Guillevic Sphère |
Si je dis vrai De la prairie, Il se peut Que ce soit aussi Pour changer Quelque chose ici. Est-ce que, justement, Est-ce que dire vrai Ne se reconnaît pas A ceci que l'on sait Que ce qu'on dit Marque sa prise Sur ce plein que l'on regardait S'acoquiner avec du vide? Agir sur ce fragment du monde Qui se déclare en ce moment Par la prairie, Ce n'est pas nécessairement Penser et dire Ce qu'il semblait qu'on attendait Sur les lieux mêmes. Pour dire vrai sur la prairie, Sur le moment qu'elle se donne, Regardons, ou faisons semblant, Bien en deçà, bien au-delà, Dans une grille imprévisible Où la prairie cherche son temps. * Je regardais la grille Pour trouver la prairie Dans son plus fort moment, Et la grille m'a pris Et m'entraîne et m'emmène. Ainsi, je monte et je descends A travers, autour d'une grille Qui s'éloigne de la prairie Dans la distance Et dans le temps, Tellement bien que la prairie Pourrait finir par n'être plus Qu'un souvenir, voire un remords, Comme un drapeau qui flotte au loin Entre le vent et le repos. Je suis parmi la grille, Dans du gris et dans du silence Que vient brouiller Le vert de la prairie. Là quelque chose d'autre Demeure la prairie Ou plutôt le devient. * C'est donc ailleurs, C'est dans un autre temps, Qui paraît voguer Hors du temps, Que j'entends parler du moment Où la prairie va se trouver. Il ne faut pas exagérer. Ce quelque part dans cette grille, Dans ce va-et-vient par des temps Qui tournent autour de l'instant, C'est en fait mon observatoire D'où mes yeux touchent la prairie Avec mes mains. Car sans toucher On ne fait rien. Herbes, depuis toujours Traitées comme des herbes Par le vent, le soleil, la pluie, Tout ce qui veut Faire parler ces lieux Selon son propre code, De cet endroit sans lieu Où je suis dans la grille, Je vous vois n'être plus Que du vert et du calme, Un calme, comparable A l'intérieur des adjectifs, Aux équations du premier degré : Vous êtes le premier degré De l'ouverture. Il est toujours assez facile De trouver l'ouverture, De trouver le départ. Il peut sembler que chaque fois Que tu crois prolonger, C'est pour trouver encore De l'ouverture et du départ. Mais reste avec ce vert Et ce qui est autour. Attends que viennent d'autres grilles Si ça leur chante. Toi, de ce vert A ta mesure de sans mesure, Avec ce qui se trame Autour de cette tache De silence et de va-et-vient, Dans la couleur, Dans l'eau repue, Dans le silence, Tu as de quoi. |
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Guillevic Sphère (1907 - 1997) |
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Portrait de Guillevic Sphère | |||||||||
La vie et l'Ouvre de guillevigGuillevic est né à Carnac (Morbihan) le 5 août 1907. BibliographieGuillevic était l'un des poètes majeurs de notre temps, avec une oeuvre dépouillée, cristalline et forte, traduite en plus de quarante langues dans 60 pays. Pour lui, la poésie permettait de maîtriser l'inquiétante étrangeté des choses. Sa langue dans de courts textes, était précise, dépouillée et travaillée au point qu'un critique avait qualifié sa poésie, d'aiguë et brillante comme un rocher bre |
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