Guillem de Cabestany |
Le premier jour. Dame, que je vous vis Quand il vous plut de vous montrer à moi, Nulle autre image en mon cour ne resta. Tous mes désirs en vous s'enracinèrent Votre regard, votre sourire tendre Ont mis en moi, ô ma Dame, tel feu Que j'oubliai ma personne et le monde Votre beauté, votre présence aimable, Vos mots courtois, le charme délicieux De votre accueil m'ont ravi la raison. Depuis ce jour tout bon sens m'a quitté. À vous ma vie, à vous que mon cour prie Moi qui ne veux que grandir votre Prix À vous me rends, point n'est meilleure Dame. Si tendrement, ô Dame, je vous aime Qu'aimer ailleurs n'est pas en mon pouvoir. Amour pourtant accepterait que j'ose Chercher plus loin remède à mon tourment, Mais à quoi bon conter fleurette à d'autres ? Je fuis, j'oublie la possible amourette El reste à vous que j'ai plus chère au cour. Souvenez-vous de la bonne promesse Que vous me fîtes au jour de mon départ. J'en eus alors l'âme en pure liesse. De vous servir encore j'eus l'espoir. J'en fus joyeux - hélas mon mal s'aggrave ! Mais ce bonheur je le retrouverai. S'il plaît à vous, moi que l'espoir fait vivre. Aucun tourment ne m'effraie, car je pense Qu'il me vaudra à la fin récompense De vous, ma Dame. Et j'aime mes douleurs. Elles sont pour moi comme de fortes joies. Je n'oublie pas ce qu'Amour sait et dis : Un pur amant doit pardonner grands torts Et souffrir dur pour gagner son amante. Ah ! si venait un beau jour cet instant Dame, où je voie que votre grâce daigne Me faire don du simple nom d'ami ! |
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Guillem de Cabestany (? - 1212) |
Portrait de Guillem de Cabestany |