Guillevic Sphère |
Il y eut les violettes Dont tu me fis l'honneur Et celles qui venaient Dans le hasard des bois, Qui voulaient m'amener Au pays d'où venait La puissance de tes violettes. Lorsque nous tremblions L'un contre l'autre dans le bois Au bord du ruisseau, Lorsque nos corps Devenaient à nous, Lorsque chacun de nous S'appartenait dans l'autre Et qu'ensemble nous avancions, C'était alors aussi La teneur du printemps Qui passait dans nos corps Et qui se connaissait. La tendre terre humide Où venaient les violettes, Comme elle était pareille A ce que nous portions. Quand nos doigts emmêlés Nous apportaient le monde Et nous le confiaient Pour notre éternité, Nous n'avons pas forfait, Tu le sais, mais tremblé, Car l'espace attendait De toute éternité. Je t'ai portée en terre Sur mes bras fatigués. Je croyais à l'époque Qu'ensemble nous allions Vers une éternité Et que tu me voyais Te porter sur mes bras Vers cette éternité. * A l'orée d'un grand bois, Quand le soleil venait Me parler autrement De ce que nous étions, Étendre devant moi La verdure et les terres, Qu'est-ce que tu voulais Que je fasse de moi? * Je serais descendu Jusqu'aux lointains rivages Où l'on parque les morts, Je serais descendu Au creux des profondeurs Pour être même une ombre A côté de ton ombre, Mais la terre est opaque Et ne connaît les morts Que pour les envahir. . Je t'ai cherchée Dans tous les regards Et dans l'absence de regards, Dans toutes les robes dans le vent, Dans toutes les eaux qui se sont gardées, Dans le frôlement des mains, Dans les couleurs des couchants, Dans les mêmes violettes, Dans les ombres sous tous les hêtres, Dans mes moments qui ne servaient à rien, Dans le temps possédé, Dans l'horreur d'être là, Dans l'espoir toujours Que rien n'est sans toi, Dans la terre qui monte Pour le baiser définitif, Dans un tremblement Où ce n'est pas vrai Que tu n'y es pas. Je t'ai cherchée Dans la rosée abandonnée. Dans le noisetier qui garde un secret Prêt à s'échapper, Dans le ruisseau, Il se souvient. Dans le bêlement des chevreaux de lait, Dans les feuilles des haies, Presque pareilles aux nôtres, Dans les cris du lointain coucou, Dans les sous-bois qui vont Où nous voulions aller. Je t'ai cherchée dans les endroits Où la verticale Voudrait s'allonger. Je t'ai cherchée là Où rien n'interroge. J'ai cherché ces lieux. Je t'ai cherchée Dans le chant du merle Qui dit le passé parmi l'avenir, Dans l'espace qu'il veut bâtir. Dans la lumière et les roseaux Près des étangs où rien ne s'oublie. C'est dans mes joies Que je t'ai trouvée. Ensemble nous avons Fait s'épaissir le soir Et dorloté des corps Impatients de servir. J'ai appris qu'une morte Soustraite, évanouie, Peut devenir soleil. |
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Guillevic Sphère (1907 - 1997) |
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Portrait de Guillevic Sphère | |||||||||
La vie et l'Ouvre de guillevigGuillevic est né à Carnac (Morbihan) le 5 août 1907. BibliographieGuillevic était l'un des poètes majeurs de notre temps, avec une oeuvre dépouillée, cristalline et forte, traduite en plus de quarante langues dans 60 pays. Pour lui, la poésie permettait de maîtriser l'inquiétante étrangeté des choses. Sa langue dans de courts textes, était précise, dépouillée et travaillée au point qu'un critique avait qualifié sa poésie, d'aiguë et brillante comme un rocher bre |
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