Guillevic Sphère |
Dire Quand commence le soir - Le passage du soir A la nuit Est plus marqué, Le soir S'aperçoit surtout A sa disparition. . * Essaie de voir Naître le moment Où se fait le passage. Pour cela Les oiseaux t'aideront Car eux, Us savent. Les canards Regagneront la terre. Révélateur précoce : Le coucher de la basse-cour. La chauve-souris N'interviendra Que lorsque le soir Sera installé, Alors, le hibou sentira Qu'il entre dans son règne Et que va s'ouvrir Ce qui l'entoure. Le plus étonnant C'est la lumière: Elle s'éteint Et n'en souffre pas. La roche en veut Au soleil qui la travaille. Elle va pouvoir enfin Se fermer davantage sur elle. Le soir Paraît éprouver De la tendresse Four les frondaisons. Les feuilles commencent A se reposer. Elles s'alourdissent, Pensent à elles-mêmes. Certains d'aller moins vite, Les ruisseaux savourent leur temps, Bruissent un peu plus fort. Les eaux dormantes s'abandonnent Au loisir de ne rêver Qu'à leur quotidien. Les flaques d'eau S'occupent à faire le mort. * Est-ce que le soir préfère La campagne à la ville ? Les bâtiments, Les grandes maisons N'aiment guère L'arrivée du soir. On les voit se gonfler Pour mieux résister. Le béton, lui, Continue A ne se souvenir De rien. Avec la lumière artificielle Le soir joue À ne pas faire semblant. Le soir A la tentation De se faire entonnoir - Et nous levons la tête Avec l'espoir De respirer plus librement. Qu'est-ce qui dans le soir Ne perçoit pas Qu'il y aura la nuit? Celui qui cherche le plus A cac her l'événement C'est le ciel. Il signifie Qu'il ne veut pas renoncer. Cela reste vrai Au plus fort de l'été Lorsque l'espace Se saoule de sa lumière. Quand le soir est là On est moins seul Puisqu'il s'affirme Et vous agrippe. Moi, soir, J'enveloppe, Je protège, Mais on ne cesse De m'attaquer. * De son enveloppement Le soir N'exclut personne. Il ferait plutôt Se retrouver certains. Au fur et à mesure Qu'il avance, A la façon d'un chat Sûr de gagner, Le soir tend de plus en plus A s'aimer. Le soir Ne sera pas pesé. Il ne sera pas rejeté Pour excès de poids. L'épanchement du sou-Fait reculer L'immanence de l'éternité. Tout ce que touche le soir Est plus consistant. Tout s'abandonne à lui Comme si de rien n'était. Le soir Peut faire rire De l'absolu. Le soir Est un sphinx Qui aboie à la nuit. Egalité ! Egalité ! Clame le soir. En moi tout Incline vers l'égalité. Bien plus que dans le jour. En moi tout baigne Dans la même lumière Atténuée. Pourtant, Tout dans le soir Ne se donne pas A la même allure. Il y a des pointes. Qu'est-ce que veut le soir ? Mais il n'est pas un vouloir, Il obéit. Le soir s'entend Comme une réponse À la question Que la terre N'a pas posée. L'approche du soir Ne met pas à l'épreuve La position de la planète. Elle garde son axe. Il y a pourtant des jours Où l'on croirait Que le soir S'est trompé D'heure ou de lieu. Le soir a compris Que ce n'est pas lui Qui décide, Mais il ne croit pas Aux horloges. Le soir N'insiste pas Sur les étangs. Question de confiance. Avec le soir Les couleurs N'attendent plus rien. Il y a des fois Où le soir se traîne Comme un cheval fatigué. * Parfois le soir s'angoisse. Tant d'immensité A posséder Malgré les orages. Toi, nuage, le soir Ne t'ineommode pas. Tu continues, tu cherches A t'agglutiner à tes pareils. Dans le jour Nous rêvons de quelque chose De plus tissé Où nous aurions A gagner sur l'espace, Et le soir Ne nous apporte pas De quoi nous occuper A la tâche rêvée. On assiste aux reflets Du passage du temps Mais on ne le voit pas passer. C'est quand même le surprendre Que de contempler L'assombrisscment du soir. Chacun peut se faire Sa collection de soirs, Mais le soir Y est-il vraiment ? A parler du soir Proust vient m'habiter. Les rapports Du soir et de la nuit - Sont-ils de connivence ? Le soir agonisant Verra les retrouvailles. Que serait ici cette vie S'il n'y avait pas le soir? Si le jour tombait d'un coup Dans la nuit noire ? La lune est comme peureuse Dans le soir. Elle s'arrondit En tâtonnant. Si j'étais le coq, C'est le soir Que je crierais Au nom du jour. Le soir parierait Que c'est lui Qui engrosse la nuit De l'aurore à venir. Le soir se fait velours. Il caresse les nuques. Il prend tout son temps Pour se durcir en nuit, C'est en s'enfonçant en lui-même, Comme s'il se perfectionnait, Qu'il disparaît. Quand arrive la nuit Il a tout bichonné Pour elle. Patience, patience, Les étoiles ! On a de quoi s'occuper Sans vous. Le sou-Est peut-être le chour Qui endort la nuit, Mais la nuit Est un fauve Qui tient tête. * Le soir Cherche à se cramponner. On comprend ça. * Oui, soir, Tu t'installes comme si Tu devais durer, Mais tu seras avalé Comme la marée. De tout cela Rien ne se perd Répond le soir, Puisque demain C'est aujourd'hui. |
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Guillevic Sphère (1907 - 1997) |
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Portrait de Guillevic Sphère | |||||||||
La vie et l'Ouvre de guillevigGuillevic est né à Carnac (Morbihan) le 5 août 1907. BibliographieGuillevic était l'un des poètes majeurs de notre temps, avec une oeuvre dépouillée, cristalline et forte, traduite en plus de quarante langues dans 60 pays. Pour lui, la poésie permettait de maîtriser l'inquiétante étrangeté des choses. Sa langue dans de courts textes, était précise, dépouillée et travaillée au point qu'un critique avait qualifié sa poésie, d'aiguë et brillante comme un rocher bre |
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