Guillevic Sphère |
Ce n'est pas moi Qui fermerai, Pas moi qui crierai Pour la fermeture. C'est qu'on me fermera. La lavande Est passée dans l'air, Voulait rester. Ici L'air est coupant Comme ce qui sera Pour la fin de tes jours. * Ciel bleu, ciel grand, Te regardant, Je suis bien Lorsque je suis toi, De mon vivant. Je m'étais endormi Dans les destins de l'herbe. Je n'en avais plus. C'est aujourd'hui, j'avais seize ans, Que tu es mince et blanche sur ton lit, Étendue au milieu des couronnes de perles. C'est aujourd'hui que j'ai, Pour vivre, ton amour. Pâlotte fleur, Ce qu'il en reste. Le vent, la pluie, Si peu d'égards. Le pigeon qui venait Mourir auprès de toi, Qui mourait dans l'espace Où tu devras mourir. Je t'écoute, prunier. Dis-moi ce que tu sais Du terme qui déjà Vient se figer en toi. Si cela pouvait être Aussi satisfaisant, Aussi doux que laisser Le sommeil me contraindre, Cependant que j'aurais Conscience encore un peu D'aider l'envahisseur Vers l'îlot qui sera Le dernier à livrer. Il faudrait accepter Pas la mort, Mais la mienne. L'autre temps, Celui-là qui n'est pas au présent, Tournait autour de moi Sa gueule qui a faim. Du moins je n'aurai pas A me connaître alors, Pas à me voir cadavre. J'ai possédé parfois Le volume et la courbe, La vôtre avec la mienne, Et j'ai tout enfermé Dans la sphère qui dure, Qui pourrait durer plus Si je n'y mettais fin Pour encore essayer. Si elle avait voulu Tout autant de moi Que je voulais d'elle, Ma terre, Il n'y aurait pas eu De terme à notre amour. Au bord le plus souvent De quelque chose de géant Qui m'en voudrait. Parfois après l'à-pic Et parfois de plain-pied, Quelque chose de clos De hérissé, de lourd, Qui serait là. Un poème peut-être Ou la fin de mes jours. Parce qu'il y a terme A ces jours devant toi, Que d'aller vers ce terme Fait par-dessous tes jours Un creux qui les éclaire, Tu as le goût De ces rapports qui sont de joie Avec les murs et le rosier. Le voyage était là, partout, Le voyage était de toujours. La profondeur environnait, Parfois s'ouvrait. Hasardeuses, Étaient les étapes, Le but gardé Comme un secret. M'endormant chaque soir En me voyant gratter Ce côté-ci de la surface. * Toute une vie Avec un terme Comme un loyer, Comme un trimestre, Dont meurt un pin, Dont meurt un homme. Toute une vie Pour faire en sorte Qu'il ne soit pas, Qu'il soit passé. Qu'elle soit longue, au moins, Cette vie qu'il faut vivre. Car difficile Est la leçon. * Si quelque chose pour la fin Veut se garder, Comment savoir? Et s'il n'y avait pas De grand dernier moment? Si la fin N'avait pas de bord? Si tout s'abandonnait Avant d'arriver là Ou si c'était soudain? Tu ne t'es pas pour rien Écartelé au long des jours Sur toutes les courbes. Tu en as ramené Ce gibier tremblotant Que tu tiens pour donner. Quand je ne serai plus, Les rochers porteront Plus lourd qu'ils n'ont porté, Le jour tâtonnera Plus inquiet vers la mer. Peut-être que l'abeille Volera tout pareil, Mais les fleurs recevront En amie la rosée. La boue des chemins creux N'attendra plus autant, La carrière craindra Un peu plus de midi. Il manquera ce lien Entre tous ceux qui pèsent. Je ne remplirai plus Les gouffres qui voudront Se remplir avec vous. Vous m'accuserez tous De ne plus être là. Si ce sera monter Vers le point terminal, Si ce sera descendre, La question Restera posée. Et c'est peut-être encore Accorder trop de sens A ce qui peut N'en pas avoir, Ennoblir De l'horreur. Et pourtant comme si Ce que je dis ici, Ce que je cherche à dire N'avait rien de commun Avec ce qui sera Le terme de mes jours, La fin définitive D'une vie qui vivait, Cette inimaginable fin D'une épopée Dans le plus rien. Car tout ce que je touche Tourne autour Sans toucher. |
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Guillevic Sphère (1907 - 1997) |
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Portrait de Guillevic Sphère | |||||||||
La vie et l'Ouvre de guillevigGuillevic est né à Carnac (Morbihan) le 5 août 1907. BibliographieGuillevic était l'un des poètes majeurs de notre temps, avec une oeuvre dépouillée, cristalline et forte, traduite en plus de quarante langues dans 60 pays. Pour lui, la poésie permettait de maîtriser l'inquiétante étrangeté des choses. Sa langue dans de courts textes, était précise, dépouillée et travaillée au point qu'un critique avait qualifié sa poésie, d'aiguë et brillante comme un rocher bre |
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