. Cependant qu'il attend qu'une flammèche, éprise À l'odorant bûcher, ses os sacrés réduise En génitale poudre, et que ces bois ardents ' Finissent non sa vie, ains ' ses caduques ans, L'échanson phrygien d'une prodigue aiguière Ne verse sur les champs rivière après rivière : Les froidureux Trions ne couvrent de verglas Les bois phéniciens, l'autan ne daigne pas Passer le bord libyque, et l'antre hyperborée Retient dans ses prisons captif le froid Borée ". Car adonc la Nature, encontre tout effort, Soigneuse, tient la main à sa vivante mort, Et, douce, favorise, en fermant tant de bouches, Ses funèbres apprêts, sa naissance, ses couches. Même le clair Soleil sur son lit doux-flairant Jette un de ses chevaux qui tout soudain s'éprend Aux rameaux de Sabée ", et peu à peu consume De l'immortel phénix et la chair et la plume. Presque en même moment de ce cendreux monceau Naît un ver, puis un ouf, et puis un autre oiseau, Ainçoisl le même oiseau qui né de sa semence, Deux cents lustres nouveaux, trépassant, recommence; Au milieu du brasier sa belle âme reprend, Infini par sa fin dans la tombe se rend; De soi-même se fait, par une mort prospère, Nourrice, nourrisson, hoir, fils, et père et mère : Nous montrant qu'il nous faut, et de corps et d'esprit, Mourir tous en Adam, pour puis renaître en Christ. |
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Guillaume Salluste Du Bartas (1544 - 1590) |
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Portrait de Guillaume Salluste Du Bartas | |||||||||