Guillaume Salluste Du Bartas |
Quiconque a remarqué comme une seule masse De cire peut changer cent et cent fois de face, Sans croître ni décroître, il comprend aisément De ce bas univers l'assidu changement. La matière du monde est cette cire informe, Qui prend sans se changer toute sorte de forme. La forme est le cachet, et le grand Dieu vivant Le juste chancelier, qui, nuit et jour, gravant Ses grands et petits sceaux dans ce corps si muable, Rend une même masse or' vile, or' * honorable. Rien n'est ici constant : la naissance et la mort Président par quartier en un même ressort. Un corps naître ne peut qu'un autre corps ne meure, Mais la seule matière immortelle demeure, Tableau du Tout-Puissant, vrai corps de l'univers, Réceptacle commun des accidents divers, Toute pareille à soi, tout en soi contenue, Sans que le vol du temps l'accroisse ou diminue, Immuable d'essence et muable de front, Plus que n'est un Protée, et plus qu'encor ne sont Les poulpes cauteleux, qui sur l'ondeux rivage Changent pour butiner chaque heure de visage. Telle que le Français qui, guenon affété Des étrangères mours, se paît de nouveauté Et se mue, inconstant, si souvent de chemise Que de ses vains habits la façon il déguise. Telle qu'une Laïs % dont le volage amour Voudrait changer d'ami cent mille fois le jour, Et qui n'étant à peine encore délacée Des bras d'un jouvenceau, embrasse en sa pensée L'embrassement d'un autre, et son nouveau plaisir D'un plaisir plus nouveau lui cause le désir. Car la matière ayant d'un amour variable Époinçonné le cour, mais n'étant point capable De prendre tous portraits en une même part Et dans un même temps, elle reçoit à part Figure après figure, en sorte qu'une face S'efface par le trait qu'une autre face efface. |
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Guillaume Salluste Du Bartas (1544 - 1590) |
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Portrait de Guillaume Salluste Du Bartas | |||||||||