Jacques Ancet |
...alors on s'enfonce, on traverse des étendues où le seul futur est le cour qui bat comme cet appel auquel on voudrait répondre et c'est pourquoi on avance, même si à chaque pas rien ne bouge que le corps obstiné qui poursuit l'ombre qu'il n'a pas, on aimerait pouvoir s'arrêter, regarder simplement l'aube qui vient, poser la main sur la pierre froide et saluer la lumière, dire les premiers mots, écouter le crissement du sable, le bruissement de l'eau, la rumeur des choses qui commencent mais le jour est déjà le soir, on n'a rien pu saisir, on reste vacant à regarder ses mains dans l'éclat des lampes ou sur la vitre l'attente du visage noir, on se perd, on se retrouve, il y a des silences remplis de voix, des matins tombés comme des soirs, plus on avance et moins on sait, on cherche demain entre des mots qui disent hier, ce qu'on a gagné on l'a perdu, comparé à ce qu'on a été on n'est rien, disait-il, mais un rien qui insiste, on guette entre les signes du corps l'imperceptible grignotement tandis que sur la fenêtre brille une sorte de splendeur, on voudrait y entrer, être le courant et à la fois se voir couler, on cherche, les choses semblent n'avoir pas bougé mais quand on veut les prendre, les toucher, simplement, c'est comme si elles reculaient, s'effaçaient ne laissant sur les doigts qu'un peu de poussière à peine, quelque chose qui peut-être ressemble à l'oubli, alors c'est dans cet oubli qu'on s'avance, au moment où on croit ne plus rien tenir, c'est là, un éblouissement minuscule, on est perdu... |
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Jacques Ancet (1942 - ?) |
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