Henri de Régnier |
Si tu veux être heureux, ne cueille pas la rose Qui te frôle au passage et qui s'offre à ta main; La fleur est déjà morte à peine est-elle éclose. Même lorsque sa chair révèle un sang divin. N'arrête pas l'oiseau qui traverse l'espace; Ne dirige vers lui ni flèche, ni filet Et contente tes yeux de son ombre qui passe Sans les lever au ciel où son aile volait; N'écoute pas la voix qui te dit : « Viens ». N'écoute Ni le cri du torrent, ni l'appel du ruisseau; Préfère au diamant le caillou de la route; Hésite au carrefour et consulte l'écho. Prends garde. Ne vêts pas ces couleurs éclatantes Dont l'aspect fait grincer les dents de l'envieux; Le marbre du palais, moins que le lin des tentes Rend les réveils légers et les sommeils heureux. Aussi bien que les pleurs, le rire fait les rides. Ne dis jamais : Encore, et dis plutôt : Assez. Le Bonheur est un Dieu qui marche les mains vides Et regarde la Vie avec des yeux baissés ! |
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Henri de Régnier (1864 - 1936) |
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