Guillevic Sphère |
Je t'écris d'un pays où il fait noir Et ce n'est pas la nuit. Je t'écris Parce qu'il fait noir. Je t'écris sur le mur Qui est au fond du noir. * Il y a le noir puisqu'il me fait t'écrire. Il y a un mur puisque j'écris dessus Et c'est pour toi. Je ne sais pas ce qu'est ce noir, Je suis dedans. Je t'écris sur un mur au fond du noir. Je sais que dehors Il ne fait pas noir. * Le plus souvent le mur est droit, Mais je crois qu'il s'ineurve. Lorsque je dis Qu'il est au fond du noir, C'est pour me rassurer. J'écris sur lui Pour que ce soit utile. * Si jamais tu lis sur ce mur Ce que j'écris pour toi, Tu sauras peut-être Où j'étais parqué. * Mais pourtant si c'était Sur ton mur que j'écris, Sur le mur au fond Du noir où tu es Et tu ne saurais pas Que j'y écris pour toi? * Je te sais, soleil, Je vous sais, pommiers. Je connais l'étrange Variété du noir Qui a nom lumière. De son royaume j'ai tremblé. * Je n'ai pas d'horizon Au-delà de ce mur Sur lequel je t'écris. Je n'écrirai pas plus Que je ne peux savoir. * J'écris la vérité que supporte le mur Au fond du noir. * Dehors il y aurait un autre champ d'action, La trompette où souffler le jour plus fort que lui, Comme souffle un seul feu à nu dans les chemins, Quand midi vient éperonner Toute la terre permanente. Mais, dehors, où t'écrire A défaut de ce mur? * Dehors, mais je ne saurais plus A qui j'écris. Et que sera, dehors, Dans le feu et le vent, Celui qui doit t'écrire? * A moins qu'un jour - Est-ce que ce sera le jour? - Nous sachions être ensemble, je le veux, Pour le dehors et pour le noir. En notre honneur alors Brûleront de lumière, Mais à notre mesure, Les pommiers, les rivières. Alors je t'écrirai sur ce que tu verras Flamboyer de tendresse, Sur toutes choses autour de nous Dans le dehors et dans le noir. Je n'aurai plus besoin De chercher à t'écrire Sur le mur introuvable Où j'écris maintenant. * Qu'importe après cela Qu'il reste encore du noir Dans la grande lumière, Au fond de la lumière, Puisque tu seras là Pour tâtonner ensemble Et que je t'écrirai Avec mes lèvres sur ton corps. * En attendant j'écris Sur le mur qui doit être au fond du noir : « Je bénis tes genoux, « Je pense au jour « Où sous mes mains ils trembleront « Comme font les feuillages « Avec moins de raison. » * Et nous irions Vers la lumière guérissable. |
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Guillevic Sphère (1907 - 1997) |
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Portrait de Guillevic Sphère | |||||||||
La vie et l'Ouvre de guillevigGuillevic est né à Carnac (Morbihan) le 5 août 1907. BibliographieGuillevic était l'un des poètes majeurs de notre temps, avec une oeuvre dépouillée, cristalline et forte, traduite en plus de quarante langues dans 60 pays. Pour lui, la poésie permettait de maîtriser l'inquiétante étrangeté des choses. Sa langue dans de courts textes, était précise, dépouillée et travaillée au point qu'un critique avait qualifié sa poésie, d'aiguë et brillante comme un rocher bre |
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